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« liberté. Tout le monde connaît votre innocence: « vous savez avec quel honneur et quelle amitié « nous vous avons traité; les grâces que vous avez les dernières que vous rece « reçues ne seront pas « vrez de nous; nous vous confirmons vos priviléges, et voulons que vous et vos enfants en

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jouissiez. Nous vous offrons de les confirmer de « nouveau, et de mettre votre fils aîné en posses«sion de toutes vos charges quand vous le sou«haiterez. Soyez assuré que nous aurons soin des « autres. Nous vous prions de partir au plus tôt. « A Valence, le 14 de mars l'an 1502. »

Touché de ces marques nouvelles d'estime et d'attachement, l'amiral, avec son frère et le second de ses fils, âgé de treize ans, sortit du port de Cadix le 9 du mois de mai de cette même année

1502.

Cependant le nouveau gouverneur d'Hispaniola rebâtissait, sur un plan magnifique, la ville de SanDomingo, entièrement détruite par un ouragan. Oviedo, qui avait vu cette capitale, assure qu'elle avait un air de splendeur vraiment digne de la métropole du Nouveau-Monde. Il ne craignit pas même d'affirmer à Charles-Quint que l'Espagne ne possédait pas une ville qui pût être préférée à celleci pour l'avantage du terrain, pour l'agrément de la situation, la beauté et la disposition des places et des rues, et le charme des sites environnants; même très souvent, selon lui, le roi des Espagnes

logeait dans des palais qui n'avaient ni les commodités, ni l'étendue, ni les richesses de quelques maisons privées de San-Domingo. Malheureusement cette ville si superbe fut pillée et livrée aux flammes, en 1586, par les Anglais, sous les ordres de François Drake.

Après deux ans de séjour dans le Nouveau-Monde, Colomb était retourné en Espagne vers la fin de 1504.

La nouvelle de la mort d'Isabelle, qu'il apprit en arrivant, fut un coup de foudre pour lui, car il sentit qu'en cette reine il perdait son plus ferme appui. En effet, il fit en vain tous ses efforts pour être rétabli dans sa charge de vice-roi. Le conseil fut très partagé sur cette demande, et malheureusement le plus grand nombre se réunit pour la repousser, fondés sur ce que la prétention de Colomb leur paraissait au-dessus de ses services, et principalement sur ce qu'il ne convenait pas de rendre un particulier, et surtout un étranger, aussi puissant. On soupçonna Ferdinand d'avoir provoqué cette décision; on peut penser du moins que ce prince ombrageux ne tenta rien pour la faire rejeter il n'avait jamais aimé Colomb, et il avait peut-être la faiblesse d'être jaloux de sa gloire. L'amiral ne survécut pas long-temps à cet injuste arrêt; il mourut à Valladolid, le 20 mai 1505, sans avoir revu cette terre nouvelle, que l'Europe devait à son génie, et qui ne reçut pas même

son nom; car fut seulement après trois siècles que l'Amérique, qui commençait si tard son ère de liberté et de grandeur, songea à réparer cette insigne injustice, et qu'elle appela du nom de Christophe Colomb, deux parties de son vaste continent *

L'amiral avait ordonné dans son testament que son corps serait inhumé dans la grande église de SanDomingo; on lui refusa d'abord jusqu'à cette grâce, et ses funérailles furent célébrées dans le couvent des chartreux de Séville. Quelques années plus tard transporta ses restes à l'île Espagnole, et en 1796 ils furent déposés à la Havane.

La mort d'Isabelle et la chute de Colomb ouvrirent pour ceux des indigènes d'Hayti que les massacres avaient épargnés, une nouvelle ère de calamités. Dès 1506, une ordonnance du roi d'Espagne les avait répartis entre les conquérants. Ovando recommença à tourmenter cette race malheureuse, à l'enfouir dans le travail des mines, lui marquant moins de pitié qu'aux plus vils animaux. Il fallut souvent combattre et verser bien du sang sur cette terre infortunée. La cour dissimulait, ou elle n'était pas exactement informée; d'ailleurs, il suffisait peut-être en Europe du bon ordre et de l'excellente police établis par Ovando, et encore

* Les états de Colombie au sud, et le district de Colombie, dans les États-Unis.

plus des richesses qu'il envoyait chaque année sur les galions d'Espagne. Il se faisait alors dans l'île Espagnole quatre fontes d'or tous les ans : deux dans la ville de Buena-Ventura, pour les vieilles et les nouvelles mines de Saint-Christophe; et deux à la Conception, nommée communément la ville de la Véga, pour les mines de Cibao et celles qui se trouvaient plus à portée de cette place. Chaque fonte fournissait, dans la première de ces deux villes, de cent dix à cent vingt mille marcs; celles de la Conception de la Véga, donnaient ordinairement cent vingt-cinq ou cent trente et quelquefois cent quarante mille marcs, ce qui faisait une somme de quatre cent soixante mille marcs d'or à peu près qu'on tirait chaque année des mines de l'île.

Aussi sur le bruit qui se répandit en Espagne qu'on amassait en très peu de temps, et sans aucun risque, des richesses considérables dans la colonie, il ne se trouva bientôt plus assez de navires pour tous ceux qui s'empressaient d'aller y chercher unę fortune si facile.

Mais pour les grands et les favoris il ne devint plus même nécessaire de passer la mer pour profiter des richesses de l'île Espagnole; il suffit de demander des départements au Roi à qui les nouvelles Indes étaient restées en propre par un traité conclu avec la succession de Castille. Le gouverneur prévit les suites qu'entraînerait cette libéralité du prince, et

il essaya de les laisser entrevoir, mais ses représentations, mal reçues à la cour, ne furent bientôt plus renouvelées.

Le plus grand mal fut que les concessionnaires établirent des procureurs sur les lieux. Ces agents avaient tout à la fois leur fortune à faire, et les intérêts du maître à soutenir; ces doubles besoins firent peser sur les malheureux Indiens un double travail, et la destruction de leur race devint de jour en jour imminente.

Ferdinand faisait alors la guerre dans le royaume de Naples; il ignorait par quels moyens on versait l'or de la colonie dans ses coffres, mais il ne cessait de combler d'éloges, et d'appuyer de toute sa puissance une administration qui, chaque année, faisait régulièrement arriver en Espagne de quoi fabriquer plus de cinq cent mille écus d'or, que dévoraient chaque année les dépenses de la guerre. Encouragé par ces éloges, Ovando voulait les mériter dayantage; aussi c'étaient chaque jour des exactions nouvelles.

Une ordonnance fut publiée, par laquelle il affermait la pêche, la chasse, et les salines naturelles du pays : mais le cri public contre cette dernière spoliation se fit entendre jusqu'à Madrid. Le roi cassa l'ordonnance du gouverneur, et peu de temps après, comme par compensation, il en publia une autre de la plus grande utilité pour les colons, et qui marqua le commencement de la fortune véritable de l'île Espagnole.

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