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qui, dans son rapport sur les attentats du 6 octobre 1789, n'avoit trouvé à blâmer que les gardes-du-corps, ne vit dans le placard dénoncé qu'un petit acte de folie ou de délire, indigne de l'attention de l'assemblée, qui ne devoit pas perdre, à entendre et à discuter de pareilles productions, un tems qu'elle devoit à l'achèvement de la constitution et au bonheur du peuple. Il appuya en conséquence la motion passer à l'ordre du jour. Les tribunes témoignèrent, par les plus vifs applaudissemens, qu'elles étoient du même avis, et l'assemblée finit par l'adopter.

de

Dans la séance suivante, il fut fait lecture du résultat du scrutin indicatif qui devoit préparer la nomination du gouverneur du dauphin. Le nombre des personnes désignées comme dignes de concourir pour cette place, montoit à 92. Cette liste, rédigée par ordre alphabétique, présentoit des rapprochemens si disparates et si ridicules, qu'elle excita de nombreuses risées. Elle étoit principalement composée d'avocats, de médecins, de commandans de bataillon de la garde nationale parisienne, d'anciens magistrats, de poëtes, de procureurs syndics de département, de juges,

dédommager du mépris attaché à son nom. Il s'est remis à faire des chansons, et l'on doit l'y encourager, de peur qu'il ne se remette à faire des rapports. (Note de l'éditeur.)

de directeurs de collège, de moines, d'auteurs dramatiques, etc. etc. On y trouvoit aussi le nom du prince de Conti, celui du duc d'Harcourt entre ceux de deux avocats - généraux, Guiton de Morveaux, Héraut de Séchelles ; celui de M. de Malesherbes à côté de celui du caissier des ponts et chaussées, et celui de Noël, rédacteur d'un journal révolutionnaire, entre ceux de MM. Necker et d'Ormesson; mais le nom qui fit le plus de sensation dans cette liste (1), fut celui du marquis de Bouillé. Les membres du côté gauche ne se possédoient pas de rage.

\ (1) Le marquis de Condorcet étoit sur cette liste. C'est un des philosophes du dix-huitième siècle qui survécurent au renversement de toutes les idées sociales. Raynal et quelques autres gémirent sur cette époque désastreuse; mais Condorcet vit sans effroi l'horrible application de ses maximes. Dévoré d'ambition, et guidé par une vanité puérile, bien plus que par cet orgueil qui n'appartient qu'aux ames élevées, il voulut jouer un rôle. Il avoit été dédaigné par la cour, il voulut plaire au peuple pour s'en venger; et ne trouvant point d'accès auprès du trône, il s'associa à ceux qui vouloient le renverser. Il fut long-tems l'oracle des jacobins, qui le firent nommer à la convention: il présenta une constitution qui ne valoit pas mieux que celle de Robespierre; et cette constitution, qui ne fut jamais qu'un projet, le fit proscrire par son rival de législation et de popularité. Après le 31 mai, Condorcet fut errant et fugitif dans les environs de Paris; il resta quarante-huit heures dans les bois de Meudon : pressé par la faim, il

« Celui qui a osé présenter ce nom, s'écria » Rewbell, mériteroit d'être chassé du corps lé» gislatif. » L'assemblée ordonna la radiation du nóm de M. de Bouillé, et ajourna le scrutin définitif à la quinzaine. Les sarcasmes et le ridicule dont cette première liste ne pouvoit pas manquer d'être l'objet, firent juger cet ajournement nécessaire.

Une liste bien plus intéressante, étoit celle des membres du côté droit, qui publièrent, à cette même époque, des déclarations dont l'objet étoit de manifester leurs sentimens et les motifs de leur silence dans l'assemblée. L'histoire doit recueillir précieusement tous ces actes honorables, comme autant de monumens de courage et de fidélité. Une de ces déclarations revêtue de deux cents quatre-vingt-dix signatures, étoit conçue en ces termes: ́

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« Au milieu des outrages faits au monarque, » à son auguste famille, et, dans leur personne, » à la nation entière, qu'est devenue la monar"chie? Les décrets de l'assemblée nationale ont » réuni en elle le pouvoir royal tout entier. Le » sceau de l'état a été déposé sur son bureau;

descendit dans un cabaret de Clamart; un jacobin, un philos ɔhe du lieu vint l'arrêter, et le conduisit dans les prisons du Bourg-la-Reine, où il mourut d'indigestion. (Note de l'éditeur.)

» ses décrets sont rendus exécutoires sans avoir » besoin de sanction; elle donne des ordies di„ rects à tous les agens du pouvoir exécutif; elle » fait prêter en son nom des sermens dans les» quels les Français ne retrouvent plus même » le nom de leur roi; des commissaires qui ont » reçu leur mission d'elle seule, parcourent les » provinces, pour recevoir les sermens qu'elle » exige, et donner des ordres à l'armée : ainsi, » du moment où l'inviolabilité de la personne » sacrée du monarque a été anéantie, la mo» narchie a été détruite; l'apparence même de » la royauté n'existe plus: un interim républi" cain lui est substitué.

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» Loin de tous ceux qui connoissent les règles » de notre conduite (et nous osons croire qu'il » est bien peu de Français qui ne les apprécient ) » l'idée que nous ayons pu concourir à ces dé»crets. Ils contristent nos ames, autant qu'ils » s'éloignent de nos principes. Jamais nous n'a"vons senti avec plus de douleur la rigueur de » nos devoirs; jamais nous n'avons gémi davan»tage sur les fatales conséquences que l'on tire » de la mission dont nous sommes chargés, que » lorsqu'il nous a fallu rester les témoins d'actes » qui n'étoient à nos yeux que des attentats cou» pables, que lorsque ceux de nous qui sont le plus souvent notre organe, devenus timides pour la première fois, ont été forcés de se con

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» damner au silence, pour ne pas faire partager » à une cause sacrée la défaveur dont on a si bien » su nous investir......

» Avant l'époque désastreuse où nous sommes » arrivés, nous pouvions du moins embrasser le » fantôme de la monarchie, nous combattions » sur ses débris; l'espoir de la conserver justi» fioit notre conduite; aujourd'hui le dernier » coup a été porté à la monarchie; mais au dé» faut de ce grand motif, des devoirs d'un autre » ordre se présentent. Le monarque existe ;*il est » captif; c'e à l'intérêt du roi que nous devons » nous rallier; c'est pour lui, c'est pour sa fa» mille, c'est pour le sang chéri des Bourbons, » que nous devons rester au poste d'où nous pou» vons veiller sur un dépôt aussi précieux. Nous » la remplirons donc encore cette obligation sa» crée, qui seule doit être notre excuse; et nous "prouverons par-là que dans nos cœurs le mosnarque et la monarchie ne peuvent jamais être » séparés l'un de l'autre.

» Mais lorsque nous obéissons à ce pressant » devoir, que nos commettans ne s'attendent » plus à entendre notre voix sur aucun objet » qui y soit étranger. Lorsqu'un seul intérêt peut » nous forcer à siéger auprès de ceux qui ont » élevé une république informe sur les débris de » la monarchie, c'est à ce seul intérêt que nous » nous dévouons tout entiers. Dans ce moment,

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