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Dans cet intervalle, Georges, maire de Varennes, quelques gardes nationales de cette ville, et le fils du maire, qui étoit leur commandant furent introduits à la barre. Le maire, dans sa harangue, désigna parmi les patriotes qui compo soient cette députation, deux individus couronnés de branches de chêne, nommés Leblanc et Poncin. C'étoit ces deux brigands qui avoient arrêté le roi, en menaçant de tirer dans sa voiture. Le président (1) donna les plus grands éloges à leur patriotisme, à leur conduite estimable. « Va, » rennes, dit-il, serà un lieu célèbre, que la » France entière s'honorera de compter au nom"bre de ses villes. L'assemblée nationale vous » engage à assurer tous ses habitans qu'elle sait apprécier les services qu'ils ont rendus. Elle » peut aussi vous garantir que tous les Français "reconnoissans, se réuniront autour de vos murs, » si les satellites du despotisme osoient en ap» procher. » Malgré ce discours, le bourg de Varennes n'est plus, pour les bons Français, qu'un lieu funèbre, qui n'offre que des souvenirs malheureux à l'histoire, et le voyageur sen

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(1) Ce président fut condamné à mort par le tribunal rẻvolutionnaire de Paris, quatre jours avant le 9 thermidor. Il fut accusé d'avoir pris part à la prétendue conspiration de la prison des Carines, dirigée contre la convention nationale et la souveraineté du peuple.

sible se détournera de Varennes, d'où un malheureux génie a donné l'affreux signal de la guerre et de la terreur.

Le résultat du scrutin pour la nomination des trois commissaires qui devoient recevoir les déclarations du roi et de la reine, donna, sur 599 votans, 433 voix à M. Tronchet, 354 à M. d'André, et 351 à Adrien Duport.

Cette séance trop mémorable, qui avoit commencé le mardi 21 juin, à huit heures et demie du matin, fut enfin levée le dimanche 26, à trois heures et demie après midi,

Le même jour, les trois commissaires de l'assemblée se rendirent au château vers sept heures du soir, précédés de deux huissiers, et furent introduits dans la chambre du roi, qu'ils trouvèrent seul. Ils lurent à sa majesté le décret de l'assemblée, et lui observèrent que la déclaration qu'ils étoient chargés de recevoir, devoit se référer aux évènemens de la nuit du 201 au 21 juin, ainsi qu'aux faits antérieurs ou postérieurs qui y étoient relatifs. Le roi leur répondit qu'il n'entendoit point subir un interrogatoire; mais qu'il consentoit à s'expliquer sur les faits qui lui étoient indiqués. Après avoir fait cette observation, le roi dicta la déclaration que les commissaires lui avoient demandée, et ils l'insérèrent dans leur procès-verbal. Sa majesté en fit elle-même la lecture à haute voix, y fit ajou

ter un article et le signa. En sortant de chez le roi, les commissaires allèrent chez la reine; mais elle venoit de se mettre au bain, et leur fit dire qu'elle les recevroit le lendemain, -à onze heures du matin. Ils se rendirent, à l'heure indiquée, dans l'appartement de sa majesté, qui leur donna sa déclaration dans la même forme que le roi. (1)

Ma profonde vénération pour les vertus de Louis XVI, et le respect religieux que ses malheurs imposent même sur ses fautes, ne me feront pas dissimuler que ses serviteurs fidèles, que les vrais amis de sa gloire et de sa dignité, lurent, avec une peine extrême, dans sa déclaration quelques articles dont il étoit impossible de ne pas suspecter la sincérité (2). La bouche des rois doit être, dans tous les tems, dans toutes le circonstances quelconques, l'organe le plus pur que puissent avoir la vérité et la bonne foi. Après ces réflexions qu'on trouvera sans doute assez sévères, je dois dire aussi que les articles de la déclaration du roi, qui me les ont suggérées, ne furent point l'ouvrage de sa majesté. Ils lui furent remis tout rédigés, de la part des chefs du parti

(1) Voyez ces deux déclarations, pièces justificatives,' n°. V.

(2) Ces articles sont ceux que j'ai rapportés en lettres italiques.

constitutionnel, qui ne virent que ce moyen de faire échouer le projet déjà hautement annoncé, de mettre leurs majestés en jugement. J'ajouterai même que si ce projet exécrable n'eut pas été également dirigé contre la reine, le roi eût été offensé qu'on osât lui conseiller de faire une pareille déclaration, et n'eût jamais consenti à trahir ses sentimens et sa conscience, pour se soustraire à un danger qui n'auroit menacé que lui.

En sortant de chez la reine, les commissaires se rendirent à l'assemblée et y firent lecture de leur procès-verbal, contenant les déclarations de leurs majestés. Deux ou trois phrases de celle du roi excitèrent, dans le côté gauche, quelques exclamations indécentes et des ris grossièrement ironiques. Celle de la reine fut interrompue encore plus souvent par des murmures. L'une et l'autre furent renvoyées aux archives pour être remises, quand il en seroit tems, au comité chargé du rapport général de cette affaire.

Les dernières séances du mois de juin furent presqu'entièrement employées, tantôt à recevoir différentes députations qui venoient, à l'occasion des derniers évènemens, témoigner à l'assemblée leur fidélité, leur respect, leur admiration, etc. etc. tantôt à lire une foule de lettres patriotiques, et d'adresses de départemens, de municipalités et de clubs, où les mêmes sentimens étoient exprimés. Dans le nombre de ces lettres, celle du comte

d'Estaing fut remarquée comme une des plus ridicules. Retenu dans sa chambre par une indisposition, et ne voulant pas laisser le moindre doute sur son empressement à prêter le nouveau serment, il ne se contenta pas de l'envoyer à sa section, il l'adressa à l'assemblée. Sa lettre d'envoi étoit terminée par la phrase suivante : Lieutenantgénéral et vice-amiral (1), je voudrois qu'il existât un élément de plus dans lequel je pusse combattre pour la constitution, et m'acquitter de tous les devoirs d'un citoyen.

La lecture de ces dégoûtantes flagorneries fut suspendue, pour entendre celle d'une lettre des administrateurs du département des Ardennes, et de plusieurs procès-verbaux du district de Montmédi, qui annonçoient l'arrestation de trois officiers du régiment Royal-Allemand. Plusieurs pièces saisies sur eux, étoient jointes à ces procèsverbaux. La plus remarquable étoit un ordre du roi, portant: « Que l'intention de sa majesté » étant de se rendre à Montmédi, le 20 juin, il » étoit ordonné au sieur de Bouillé, de placer des » troupes, ainsi qu'il le jugeroit convenable, sur » la route de Châlons-sur-Marne à Montmédi,

(1) Le comte d'Estaing fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris, au mois de mai 95. Il fut un des témoins entendus contre la reine, dans la procédure de ce tribnnal de sang.

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