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pourrions nous étendre encore fur celle qui lui eft due en qualité de Profateur. Tout le monde connoît fa belle Traduction de Longin, & fes Réflexions critiques contre Perrault. Ces deux Ouvrages, écrits avec autant de nobleffe que de naturel & de folidité, fuffiroient, auprès des Connoiffeurs, pour affürer à tout autre Ecrivain une réputation préférable à celle dont jouiffent plufieurs de nos Littérateurs modernes les plus

renommés.

Finiffons cet article, en déclarant encore à tous les Ariftarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Differtations, leurs Sentences, leurs Satyres, Defpréaux n'en fera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre langue, & qui l'a portée, par fes Ouvrages, au degré d'eftime où elle eft parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a fu le mieux réunir l'exactitude de la méthode & la vivacité de l'imagination; le fel de la bonne plaifanterie, & le refpect dû à la Religion & aux mœurs; l'art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicateffe; le talent d'imiter, en paroiffant original; la distinction unique d'être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout

dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de de la vertu, les qualités du cœur. Qu'on life les Mémoires de fa vie; on y applaudira à la générofité de fes bienfaits répandus fur les Littérateurs qu'il fe croyoit obligé d'attaquer dans fes Ecrits; on y apprendra qu'il a été le bienfaiteur de Liniere, qui ne ceffoit de déclamer contre lui, qu'il donna des fecours à Caffandre, dont il eftimoit peu les talens ; qu'il le réconcilia avec Perrault, en oubliant fes calomnies; qu'il rendit justice à Bourfault, en reconnoiffant fon mérite qu'il avoit trop méconnu, qu'il conferva au célebre Patru fa Bibliotheque, en l'achetant plus cher qu'il ne vouloit la vendre, & en lui en laissant la jouisfance; qu'il ofa refufer le paiement de la penfion que lui faifoit Louis XIV, en disant à ce Prince, qu'il feroit honteux pour lui de la recevoir, tandis que Corneille, qui venoit de perdre la fienne, par la mort de Colbert, fe verroit privé de fes bienfaits ce qui valut à ce dernier un présent de deux cents louis ; qu'il eut un grand nombre amis dans les rangs les plus élevés, comme parmi les plus célebres Littérateurs de fon temps, & qu'il les conferva toute sa vie.

Ce ne fut donc pas la malignité du cœur, la haine ou la vengeance qui enfanta fes Satyres ; ce

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fut une équité inflexible, jointe à la vigueur du génie & au zele pour la gloire des Beaux-Arts. Si on ofe nous répéter encore qu'il manquoit de fentiment, nous dirons qu'il aima mieux le mettre dans fes actions que dans fes Ouvrages, & qu'il n'en eft que plus estimable. Il est si ordinaire de paroître fenfible dans un Difcours ou une Epître, & d'être impitoyable dans la Société, que l'éloge du fentiment a toujours l'air d'un blatphême, dans ceux qui en parlent avec trop d'affectation.

DESTOUCHES, [ Philippe Néricault] de l'Académie Françoise, né à Tours en 1680, mort à Paris en 1754.

Quand il n'auroit fait que la Comédie du Glorieux & celle du Philofophe marié, il n'en mériteroit pas moins un des premiers rangs parmi les Poëtes comiques. Ses autres Pieces n'ont pas, à la vérité, le même mérite; mais elles n'en prouvent pas moins fon talent & fa fupériorité dans le genre qui lui étoit particulier.

Le Glorieux peut être mis à côté des bonnes Pieces de Moliere. Plan, ordonnance, action, caracteres, comique, dialogue, ftyle, verfificationt tout y annonce un Peintre habile à faifir les nuances du ridicule, & à le préfenter dans un jour propre à le faire reffortir. Le Philofophe

marié eft d'un autre genre de mérite : il prouve combien Deftouches avoit de reffources dans l'imagination: conduire pendant cinq actes, fans langueur & fans inutilité, un sujet qui paroît capable de fournir tout au plus deux ou trois scenes, ne fauroit être l'Ouvrage que d'un efprit qui connoiffoit les fecrets du cœur & favoit tout ramener à l'action théatrale.

Ses autres Comédies font moins achevées, & fuppofent, malgré leurs défauts, des talens finguliers pour la bonne Comédie. Sans avoir la force comique de Moliere, ni la gaieté de Renard, il a plus tiré de fon propre fonds que ces deux Poëtes. Plus adroit, plus heureux dans fes dénouemens que le premier; plus décent, plus moral que le fecond, il ne perd jamais de vue le but de la vraie Comédie, qui eft de corriger les hommes, de guérir leurs travers, en les amufant. Moliere a plus de génie ; Regnard plus de vivacité Deftouches a pour lui la fageffe & la régularité. Il pourroit donc marcher à côté d'eux,

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trop de monotonie dans la coupe de ses Pieces & dans les contraftes, un dialogue quelquefois diffus, un ton trop froid & trop réservé, devoient le céder aux faillies vives & piquantes de l'Auteur du Légataire, & au fel foutenu de celui des Femmes Savantes, du Mifanthrope,

& des premiers chef-d'œuvres de notre Théatre

comique.

DIDEROT, [ Denis ] De l'Académie de Berlin, né à Langres en 17.., Auteur plus prôné que favant, plus favant qu'homme d'efprit, plus homme d'efprit qu'homme de génie, Ecrivain incorrect, Traducteur infidele, Métaphyficien hardi, Moraliste dangereux, mauvais Géometre, Phyficien médiocre, Philofophe enthoufiafte, Littérateur enfin qui a fait beaucoup d'ouvrages, fans qu'on puiffe dire que nous ayons de lui un bon Livre. Telle est l'idée qu'on peut fe former de M. Diderot, quand on l'apprécie en lui-même, fans se laiffer éblouir par les déclamations des avortons de la Philofophie, dont il a fait entendre le premier les grands hurlemens parmi nous.

Il faut que la vérité ait changé de nature, depuis qu'il a entrepris de nous l'enseigner. Ses principaux effets font d'éclairer, de faifir, de pé

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nétrer les Vérités de M. Diderot n'ont aucun de ces caracteres. Lycophron proteftoit publiquement qu'il le pendroit, s'il ne fe trouvoit quelqu'un qui pût entendre fon Poëme de la Prophétie de Caffandre: on diroit que notre Prophete moderne a fait le même ferment. Ce n'est pas

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