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M. de Bertrand a présenté peut-être avec trop de détail les plans et les mesures qui, dans son opinion, auroient pu et dù étre adoptés, il la fait pour répondre une fois pour toutes à certains apologistes du ministère ou du ministre dirigeant, qui, à chaque tort, à chaque faute qu'on lui reproche, ne savent que répéter: Que vouliez-vous qu'il fit?

7°. L'opinion de M. Mallet-du-Pan est, qu'après le 14 juillet 1789, c'étoit de la prudence et non de l'énergie que le salut du monarque imposoit aux ministres.... que la force d'inertie devint leur seule ressource et le dernier appui de la couronne démantelée. (P. 24 et 25.)

M. de Bertrand qui a observé et prouvé dans les deux ouvrages qu'il a publiés sur la révolution, que dans les occasions, malheureusement trop rares, où le roi ou les ministres ont montré quelque énergie, il en est toujours résulté un effet avantageux, pense, au contraire, que la prudence mène conseilloit, commandoit impérieusement aux ministres, une attitude et des résolutions énergiques; que dans un poste d'activité constante et indispensable, tel que le ministère dans les tems difficiles, la force d'inertie ne défend ni ne conserve rien; que c'est en n'en opposant pas d'autre aux progrès de la révolution, que le ministère a accéléré sa marche, favorisé ses excès, et s'est attiré le mépris et les insultes de tous les partis; en un mot, qu'un ministre quelconque, à qui il ne reste plus, pour toute ressource, que la force d'inertie, n'a pas de devoir plus pressant, que celui de donner sa démission. M. de Bertrand ne balança pas à donner la sienne, lorsqu'il fut réduit à cet état de nullité par la division que la querelle de M. de Narbonne mit dans le conseil (1). Il lui eût été beaucoup plus

(1) Mémoires particuliers, chap, 17, 18, 19 et 20.

facile que M. Mallet-du-Pan ne le pense (page 29), de se garantir à très-bon marché, des dénonciations dont il il fut l'objet ; mais assuré qu'il ne pouvoit pas en exister de fondées, et peu inquiet de celles qui ne l'étoient pas, il rejeta avec indignation les conditions pécuniaires qui lui furent proposées à cette occasion. Au reste, les faits que M. de Bertrand a consignés dans ses Mémoires particu liers (chap. 11), et le discours qu'il prononça le 5 décembre 1791, à l'assemblée, et dont on trouve un extrait fidèle dans le Mercure français, prouve assez que ce ministre ne s'effrayoit pas des dénonciations.

8°. M. Mallet-du-Pan égaré sans doute par des notes infidelles, ou par les rapports mensongers de quelques journalistes, a cru appercevoir dans les Annales de la Révolu tion, une erreur qui seroit bien grave, si elle existoit réellement. Il affirme (page 30), que ce ne fut pas le 24 juin 1789, c'est-à-dire, le lendemain de la séance royale, et en désobéissance formelle aux ordres de sa majestė, que la majorité de la chambre du clergé délibéra de passer à la chambre des communes; que cette déliberation avoit été prise dès le 19, et confirmée les jours

suivans.

M. de Bertrand n'a pas cru devoir entrer dans les détails aussi fastidieux qu'inutiles, de ce qui se passa dans la chambre du clergé le 19 juin, 1°. parce qu'il lui étoit impossible de les rapporter d'une manière quelconque, sansêtre contredit par les membres de la majorité, ou par ceux de la minorité; 2o. parce que la délibération que les uns prétendent avoir été prise ce jour-là, et dont les autres contestent l'existence, n'a eu ni pu avoir aucune exécution légale.

En effet, il étoit très-tard, lorsque l'ordre du clergé rompit sa séance du 19 juin; l'ordre du tiers avoit déjà levé la

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sienne; ainsi, il ne s'opéra ce jour-là, aucune réunion des deux ordres. Le lendemain à huit heures du matin, le roi fit publier une proclamation qui annonçoit que l'intention de sa majesté, étoit de tenir une séance royale le 22 juin, et qui interdisoit à tous les ordres de s'assembler, jusqu'après la tenue de cette séance. L'ordre du tiers, au mépris de cette proclamation et des injonctions qui lui furent faites de la part du roi, s'assembla dans un jeu de paume, et M. Necker, alors ministre dirigeant, ne sut pas réprimer un attentat aussi odieux, ou peut-être ne le voulut pas, dans la crainte de compromettre sa popularité.

