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qu'il n'ait pas joui d'une plus longue vie. Ses fentimens répondoient du bon usage de ses talens; la maturité de l'âge en eût vraisemblablement écarté la frivolité, y auroit fubftitué l'empreinte d'une raifon plus folide, & l'on n'eût pas eu à craindre de voir fa vieilleffe déshonorée par des productions propres à déshonorer tous les âges.

DESMARETS DE SAINT-SORLIN, [Jean] de l'Académie Françoife, né à Paris en 1595, mort dans la même ville en 1676, Poëte extravagant, auffi célebre par la fécondité, les délires & les platitudes de fa Mufe, que par le prestige étonnant qui rendit le Cardinal de Richelieu fon zélé protecteur. Ses Comédies, fes Tragédies, fes Poéfies héroïques, tous fes Ouvrages en vers font rifibles, par les inepties qui y fourmillent d'un bout à l'autre. Ce qu'il a écrit en prose ne vaut pas mieux. Ses Romans, fes Differtations, fes Critiques, fes Traductions, fes Livres mystiques n'ont pas le fens commun, & on difoit très-bien d'un de fes Ouvrages, intitulé les Délices de Efprit, qu'il falloit mettre à l'Errata: Délices, lifez Délires.

DÉSORMEAUX, [N.] Avocat, Hiftoriographe de la Maifon de Bourbon, Bibliothécaire

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de M. le Prince de Condé, de l'Académie des Infcriptions, de celle de Dijon & d'Auxerre, né

en 17..

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Quoique l'Hiftoire foit une des branches de notre Littérature la plus conftamment cultivée, rien de plus rare cependant parmi nous que les bons Hiftoriens. Si on en excepte un petit nombre, dont la réputation se soutiendra dans tous les fiecles, le refte n'offre qu'une multitude d'Ecrivains qui paroiffent avoir méconnu l'efprit & le ton du genre auquel ils fe font attachés. M. Déformeaux eft un de ceux qui, après s'être engagés dans la carriere, l'ont parcourue de nos jours avec d'heureux fuccès. Son Abrégé chronologique de l'Hiftoire d'Espagne, l'Hiftoire de la Maifon de Montmorency, de la Maifon de Bourbon, celle du Grand Condé, lui ont acquis l'eftime du Public, par la fageffe avec laquelle il a traité ces différens fujets. Sa narration, qui pourroit être plus ferrée, plus foutenue, offre néanmoins un style noble & gracieux par intervalles. C'est dommage qu'une trop grande abondance d'expreffions poétiques, recherchées qu'une furcharge d'épithetes, que des détails quelquefois minutieux, ôtent à fes Hiftoires cette vivacité qui entraîne, cette aifanc qui plaît, cette gravité qui recommande également le Perfonnage & l'Hiftorien. Un autre écueil que

M. Déformeaux auroit dû éviter, eft une affectation trop fenfible dans les louanges qu'il donne à fes Héros, une application trop marquée à paffer légérement fur les foibleffes & les fautes dont ils n'ont pas été exempts. Pouvoit-il ignorer qu'il exifte toujours de petits nuages dans la vie des plus grands hommes ? C'est par ces éclipfes fagement préfentées, qu'on inftruit les autres homfans nuire à la gloire des Héros qui les ont éprouvées. L'Hiftoire n'eft que le récit fidele des événemens; ces événemens parlent d'euxmêmes, & on doit en écarter tout ce qui fent le panégyrique ou l'apologie.

mes,

Malgré ces Obfervations que nous croyons néceffaires, M. Déformeaux doit occuper une place diftinguée parmi nos Biographes modernes. Il n'a pas fait de fes Hiftoires un champ de réflexions malignes, de fatyres indécentes, d'anecdotes puériles ou hafardées ; & le ton d'honnêteté qui y regne les fera toujours goûter des Lecteurs fages, & des Littérateurs ju→ dicieux.

DESPORTES, [Philippe] Chanoine de la Sainte-Chapelle, Abbé de Tiron, Lecteur dụ Roi Henri III, né à Chartres en 1546, mort là 1606.

Defpréaux dit, en parlant de Ronfard,

Ce Poëte orgueilleux, trébuché de fi haut,
Rendit plus retenus Desportes & Bertaud.

En effet, Defportes fut bientôt fe dégager du Pédantifme de Ronfard, qu'il avoit pris d'abord pour modele. Quand on eft né avec le fentiment du vrai, on y revient toujours, quoiqu'un enthousiasme mal entendu puiffe nous en éloigner quelquefois. Ses Poéfies annoncent une imagination douce & brillante; les expreffions en font naturelles & délicates, le ftyle fimple & plein de graces ingénues. Ce fut des Italiens qu'il apprit, dit-on, à répandre dans fes Vers un noble enjouement, tel qu'eft celui qui regne dans ce Sonnet adreffé à une Dame :

Je vous entends fort bien, ce propos gracieux,
Ces regards dérobés, cet aimable fourire,

Sans me les déchiffrer, je fais qu'ils veulent dire,
C'est qu'à mes ducatons vous faites les doux yeux.

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Quand je compte mes ans Titon n'eft pas plus vieux;
Je vois déjà pour moi s'ouvrir le fombre Empire;
Toutefois votre cœur de mon ame soupire,
Vous en faites la trifte, & vous plaignez des Cieux.
Le Peintre étoit un fot, dont l'amoureux caprice
Nous peignit Cupidon un enfant fans malice,
Garni d'arcs & de traits, mais nud d'acouftremens.

Il falloit, pour carquois, une bourse lui pendre,
L'habiller de clinquant, & lui faire répandre
Rubis à pleines mains, perles & diamans.

Cc

Ce feroit s'exprimer foiblement, que de dire que les Poéfies de Deportes méritent encore quelque eftime: un Lecteur attentif y trouvera plufieurs traits à admirer. Il est le premier qui ait fu répandre de l'agrément & de la délicateffe dans les Pieces érotiques ou de galanterie. On fait encore par cœur plufieurs couplets de fes Chanfons.

Les talens de ce Poëte furent récompenfés avec une magnificence dont on ne voit point d'exemple. On peut en juger par Rodomont, qui lui valut huit mille écus de la part de Charles IX, & qui n'eft pas fon meilleur Ouvrage. L'Amiral de Joyeuse lui donna, pour un Sonnet, l'Abbaye de Tiron qui rapportoit alors trente mille livres; ce qui doit faire penfer que_Defportes vécut au fiecle dor de la Poéfie. Balzac difoit que fes Vers lui avoient acquis un loifir de dix mille écus de rente, ce qu'on peut regarder comme un écueil contre lequel dix mille Poëtes fe font brifés.

Henri III lui dit un jour, j'augmente votre penfion, parce qu'il parut devant ce Prince avec un habit négligé.

Une chofe qui contribue à augmenter la gloire de Deportes, eft l'ufage qu'il fit de la fortune que ion mérite lui avoit procurée. Son caractère aimatic, facile, doux, bienfaifant, généreux, Tome II.

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