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» être chargé de faire. » Des applaudissemens d'enthousiasme annoncèrent le succès de cette motion. L'assemblée, après une très-courte discussion, passa à l'ordre du jour, et renvoya la note du roi d'Espagne au comité qui l'avoit pré

sentée.

Il étoit naturel, il étoit conséquent que l'époque où l'autel et le trône étoient renversés en France, y fût une époque de gloire pour les écrivains coupables; dont la plume empoisonnée avoit préparé et accéléré cette catastrophe. L'assemblée avoit décerné les honneurs du Panthéon à Voltaire (1); ses cendres y furent transférées le 1. juillet, avec la pompe la plus éclatante. Le char qui portoit le sarcophage dans lequel étoit lé cercueil, étoit traîné par douze chevaux grisblancs, attelés sur quatre de front et conduits

(1) Si on eût élevé un temple au talent, on devoit en éle ver un ȧ Voltaire; mais c'étoit moins le poète que le philosophe, c'étoit inoins l'auteur de la Henriade que celui qui vouloit écraser l'infâme, dont on portoit les cendre's au Panthéon. Le même esprit qui fit décerner ces honneurs à Voltaire, les fit décerner quelques années après à Marat. On plaça le disciple près du maitre ; et l'on ne fit que rapprocher les conséquences des principes, en faisant descendre dans le même tombeau celui qui vouloit détruire toutes les vertus sociales, et celui qui s'étoit moqué toute sa vie de toutes les institutions qui maintiennent les sociétés. (Note de l'éditeur.)

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des hommes vêtus à la manière antique. De par nombreux détachemens de tous les bataillons de la garde nationale parisienne ouvroient et terminoient la marche du convoi, qui partit à deux heures après midi de l'emplacement de la Bastille, suivit le boulevard jusqu'à la place de Louis XV, alla prendre le pont Royal, le quai des Théatins, s'arrêta devant la maison de M. de Villette et en face de la salle de la comédie française, et se rendit à Sainte-Geneviève : le cortège immense qui accompagnoit ce convoi étoit composé de députations de l'assemblée nationale, du département, de la municipalité, des sections, des tribunaux, des juges de paix, des sociétés ou clubs patriotiques, des académies, des collèges, des acteurs des différens théâtres de la capitale; le club des jacobins y étoit tout entier. On y voyoit aussi les électeurs de 1789, les vainqueurs de la Bastille, un groupe des forts de la halle, armés de piques, les scélérats qui avoient arrêté la famille royale à Varennes, et qui marchoient en triomphe, au milieu des fanfares, couronnés de branches de chêne. Au milieu de ce cortège, des hommes vêtus à l'antique, portoient sur un brancard la statue de Voltaire : elle étoit entourée de pyramides chargées de médaillons portant les titres de ses principaux ouvrages. Sur un autre brancard, étoit un coffie doré, renfermant un exemplaire de la dernière

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édition de ses œuvres, publiée par Beaumarchais; les gens de lettres environnoient ce prétendu trésor. On remarquoit aussi, de distance en distance, différens trophées révolutionnaires, tels que des chaînes, des boulets, des cuirasses trouvées à la Bastille; le drapeau et le plan en relief de ce château, portés par les ouvriers qui avoient été employés à le démolir, et par des habitans du faubourg Saint-Antoine. Plusieurs corps nombreux de musique vocale et instrumentale faisoient partie du convoi et exécutoient, pendant sa marche, des hymnes à la louange du poëte philosophe. Cette cérémonie, ou plutôt cette farce révolutionnaire, décorée du titre de fête nationale, dura près de douze heures, au grand scandale de tous ceux qui conservoient encore quelques opinions religieuses ou quelques idées de morale et de vertu. Il étoit difficile de voir sans indignation ces honneurs et cette idolâtrie, prodigués à un homme qui avoit passé sa vie à ridiculiser la religion et à corrompre les mœurs.

Les comités chargés de l'examen des pièces et informations relatives aux évènemens du 21 juin, annoncèrent enfin, le 12 juillet, qu'ils étoient prêts à faire leur rapport. L'assemblée le mit à l'ordre du jour pour le lendemain, et procéda à l'appel nominal qui avoit été décrété, pour constater le nombre des absens. Il en résulta que le nombre des membres présens étoit de mille quatre

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vingt-neuf, et celui des absens de cent trente-, deux, parmi lesquels se trouvoient plusieurs députés malades ou absens par congé.

Le 13, à l'ouverture de la séance, une brochure de trente-deux pages, répandue avec profusion dans toute la salle par des mains vraiment pieuses, fixoit l'attention de tous les députés, et sa lecture signaloit également les plus estimables et les plus forcenés. Les larmes du sentiment désignoient les uns; les emportemens du dépit et de la fureur trahissoient les autres.

Cet ouvrage du moment, intitulé : Le règne de Louis XVI, mis sous les yeux de l'Europe, présentoit une énumération rapide de tout ce que Louis XVI avoit fait pour la nation. L'affranchissement des serfs; l'établissement des administrations provinciales; la suppression des corvées; l'abolition de la question; des loix plus humaines contre la désertion; la fraude et la violence exclues des enrôlemens; l'état civil rendu aux protestans. Les arts, les sciences et le commerce

protégés ; des germes de guerres sanglantes étouf

fés dans le Nord, dans le Levant, à Vienne, en Hollande; l'île de Tabago réunie à nos Antilles; la pêche de Terre-Neuve assurée, augmentée; de nouvelles possessions acquises dans l'Inde ; le traité avec la Russie; la paix de 1782, honorable pour la France et pour ses alliés. L'accroissement de notre puissance maritime; des travaux aussi utiles

que glorieux dans les ports de Cherbourg, de Dunkerque, du Havre, de Toulon et de la Rochelle, etc. etc.; des canaux entrepris en Bourgogne, en Bretagne, en Picardie, dans le Berry, etc. etc. De nombreux traits de sensibilité gravés dans tous les coeurs; la double représentation accordée au tiers; la magnanimité de Louis XVI, venant apporter des paroles de paix à Paris, au milieu de deux cent mille hommes armés en insurrection, enjoignant à ses gardes de se déyouer, comme lui, au salut du peuple; de se laisser égorger plutôt que d'opposer la force à la force, et venant fixer sa résidence au milieu d'une ville sans cesse agitée et égarée par d'atroces calomnies. «Toute l'Europe sait, observoit ce » digne historien de Louis XVI, avec quelle pa

tience, avec quel courage ce bon roi a supporté, » depuis son séjour dans la capitale, les peines, » les privations, les sacrifices que les circons»tances sembloient exiger. Enfin, après avoir bu » pendant dix-huit mois dans ce calice d'amer»tumes, il tombe malade. Convalescent à l'entrée » de la belle saison, le 18 avril, il desire aller respirer l'air de la campagne; on s'y oppose » avec violence; on l'insulte publiquement et » cruellement dans sa personne, dans celle de son » épouse, de sa sœur, de ses enfans: on va jusqu'à » prescrire des loix à sa conscience..... Au reste, ajoutoit-il relativement au départ de la famille

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