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ayant pénétré dans les états de Caonabo, où étaient situées les mines de Cibao, le cacique les avait poursuivis, s'était emparé de leur forteresse et les avait tous massacrés; en vain Guacanahari avait voulu venger ses alliés d'Europe, lui - même avait été grièvement blessé, en combattant Caonabo, et il se faisait excuser de ne pouvoir paraître devant l'Espagnol.

Ce malheureux événement détermina Colomb à chercher un endroit plus favorable pour y former un établissement sûr, et il alla camper à peu de distance de la Nativité, à l'est du Mont-Christ, vers l'embouchure d'une rivière qui lui parut arroser des terres fertiles. Là fut élevée la première ville bâtie par les Européens dans les nouvelles Indes. Colomb, en l'honneur de sa reine, lui donna le nom d'Isabelle.

Bientôt les mines de Cibao devinrent aussi la possession des Espagnols, qui y trouvèrent plus d'or, qu'ils n'en avaient même osé espérer. Une forteresse ne tarda pas d'être élevée en cet endroit, pour défendre ce que Colomb regardait comme la plus précieuse partie de sa conquête; et, par un trait qui caractérise l'époque, il appela cette forteresse du nom de Saint-Thomas, dit un historien, pour railler l'incrédulité de ceux qui n'avaient pas voulu ajouter foi à l'existence de ces trésors enfin dé

couverts.

Cependant les vivres apportés d'Europe étaient

consommés, ou corrompus par l'insalubrité du climat, et la famine allait se joindre à d'autres dangers qui pressaient déjà la colonie espagnole, menacée d'une insurrection générale des indigènes. Heureusement quatre vaisseaux chargés de vivres arrivèrent d'Europe, qui écartèrent le premier ennemi qu'il fallait redouter, la faim : les autres ne paraissaient guère moins terribles, car toute la population de l'île, outrée des excès, des exactions et des cruautés des Espagnols, indignée surtout du traitement qu'ils avaient fait subir au roi Caonabo, envoyé dans les prisons d'Espagne, après qu'on l'eut arrêté par trahison, préparait la guerre de tous côtés. Colomb eut encore le triste bonheur de faire échouer leurs efforts et d'anéantir leur armée. Il paraissait n'avoir plus rien à craindre, quand un coup vint le frapper, parti d'où il l'attendait le moins. Au nom de la cour de Barcelone, commissaire arriva dans l'île, avee la charge d'informer sur sa conduite, d'après les plaintes portées contre lui en Europe, au nom de toute la colonie. Forcé de repasser en Espagne, il débarqua à Cadix, le onzième jour de juillet 1496, après une longue et pénible navigation.

un

Sa présence fit taire la calomnie; honorablement accueilli par ses souverains, il eut part aux délibérations de la cour, qui résolut de peupler la nouvelle colonie de militaires, de mariniers, de laboureurs et d'artisans payés et nourris aux frais

du gouvernement. On y envoya encore des religieux de Saint-François, autant pour la conduite spirituelle des Espagnols, que pour l'instruction des insulaires. Le Nouveau-Monde fut, en même-temps, ouvert à tous les sujets de la couronne d'Espagne qui voudraient en faire le voyage à leurs frais; on n'excepta nominativement que les procureurs et les avocats, « de crainte, disait l'édit, que la chicane ne s'introduise avec eux »gné, où elle n'est point connue, et où elle »rait retarder beaucoup les établissements qu'on » veut faire ».

>>

dans ce

pays

éloi

pour

Malheureusement les avocats et les procureurs n'étaient pas les seuls hommes qu'il fallût écarter de cet état naissant: malgré tous les avantages offerts aux colons, on ne trouva qu'un petit nombre d'artisans ou de cultivateurs laborieux disposés à aller tenter les chances d'un établissement hasardeux; mais tout ce que l'Espagne avait de vagabonds et de gens sans aveu, se jeta sur cette terre d'asile.

Pendant le séjour de Colomb en Espagne, Dom Barthélemi, son frère, demeuré dans la colonie comme son lieutenant-général, avait transporté le siége du nouvel empire espagnol, de la ville d'Isabelle, dont le sol n'avait pas répondu à l'attente des Européens, à San-Domingo qu'il venait de bàtir, et une tradition nationale raconte ainsi l'origine de cet établissement.

Un jeune Espagnol, nommé Diaz, fugitif à la suite d'un duel, avait trouvé à l'embouchure du fleuve Ozama, et sur sa rive occidentale une bourgade de naturels, commandée par une femme dont il avait su se faire aimer. L'Indienne prit tellement l'étranger en affection, qu'elle lui proposa de s'établir sur ses terres, après lui avoir fait remarquer la commodité du port formé naturellement par l'embouchure du fleuve, la beauté du pays, sa fertilité, et, ce qui surtout n'était pas indifférent pour un Espagnol, le voisinage des mines, qui n'étaient qu'à huit lieues de là.

Diaz, de retour au fort Isabelle, quand il n'eut plus à craindre les poursuites commencées contre lui, avait communiqué son aventure à Barthélemi, et, dix jours après ce rapport, le frère de Colomb traçait, sur la rive orientale du fleuve, le plan de la nouvelle ville et d'une bonne forteresse qu'il nomma San-Domingo, et qui fut bientôt peuplée de la plus grande partie des habitants d'Isabelle, empressés de s'établir autour du chef - lieu du gouvernement.

De nouvelles attaques des Indiens, fatigués encore une fois de souffrir sans se venger, armèrent Barthélemi contre eux. Aussi malheureux dans cette campagne que dans les précédentes, ces opprimés laissèrent leur roi au nombre des prisonniers.

Une autre rébellion donna des alarmes plus fortes; car cette fois ce ne furent seulement des sau

pas

vages nus et sans armes que les chefs de cette colonie eurent à combattre. L'amiral, en partant pour l'Espagne, avait revêtu de la charge de juge supérieur, François-Roldan Ximénès, qui avait été à son service, mais dont l'ambition et la violence expliquaient mal un tel choix. Persuadé que l'amiral ne reparaîtrait plus dans la colonie, Roldan rallia autour de lui tous les mécontents, souleva les Indiens, et tenta, mais en vain, de mettre les armes à la main du roi de Xaragua, à qui Barthélemi venait de rendre la liberté après l'avoir vaincu. Il réussit du moins à les faire prendre à Mayobanex, souverain d'un peuple aguerri, qui habitait vers le cap Cabron.

Barthélemi marcha contre les Indiens, les défit, et parvint à se rendre maître de leur chef; parmi les prisonniers, se trouvait une fille de Mayobanex, d'une rare beauté, et qui avait épousé un des premiers seigneurs du pays. Son époux, à peine instruit de sa captivité, rassembla ses sujets, se dirigea à leur tête, vers la Conception, dont les vainqueurs avaient tenu la route, et fit tant de diligence, qu'il y arriva presqu'en même temps que leur armée.

En abordant le frère de Colomb, l'Indien se jeta à ses pieds, les baigna de larmes, et le conjura de lui rendre son épouse, que Barthélemi lui fit mettre aussitôt, sans exiger de rançon. La reconnaissance porta ce seigneur à faire beaucoup plus

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