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appuyer nos assertions sur l'état actuel de l'île d'Hayti nous n'avons rien avancé que nous n'ayons vérifié d'après des témoignages sûrs. Ceux qui se sont hâtés davantage ont probablement plus risqué de se compromettre.

Pour les temps antérieurs à la révolution de 1789, nous avons remonté aux sources, souvent avec plus de scrupule que Raynal; et quand nous avons conservé les récits de cet auteur, ce qui nous est arrivé bien rarement, nous avons pris soin d'abord de nous assurer que l'imagination de l'écrivain ne l'avait point trompé sur la nature des faits ou sur la manière de les présenter.

L

Les historiens espagnols de la découverte, Fernand Colomb, et d'après lui M. Bossi, les jésuites Charlevoix et Dutertre, et plus encore des pièces diplomatiques et législatives, nous ont guidés dans la première partie de notre travail. Nous n'avons entrepris la seconde que sur les notes d'un agent qui n'a été étranger presque à aucun des événements survenus dans les Antilles depuis trente-cinq ans. Nous avons parcouru avec cet agent tous les écrits publiés, depuis 1789, en France et dans sa patrie, sur les révolutions coloniales; c'est sous ses yeux que nous en avons extrait tout ce qui méritait

de figurer dans cette histoire, et il n'est guère d'événement sur lequel il n'ait eu encore quelchose à nous apprendre.

que

Les mémoires d'un officier-général de l'armée de Leclerc, M. Pamphile de Lacroix, souvent trop remplis de détails stratégiques, nous ont été cependant d'une grande utilité ; et nous avons pu nous procurer sur cette même expédition les notes d'un agent administratif attaché à l'armée française.

C'est sur le témoignage oral ou par la correspondance de plusieurs Haytiens, et de négociants français d'un esprit éclairé et observateur, que nous avons écrit tout ce qui regarde la statistique actuelle d'Hayti. Enfin, des documents fournis au gouvernement et rectifiés d'après des calculs d'un ancien administrateur colonial, nous ont aidés dans nos recherches sur le commerce de l'île, dans les temps antérieurs à la révolution.

DE

L'ILE D'HAYTI.

(Saint-Domingue).

LIVRE PREMIER.

DANS l'océan Atlantique et à l'entrée du golfe Mexicain, entre les 62° et 87° degrés de longitude ouest, et les 10° et 25° degrés de latitude nord, gît un vaste archipel, placé entre l'Ancien Monde et le continent d'Amérique : on nomme Antilles les îles qui le forment. Les vents y soufflent presque toujours de la partie de l'est aussi a-t-on appelé îles du Vent celles qui sont plus à l'orient; les autres ont reçu la dénomination d'îles sous le Vent. Elles composent une chaîne, dont un bout semble tenir au continent, près du golfe de Maracaibo, et l'autre fermer le golfe du Mexique.

L'île de Saint-Domingue est la plus riche des Antilles; et, après Cuba, elle en est la plus étendue. Elle forme un continent de 160 lieues de long, du levant au couchant, et de 40, dans sa

largeur moyenne, du nord au sud. Son circuit est de 350 lieues environ, ou de 600, en parcourant toutes les sinuosités des anses. Elle est coupée dans sa longueur par une chaîne de montagnes, ou mornes, qui renfermaient, surtout du côté de l'est, d'abondantes mines d'or, négligées aujourd'hui pour la culture du sol. Dans les vallons formés entre ces hauteurs, et sous leur abri, la température est douce et bienfaisante; mais dans les plaines, et surtout sur les rivages, le climat devient plus brûlant, et il est souvent meurtrier pour les Européens.

Avant le quinzième siècle, Saint-Domingue, aussi-bien que les autres Antilles, était entièrement inconnu à l'Ancien Monde. Un million, à peu près, d'insulaires, d'une assez petite taille, et fortement basanés; sans activité comme sans besoins, végétaient sur cette terre, où la chasse, la pêche, la culture facile du maïs fournissaient suffisamment aux nécessités d'une existence frugale. Des danses accompagnées de chants ou du bruit d'une espèce de tambour étaient tous leurs plaisirs. Les mœurs, sous ce ciel ardent, se ressentaient de l'influence du climat ; la polygamie était autorisée; et, à la découverte de l'île, un des souverains qui s'en partageaient l'empire, avait jusqu'à trentedeux femmes.

Ces souverains exerçaient, sous le nom de caciques, un pouvoir absolu, chacun dans son domaine

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