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reuse et florissante, achevèrent de perdre à jamais le gouvernement monarchique dans cette partie de la colonie. Les symptômes d'une révolution prochaine s'étaient manifestés à Santo-Domingo, dès la fin de l'année 1821. Au commencement de 1822, une députation des notables, se rendit auprès du président Boyer, au Port-au-Prince. En effet, une expédition fut bientôt dirigée sur la partie espagnole. La marche de cette armée fut toute pacifique; elle s'empara sans coup férir de toutes les villes qui avaient appartenu à l'Espagne. La constitution républicaine d'Hayti fut adoptée du cap Tiburon au cap Tugano, et toute l'île ne forma plus qu'un seul état.

Cependant les prétentions de la France sur son ancienne colonie étaient réveillées sans cesse par les réclamations des colons, mais on n'osait plus songer sérieusement à la conquête; on négociait. Pas une seule année ne s'était écoulée depuis la restauration, sans que des envoyés de l'un ou de l'autre état eussent traversé l'Océan : mais aucune des négociations qu'on entamait ne pouvait être poussée à fin, parce qu'avant de reconnaître l'indépendance d'Hayti, la France exigeait la remise d'un poste militaire, et que le gouvernement républicain, en offrant pour le rachat des droits bien ou mal fondés de la métropole sur son territoire, une indemnité pécuniaire, refusait tout accommodement qui ne lui donnerait pas une

sécurité entière sur la possession de fait du droit qu'on allait reconnaître.

La dernière de ces infructueuses négociations eut lieu en 1824; trois commissaires furent envoyés d'Hayti en France au commencement de l'été, pour traiter avec le ministère de la reconnaissance de leur gouvernement. Un grand mystère enveloppa les premières entrevues qui eurent lieu entre les agents de l'autorité française et ces députés qu'on envoya d'abord à Strasbourg, afin de mieux tromper la curiosité publique sur leurs démarches. Les envoyés d'Hayti s'embarquèrent au Hâvre à la fin du mois d'août; et, le 6 octobre, une proclamation du président Boyer annonça le de succès qu'ils avaient obtenu. Cette proclamation, en laissant pressentir les projets menaçants de la France, rassurait en même temps les esprits sur les craintes qui pouvaient résulter de leur mise à exécution. Dans le même temps, les négociants anglais établis dans l'île célébraient par des fêtes l'acte impolitique qui leur continuait, aux dépens de la France, tous les avantages du commerce dans la plus riche des Antilles.

peu

Bientôt pourtant la politique du cabinet de Paris à l'égard du gouvernement d'Hayti, parut changer avec le chef de l'État. Très peu de temps après la mort de Louis XVIII, les négociations se renouèrent par le fait du ministère français. Durant le cours de ces derniers débats, qui restèrent

secrets, on dut craindre plus d'une fois une rupture nouvelle; mais enfin, en 1825, le dimanche 20 juillet, trois bâtiments français, partis de Rochefort le 4 mai, vinrent mouiller dans la rade du Port-au-Prince.

M. de Mackau, capitaine de vaisseau du roi de France, et sous les ordres duquel ces trois bâtiments étaient placés, remit au chef du gouvernement, haytien l'ordonnance suivante, connue sous le nom d'ordonnance du 17 avril.

« CHARLES, etc.

« Vu les art. 14 et 75 de la Charte;

« Voulant pourvoir à ce que réclament l'intérêt du commerce, les malheurs des anciens colons de Saint-Domingue, et l'état précaire des habitants actuels de cette île,

« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

«Les ports de la partie française de SaintDomingue seront ouverts au commerce de toutes les nations.

« Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.

« Les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la caisse des dé

pôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs destinés à dédommager les anciens colons qui demanderont une indemnité.

« Nous concédons à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue, l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement.

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« Et sera, la présente ordonnance, scellée du grand sceau.

« Donné à Paris au château des Tuileries, le 17 avril l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.

CHARLES,

<< Par le Roi ; »

« le pair de France, ministre secrétaire-d'Etat au département de la marine et des colonies, comte de CHABROL; »

«<le garde - des - sceaux de France, ministre secrétaire-d'Etat au département de la justice, comte de PEYRONNET;

D

« le président du conseil des ministres, JH. De

VILLÈLE. »

Une escadre était partie des ports français de l'Océan peu de jours après les vaisseaux commandés par M. de Mackau, et elle était destinée à appuyer par la force l'acceptation de l'ordonnauce royale, en supposant que la force eût été efficace dans cette occasion. Heureusement les mesures

semi-offensives ordonnées par le ministère français ne durent pas être poussées à exécution; l'acte émané de la métropole, et qui prononçait la vente faite par elle de tous ses droits sur son ancienne colonie, fut accepté avec enthousiasme par les possesseurs de fait. Le 8 juillet, il fut procédé, en audience solennelle, à l'entérinement dans les registres du sénat, de l'ordonnance du 17 avril ; et, si l'on rapproche les formes diplomatiques anciennes des usages de la nouvelle politique, les récits de l'entrevue solennelle du 8 juillet 1825, entre les noirs déclarés indépendants, et leurs anciens maîtres, forcés de les proclamer leurs égaux, reporteront involontairement le souvenir vers le traité de 1533, entre le cacique Henri et l'envoyé de Charles-Quint.

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