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» enthousiasme qu'elle doit à des citoyens qui » ont montré un zèle et un dévouement aussi gé» néreux, à des hommes qui peut-être ont pré» servé la France d'une guerre désastreuse. Si la » commune de Paris regrette que vous ne soyiez » pas nés dans son sein, la nation entière vous réclame; c'est la France que vous avez sauvée, » et l'assemblée nationale s'engage à récom» penser les services que vous ayez rendus à la » patrie; elle vous donne l'assurance de la satis» faction la plus parfaite, et vous invite à assister » à sa séance. »

Une députation du directoire du département, vint dans ce moment offrir aussi à l'assemblée l'hommage de ses adulations; elle le reçut avec dignité et suspendit la délibération.

Le lendemain, à sept heures et demie du matin, le président reçut des commissaires qui accompagnoient le roi, une lettre datée de Meaux le 24 juin à onze heures du soir; elle annonçoit que le roi et les personnes qui l'accompagnoient, seroient rendus à Paris le lendemain 25 juin, entre deux et trois heures après midi; et cependant, attendu les retards que leur marche pouvoit éprouver, les commissaires invitoient l'assemblée à rester en séance, jusqu'à ce qu'ils la fissent prévenir que la famille royale étoit rendue au château des Tuileries. Les scellés y étoient encore; mais la municipalité fut auto

risée à les lever: elle y procéda dans la matinée, et fit publier en même - tems la défense à toutes personnes quelconques de sortir de Paris jusqu'à nouvel ordre. Les patriotes des faubourgs donnèrent aussi leur proclamation: un placard affiché avec profusion, annonçoit que celui qui applaudiroit le roi seroit bâtonné, et que celui qui l'insulteroit seroit pendu. Mais, dans le nombre des attentats qui souillèrent cette journée d'horreur, le plus criminel de tous fut commis l'assemblée elle-même. Elle souffrit que son comité de constitution osât lui dire, par l'organe de l'avocat Thouret, qu'il étoit impossible de laisser subsister les premières relations qui. existoient entre l'assemblée nationale et le roi, de compromettre ses décrets en les soumettant à une sanction toujours sujette au désaveu; d'abandonner l'exercice du pouvoir exécutif à des intentions ouvertement prononcées contre la constitution. Ces assertions atroces étoient nécessaires, sans doute, pour préparer les esprits au projet de décret suivant :

par

« ART. Ier. Aussitôt que le roi sera arrivé au » château des Tuileries, il lui sera donné pro» visoirement une garde, qui, sous les ordres » du commandant-général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra » de sa personne.

»

» II. Il sera provisoirement donné à l'héritier

» présomptif de la couronne, une garde parti» culière, de même sous les ordres du com» mandant-général, et il lui sera nommé un "gouverneur par l'assemblée nationale.

» III. Tous ceux qui ont accompagné la fa» mille royale, seront mis en état d'arrestation » et interrogés. Le roi et la reine seront en» tendus dans leur déclaration, le tout sans dé» lai, pour être pris par l'assemblée nationale » les résolutions qui seront jugées nécessaires. » IV. Il sera provisoirement donné une garde » particulière à la reine.

» V. Jusqu'à ce qu'il en ajt été autrement » ordonné, le décret du 21 juin, qui enjoint » au ministre de la justice d'apposer le sceau, » de l'état aux décrets de l'assemblée nationale, » sans qu'il soit besoin de la sanction, ou de » l'acceptation du roi, continuera d'être exécuté » dans ses dispositions.

» VI. Les ministres et les commissaires du » roi, préposés à la caisse de l'extraordinaire » à la trésorerie nationale et à la direction de » liquidation, demeurent autorisés provisoire» à faire, chacun dans son département et sous » sa responsabilité, les fonctions du pouvoir » exécutif.

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» VII. Le présent décret sera publié à l'ins» tant même, à son de trompe, dans tous les quartiers de la capitale, d'après les ordres du

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» ministre de l'intérieur, transmis au directoire » du département de Paris. » (1)

M. Malouet s'éleva contre ce décret, et le combattit avec autant d'énergie que de courage. « C'est, dit-il en substance, changer en un mo» ment, et dès ce moment même, la forme » de gouvernement établie par cette constitu» tion que vous avez décrétée et juré de main» tenir. Elle a prévu le cas de l'absence du roi; » elle a déclaré sa personne sacrée et inviolable; » et cependant, loin de se renfermer dans les » mesures constitutionnelles, seules applicables » à ce cas, on vous propose de constituer le roi

prisonnier, de transporter et de circonscrire » dans le sein de l'assemblée nationale, tous les » pouvoirs souverains. Je demande que l'assem» blée se forme en grand comité pour délibé»rer, ou qu'on se retire dans le comité de cons»titution, où chacun pourra faire librement ses » observations. Défendons-nous de la prévention » comme de l'irréflexion: épargnons au peuple » bien des regrets, de grands malheurs. Je pro» pose une conférence, et je déclare que jamais je n'accéderai à des mesures qui tendroient à » rendre le roi prisonnier. »

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Roederer voulant, disoit-il, calmer les inquié

(1) Ce dernier article fut ajouté au décret, sur la motion de Desmeuniers.

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pro

tudes du préopinant, observa que le décret posé ne préjugeoit rien sur l'inviolabilité; qu'il ne s'agissoit ni d'accuser, ni de juger le roi, mais seulement de le tenir en état d'arrestation provisoire. Non, non! c'est affreux! s'écrièrent plusieurs voix. D'autres, en plus grand nombre, demandoient que Roederer fût rappelé à l'ordre. Il voulut justifier ce qu'il avoit dit; mais on ne vouloit pas l'entendre. L'agitation et le tumulte étoient extrêmes: il obtint enfin la parole. « Je » me suis bien mal expliqué, dit-il, si on a pu » croire que je trouvois dans le projet du co» mité, l'idée de l'arrestation du roi. Je voulois » au contraire réfuter le sens que 'M. Malouet » attachoit à ce décret, et je ne puis pas être » repréhensible pour m'être servi des mêmes

expressions que lui. » Cette explication ne persuada personne, et fit naître de nouveaux

murmures.

Alexandre Lameth défendit avec plus d'adresse le projet du comité. « J'y vois d'abord, dit-il, des » mesures relatives à la personne du roi ; sa sûreté » et la sûreté nationale, réclament également ces » mesures. Le roi est près d'arriver à Paris, et je »ne suppose pas que M. Malouet voulût retarder » des précautions aussi importantes....... Quant à » la seconde partie du décret, relative à l'action >> provisoire du gouvernement....... ces disposi» tions, loin de nous éloigner des principes, nous » y ramènent. Ces principes demandoient que

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