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Il débuta, dans le monde littéraire, par Bélisaire, qui le mit d'abord en évidence, en lui procurant pour antagonistes les messieurs de Sorbonne.... Il s'est depuis exercé dans presque tous les genres de littérature: la tragédie, l'opéra, le vandeville, le conte... Il a excellé dans ce dernier, et les Contes moraux sont peut-être l'ouvrage moderne le plus répandu dans l'Europe. Il a aussi écrit une poétique, et a prouvé, après mille autres, qu'il est plus facile de tracer des règles que de les suivre. La meilleure poétique pour le théâtre, ce sont les tragédies de Racine, comme pour l'ode et la fable, les ouvrages de Rousseau et de Lafontaine.

Marmontel a vu périr successivement ses protecteurs et ses amis: Voltaire, Vauvenargues, Florian... Malheur réservé à ceux qui parcourent une longue carrière. Il est mort à Gaillon, (ancien palais des Archevêques de Rouen), le dernier jour de l'an 1799 (v. st.), plus qu'octogénaire. Ce siècle, célèbre à jamais par les plumes éloquentes des Montesquieu, des Buffon, des Rousseau, des Dalembert, des Voltaire, des Thomas, et par les productions aimables, des Florian, des Favart et des Marmontel, a, pour ainsi dire, été fermé par lui.

Tout ce qui sort de la classe commune des hommes a ses détracteurs et ses ennemis. Notre auteur eut les siens. Entr'eux, le plus írascible et le plus décidé, a été l'ex-oratorien Palissot, qui n'a pas cru trop faire en écrivant tout entier un poëme contre le bon Marmontel; et ce poëme, sous le nom anglais

de Dunciade,, a eu deux éditions, tant la satire est du goût du grand nombre! Depuis la mort de Marmontel, M. Palissot a tourné ses armes contre l'astronome Lalande. C'est M. Palissot qui a dit, parlant de Fontenelle, il eut l'avantage de survivre à tous ses ennemis.

en

Marmontel a long-tems habité une jolie petite maison à Grignon, hameau près Choisi, à quelque distance de la Seine (*). Malgré son grand âge, il n'a pas laissé de ressentir les outrages de la tempête politique. Porté sur le grand théâtre, sans l'avoir souhaité, il a été exclu du conseil des anciens, où il siégeait depuis quatre mois, par le décret du 18 fructidor an 5.

Marmontel remplaça, en 1763, l'académicien Bougainville, et fut fait ensuite historiographe de France. On sait qu'il a plaidé, au tribunal de l'opinion, la cause des paysans esclaves du nord.

Sur l'ancienne langue du Limosin.

Le peuple des campagnes parle encore un idiôme qui tient de la langue portée par les Gots dans les Espagnes. Les verbes les plus

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(*) J'ai passé quelque tems dans cette paisible retraite de notre compatriote

usuels, être, avoir, aimer, ont à-peu-près la même conjugaison dans l'une et l'autre langue. Les articles et les pronoms conservent les mêmes désinences, questo, quello, io, etc.

Les Gots, comme on sait, occupèrent la France méridionale (Aquitaine) dès le commencement du 5e siècle. Honorius, empereur d'occident, la leur céda en 418. Depuis cette époque, l'Aquitaine eut sa langue particulière, comme eurent la leur les Bourguignons, les Francs, et plus tard les Normands. Ainsi, quoiqu'avec des inflexions diverses, tous les peuples de la rive gauche de la Loire, ou plutôt de la Vienne aux Pyrénées, parlent une langue commune, avec la prononciation des Italiens et des Espagnols. Ces trois langues modifiées, de nos jours, ont une origine semblable, le passage et le séjour des Gots. Aussi les ouvriers que le besoin et l'industrie appèlent de l'Auvergne et du Limosin dans la Castelle, se familiarisent-ils promptement avec la langue du

pays.

Une différence sensible, pourtant, existe entre le languedocien ou le provençal, et l'idiôme parlé entre la Dordogne et la Vienne. Cette

différence est due, à n'en

pas

douter, d'abord

au séjour d'environ deux siècles qu'ont fait les Anglais dans la Guienne et le Limosin (depuis la cession de Louis IX, en 1259, jusqu'à leur entière expulsion sous Charles VII, en 1451), et aux guerres continuelles des Français et des Anglais, dont ce malheureux pays fut le théâtre. En second lieu, aux guerres civiles et religieuses qui, au 16e siècle, nécessitèrent le séjour des troupes royales opposées aux rois de Navarre (*). Ces circonstances, et peut-être d'autres encore qui me sont inconnues, ont fait passer la prononciation française ou anglaise dans un très-grand nombre de mots languedociens, et souvent même les ont fait oublier entièrement. Par exemple, castel, capella, caminare...., ont pris le costume français, chastel, chapella, etc., mais la

pronon

:

(*) C'est par cette raison qu'un grand nombre de vieux mots du 16e siècle sont restés dans le pays parmi le peuple adonc, ores, chopper. De même les mots mensonge, ongle, épi, etc., qui ont passé au genre masculin, depuis Marot et Montaigne, conservent leur premier genre dans cette langue, le fé

ciation du chest anglaise, the, thcastel... Il est est inutile de dire que le ch doux est propre aux Francs et aux Normands, et que le seul nom de Cateau-Cambrésis, entre le Rhin et la Loire, annonce une origine étrangère.

Le languedocien a une infinité de mots la tin-pur (prononcés à l'italienne); de mots italiens et espagnols. Les instrumens de labourage, v. g., conservent les noms transmis par Columelle et Virgile : les diverses pièces de la charue s'appèlent encore dental, stiva, etc. Les autres outils de la culture, flagellum, ligo, le fléau et la houe ont leur nom romain, à trèspeu de chose près. On est assez étonné d'entendre le maçon et le charpentier donner des noms latins à la poutre et à la muraille, trabs, paries, parès. Le pot nourricier enfin, la principale pièce de la batterie du pauvre, conserve, comme en espagnol, son nom latin, olla. Les mots de cette dernière langue, cabeça, prado, rio, sabbatos, caminare, etc., sont restées sans altération, outre les verbes qui en ont subi une. Mais l'italien sur-tout en fournit une quantité innombrable, avec ses augmentatifs et ses diminutifs, qui lui prêtent tant de charme.

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