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foutenus. Le dialogue eft jufte & concis, le comique des perfonnages eft tiré de la pensée, quelquefois de la fituation, & ne consiste point dans des jeux de mots ou de froides faillies, reffources ordinaires des Auteurs médiocres. Les portraits qu'elles préfentent tirent leur principal agrément de la Critique, & non de la Satyre, comme ceux de quelques Poëtes comiques qui font venus après lui. Avec autant de parties eftimables, fes Pieces manquent, en général, du côté de l'intrigue, & leurs dénouemens ne répondent pas au jeu & à la vivacité des Scenes. Regnard, dit-on, lui doit fon Joueur. Ce qu'il y a de certain, c'eft que, lorsque Dufresny voulut faire repréfenter le fien, il n'étoit plus temps: celui de Regnard s'étoit emparé des fuffrages; ce qui acheva de brouiller irréconciliablement ces deux Auteurs.

Louis XIV honora toute fa vie Dufresny d'une bienveillance particuliere, & le combla de bienfaits, fans jamais le pouvoir enrichir. Il avoit deux paffions qui dévoroient tout, l'amour de la table & celui des femmes. Un homme de ce caractere fembloit ne devoir jamais fe fixer; cependant il fe maria deux fois. En fecondes noces il époula fa Blanchifleufe, pour s'acquitter de ce qu'il lui devoit. M. le Sage raconte ainfi ce trait dans fon Diable Boiteux. » Je veux envoyer aux » Petites Maisons un vieux garçon de bonne fa

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» mille, lequel n'a pas plutôt un ducat qu'il le dépenfe, & qui, ne pouvant se paffer d'efpeces, » eft capable de tout faire pour en avoir. Il y a quinze jours que fa Blanchiffeufe, à qui il de» voit trente pistoles, vint les lui demander, en » lui difant qu'elle en avoit besoin pour se ma➡rier à un Valet-de-chambre qui la recherchoit. »Tu as donc d'autre argent, lui dit-il; car où » diable eft le Valet-de-chambre qui voudra de» venir ton mari pour trente pistoles ? Hé! mais,

répondit-elle, j'ai encore, outre cela, deux » cents ducats. Deux cents ducats! repliqua-t-il

avec émotion; malepefte! tu n'as qu'à me les » donner à moi, je t'époufe, & nous voilà quitte » à quitte; & la Blanchiffeufe eft devenue fa » femme «.

Dufresny a travaillé auffi au Mercure de France. Les volumes qui font de lui, fourmillent de ces traits d'efprit & d'enjouement, qu'il savoit répandre dans toutes fes productions. On a encore de lui des Amusemens férieux & comiques, qui eurent dans le temps beaucoup de fuccès, & qui peuvent encore amufer aujourd'hui. Il y introduit un Siamois, faifant une critique de nos usages & de nos mœurs. Il est affez vraisemblable que cette ingénieufe production a fourni l'idée des Lettres Perfannes, des Lettres Turques, des Lettres Chinoifes, &c. Mais les imitateurs

n'ont

n'ont pas été aufsi sages & auffi réservés que

lui.

DUGUET, [ Jacques-Jofeph ] Oratorien, né à Montbrison en 1649 mort à Paris en 1733.

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La méthode, le nombre, l'onction, & souvent la force unie à l'élégance, diftinguent fes Ecrits de ceux des autres Ecrivains de Port-Royal, dont il fe rapproche cependant quelquefois par la diffufion & le fonds des principes défendus fi opiniâtrément par cette Ecole célebre. Sa plume s'eft également exercée fur la Controverse, sur la Morale, fur les Ouvrages de piété. Aux deux défauts près que nous avons indiqués, cet Auteur, dans les objets qui n'intéreffent pas fes idées particulieres, eft conftamment habile_Interprete des Ecritures, Défenseur zélé de l'Eglife, Moralifte éclairé, Prédicateur fenfible de la Piété Chrétienne & de fes devoirs. Ses Traités de la Priere publique, des devoirs d'un Evêque, des principes de la Foi, les Caracteres de la charité, l'Ouvrage des fix jours, dont la Préface eft de l'Abbé d'Alfeld, le Recueil de fes Lettres, annoncent par-tout l'amour de la vertu, un zele fincere pour la Religion, & une grande facilité pour écrire.

Un autre Ouvrage, qui fait encore honneur aux talens de M. l'Abbé Duguet, & qui a le plus contribué à étendre fa réputation parmi les

Tome II.

E

gens du monde, eft fon Livre de l'Inftitution d'un Prince. Si l'Ecrivain n'y eft pas politique aufli profond, que l'efprit actuel des Gouvernemens femble l'exiger, les vues y font du moins faines, les principes fagement difcutés, les réflexions juftes & lumineuses, la morale utile & irréprochable. De plus, le ftyle en eft pur, coulant, noble, élégant & précis. MM. Marmontel & Thomas ont lu avec fruit cette Inftitution, dont ils ont fondu quelques idées, à leur maniere, l'un dans fon Bélifaire, l'autre dans l'Eloge de M. le Dauphin.

1. DUHAMEL, [Jean-Baptifte] né à Vire en Baffe-Normandie en 1624, mort à Paris en 1706.

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Un des hommes les plus favans de fon temps. M. Colbert le nomma Secrétaire de l'Académie Royale des Sciences, Jorfqu'il eut fait approuver par le Roi l'établiffement de cette Compagnie. Les Ouvrages de cet Académicien, qui traitent de Phyfique ou de Théologie fcholaftique, font les moins connus & les moins eftimés. On fait bien plus de cas de fon Aftronomie physique, écrite en latin. Cet Ouvrage offre un recueil des principaux fyftêmes des Philofophes tant anciens que modernes, fur la lumiere, fur les couleurs &fur la ftructure de l'Univers. Tout ce qui ap

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partient à la fphere & à la théorie des planetes, au calcul des éclipfes, y eft expliqué mathématiquement. Son Traité des Météores & des Foffiles raffemble auffi tout ce qu'ont dit fur ces matieres les plus célebres Phyficiens qui l'ont précédé. Dans tous ces Ecrits, M. Duhamel annonce une grande connoiffance de l'Histoire Naturelle & de la Chymie, & fon ftyle eft constamment exact & conforme aux fujets qu'il traite,

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Lorsque les infirmités de cet Académicien ne lui permirent plus de s'acquitter des fonctions de fa place de Secrétaire, il contribua beaucoup à faire élire M. de Fontenelle pour fon fucceffeur; çe qui eft une preuve de fon jugement.

2. DUHAMEL DU MONCEAU, [ HenriLouis de l'Académie des Sciences, de la Société Royale de Londres, des Académies de Palerme, &c, né à Paris en 17..

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Peu d'Auteurs ont autant mérité que lui de leurs contemporains, & ont plus travaillé à fe rendre utiles à leurs defcendans. Doué du talent d'écrire avec méthode & clarté, il a confacré fa plume & fes travaux à des objets d'un intérêt effentiel pour la Société. Parmi une infinité d'Ouvrages qu'il a publiés, il ne s'en trouve aucun qui ne renferme des vues avantageufes & bien préfontées. Il a écrit fur la Marine, fur diverses par

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