Le 22 juin, la séance royale ne pouvant pas avoir lieu, et ayant été renvoyée au lendemain, parce que les changemens qu'elle exigeoit dans la disposition de la salle des états-généraux, n'avoient pas pu être terminés, l'ordre du tiers s'assembla dans l'église de Saint-Louis. Il est malheureusement trop vrai qu'un certain nombre des députés du clergé, se rendit à cette séance, et que plusieurs y reinirent leurs pouvoirs à vérifier. Mais un acte de desobéissance et de rebellion aussi criminel, peut-il être considéré comme une confirmation légale de la prétendue délibération du 19 juin? Non sans doute; et M. Mallet-du-Pan n'est pas capable de soutenir une pareille opinion. Il est donc vrai de dire que dans l'intervalle du 19 au 23 juin, la prétendue délibération du 19 n'a eu aucune confirmation, ni exécution légale.

La séance royale changea entièrement l'état de la question, sur la vérification des pouvoirs. Le roi confirına, en effet, par l'article 2 de sa déclaration, les pouvoirs vėrifiés, ou à vérifier, dans les chambres respectives des trois ordres, et ordonne, par l'article 10, que les pouvoirs contestés seroient seuls soumis à la délibération des trois ordres réunis. Il ne s'agissoit donc plus, le 24 juin,

dans

la chambre du clergé, de décider si les pouvoirs seroient vérifiés en commun ou séparément; le roi avoit prononcé définitivement sur ce point, et il ne pouvoit plus être remis en question, sans une violation manifeste de la déclaration de sa majesté. L'objet de la délibération de la chambre du clergé, le 24 juin, étoit de décider si cette déclaration seroit, ou ne seroit pas exécutée. Le compte que M. de Bertrand a rendu de cette séance, dans les Annales de la révolution, est si fidèle, que dans le nombre des membres du clergé, députés aux états - généraux, qui se trouvent en Angleterre dans ce moment - ci, il n'y en a pas deux qui n'attestent la parfaite exactitude de son récit. Il demeure donc avéré que les cent cinquante-un membres du clergé qui se réunirent à l'ordre du tiers, à la suite de cette délibération, méconnurent entièrement l'autorité du roi, regardèrent sa déclaration comme non-avenue, et se rendirent coupables d'un grand acte de désobéissance aux ordres de sa majesté. M. Mallet-du-Pan affirine que leur réunion à l'ordre du tiers ne fut point absolue, et qu'elle n'eut pour objet que la vérification des pouvoirs. Si cette assertion étoit fondée, il en résulteroit que ces cent cinquante-un députés auroient été obligés de se rassembler de nouveau dans la chambre du clergé, pour rendre définitive, par une seconde délibération, leur réunion provisoire à l'ordre du tiers. Or, il est constant, au contraire, que ces cent cinquante-un députés participèrent à toutes les délibérations de la chambre du tiers, du moment qu'ils y furent admis, et n'en ont jamais pris d'autre que celle du 24 juin, pour consommer leur entière réunion à cet ordre.

9°. Dans une note relative à la correspondance du pape avec les archevêques de Vienne et de Bordeaux, sur la constitution.civile du clergé, M. de Bertrand a dit, avee

autant d'exactitude que de simplicité, que cette correspondance étoit restée ensevelie dans le plus profond secret, et qu'aucun des députés du clergé n'en avoit eu la moindre connoissance. En rapportant ce fait, dont M. Mallet-du-Pan ne conteste aucune circonstance, M. de Bertrand ne s'est pas permis un seul mot d'approbation on de blâme sur la conduite de ces deux ministres, parce qu'il en ignoroit entièrement les motifs. Cependant, M. Mallet-du-Pan a trouvé cette note amère ; il n'a pas fait attention, sans doute, qu'il étoit impossible de rapporter ce fait en d'autres termes, sans inexactitude.

10°. M. Mallet-du-Pan prouve qne l'auteur des Annales auroit dû joindre au récit des torts de l'archevêque de Vienne, celui des vertus évangéliques, dont il fut le modèle pendant quarante ans, et qu'il eût été juste de rappeler qu'aucun ministre de l'église ne montra des mœurs plus austéres, plus d'éloignement pour toute espèce de mondanité, plus de dévouement à ses devoirs, plus de science, plus de simplicité, plus de titres à la vénération dont il étoit l'objet dans le clergé catholique. (Page 33. )

M. de Bertrand, en écrivant les Annales de la révolution, ne s'est pas cru obligé d'y comprendre l'histoire, ou les mémoires particuliers de tous les individus qui y ont joué un rôle. Quant à l'archevêque de Vienne, étoit-il possible de rappeler la considération qu'ilav oit acquise par quarante années de vertu, sans rappeler aussi que cette même considération et ces mêmes vertus évangéliques étoient devenues, en quelque sorte, l'instrument principal de toutes ses fautes, et la cause réelle de tout le mal qu'il avoit fait ? Si l'archevêque de Vienne eût été un homme sans religion, sans moeurs, sans principes, ou un de ces intrigans effrontés, toujours prêts à signer, ou l'alcoran, ou l'évangile,

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