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Suivant celle du 8 juillet 1795, des gardes-champêtres avaient été établis dans toutes les communes, et la police rurale était exercée par le juge de paix.

La loi du 6 octobre 1791 sur les biens et usages ruraux avaient déjà mis la police des campagnes entre les mains des juges de paix et officiers munipaux.

A l'époque du Consulat, la législation des justices. de paix prit plus de fixité. Les dispositions des lois de 1800 et de 1801 diffèrent peu en ce qui les concerne, des règles établies plus tard par le Code d'instruction criminelle sur la police judiciaire et l'instruction des crimes et délits.

Les besoins de la justice répressive ont donc fait oublier l'idée fondamentale de l'institution de 1790. Le magistrat de la paix, de la concorde privée, est devenu un ministre de la vindicte publique... Outre la charge de concilier, on l'a revêtu d'emplois ayant quelque analogie avec ceux des anciens magistrats d'épée, qui, tout à la fois siégeaient comme juges et constataient des délits.

Ces missions contraires sont-elles toujours remplies par le même fonctionnaire sans que l'une nuise à l'autre ? On aurait pu laisser au juge de paix son rôle primitif et exclusif de conciliateur, d'arbitre des citoyens, de directeur des assemblées de famille et de juge des petits différents, et créer dans chaque canton rural un autre magistrat pour les fonctions

d'officier de police judiciaire, de juge de contraventions, de juge d'instruction et d'auxiliaire de l'administration.

Le juge de paix qui étudie patiemment des affaires portées devant lui, en vue d'une solution amiable, afin d'éviter des procès ruineux, des haines invétérées et peut être des méfaits, qui se dévoue à entendre les parties chez lui, à toute heure, abandonne-t-il ses tentatives de conciliation sans en compromettre le succès quand des devoirs sévères et impérieux l'appellent subitement sur un autre point de son canton? Et cette gravité digne et soutenue que comporte la justice répressive, n'exclut-elle pas l'abord ouvert et tout paternel, indispensable pour gagner la confiance sympathique des plaideurs qu'il s'agit d'accorder.

On ne peut se dissimuler que les lois postérieures à 1790, ont modifié considérablement, sinon détruit, le caractère primitif du juge de paix, que le citoyen conciliateur, assisté dans l'origine de deux notables du lieu, est aujourd'hui un magistrat jurisconsulte, un véritable juge, et un officier actif du ministère public.

Pourtant les législateurs ont continué à ne l'envisager, avec ses nouvelles charges, que tel qu'il était originairement. La loi du 13 décembre 1799 dit encore que sa principale fonction consiste à concilier les parties...

La loi du 20 mars 1801 fit une innovation diver

sement jugée. Elle supprima les assesseurs et ordonna que le juge de paix remplirait seul les fonctions judiciaires et de conciliation, lesquelles en cas de maladie, absence ou autre empêchement, seraient remplies par un suppléant; qu'à cet effet chacun aurait deux suppléants.

Cette suppression était le complément des mesures qui avaient transformé la magistrature de paix. L'esprit de la loi fondamentale étant abandonné, les formes devaient l'être. Ces formes existaient sous l'ancienne législation. L'édit de 1769 voulait que les officiers des bailliages jugeassent au nombre de trois et en der--nier ressort, les causes personnelles n'excédant pas 40 livres.

L'absence d'assesseurs est regrettable dans beaucoup de cas où seraient utiles les lumières réunies de plusieurs juges et où la responsabilité se diviserait. Leur concours devait en outre faciliter les concilia-tions. Mais de nouvelles nécessités ayant surgi, la pensée du législateur a changé. Le juge de paix, proprement dit, est resté fort apprécié. Cependant, comme on multipliait ses rôles pour éviter la création d'un nouveau fonctionnaire, il fallait bien rendre plus rapide la marche de cet agent de la puissance exécutive.

Par une conséquence naturelle de sa position, il cessa d'être électif. Sa nomination fut confiée, par la loi du 8 nivôse an II, au conseil général du district

pendant la durée du gouvernement révolutionnaire. Le premier consul le choisit ensuite pour dix ans parmi des candidats élus par les citoyens. Enfin la Charte de 1814 attribua au Roi le droit de le nom mer, et en consacrant l'inamovibilité des juges elle en excepta les juges de paix.

Le greffier, d'abord nommé par le juge de paix, est devenu, par la loi du 18 mai 1802, à la nomination du gouvernement.

Les Codes civils, de procédure civile, de commerce et d'instruction cniminelle, ont réglé quelquesunes des attributions des juges de paix qui existaient antérieurement, telles que les avis de parents, scellės, la police judiciaire, l'instruction criminelle par commission rogatoire, etc. Le Code civil en a ajouté d'extra-judiciaires, telles que les actes de notoriété, d'émancipation, d'adoption, testaments en certains cas, etc. Il a conféré aux tribunaux ordinaires le jugement des oppositions aux mariages, que la loi du 20 septembre 1792 avait confié aux juges de paix.

D'un autre côté, la loi du 6 août 1791 avait rendu les tribunaux de district seuls compétents pour juger les fraudes aux droits des douanes, puis celle du 24 mars 1794 en a chargé les juges de paix.

Diverses autres lois leur ont conféré des attributions en matière d'octroi, de marque de fabrique, de contraintes, etc.

Après la promulgation des Codes, l'on n'a pas fait d'innovations importantes à leur égard, jusqu'à la loi du 25 mai 1838. L'extension de la compétence judiciaire civile était attendue depuis longtemps; cette loi attribue aux justices de paix les actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu'à la valeur de cent francs, et à la charge d'appel, jusqu'à deux cents francs.

Elle ajoute à la nomenclature de la loi de 1790, les entreprises sur les cours d'eau, dénonciations de nouvel-œuvre, actions en réintégrande, en bornage, etc., et pour les distances de plantations et travaux ; plus les actions civiles pour diffamations verbales et voies de fait, à quelque somme que la demande puisse monter, les contestations entre hôteliers, voyageurs, voituriers, carrossiers, jusqu'à 1,500 fr., en premier ressort; les demandes en payement de loyer pour les locations au-dessous de 200 fr. (taux élevé ensuite à 400 fr.) à quelque valeur que la demande puisse s'élever; les pensions alimentaires au-dessous de 150 fr.; les demandes reconventionnelles, saisies-gageries. résiliations de baux et expulsion de lieux.

La même loi a déféré aux tribunaux les actions concernant les brevets d'invention, que la loi du 14 mai 1791 avait attribuées aux juges de paix.

Avant 1838, on leur avait confié, par les lois des 7 juillet 1833 et 21 mai 1836, la direction des jurys d'expropriation, dans les cas d'ouverture des che

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