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leur. Nous respectons assurément les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi; nous disons plus, nous les défendrons, ainsi que les vôtres, revêtus de toutes les formalités requises, jusqu'à la dernière goutte de notre sang. Nous nous permettrons, ci-après, de vous exposer nos réflexions; bien persuadés qu'elles trouveront près de vous toute l'indulgence possible.

<< Enfin, la lettre du ministre de la marine exprime, d'une manière formelle, la ferme résolution où est le roi de maintenir les articles décrétés par tous les moyens qui sont en sa puissance royale. Voilà, Messieurs, ce que nous ont présenté ces pièces analysées : nous allons vous faire notre profession de foi sur tous les troubles actuels, et nous sommes convaincus d'avance de toute l'indulgence que vous aurez pour nous; indulgence qui nous est manifestée par le corps législatif et souverain. De grands malheurs ont affligé cette riche et importante colonie : nous y avons été enveloppés, et il ne nous reste plus rien à dire pour notre justification. L'adresse que nous avons pris la liberté de vous faire parvenir ne laisse rien à désirer à cet égard, mais, au moment où nous l'avons rédigée, nous n'avions nulle connaissance de ces diverses proclamations: aujourd'hui que nous sommes instruits des nouvelles lois, aujourd'hui que nous ne pouvons douter de l'approbation de la mère-patrie pour tous les actes législatifs que vous décré

terez concernant le régime intérieur des colonies, et l'état des personnes, nous ne nous montrerons pas réfractaires; bien plus, pénétrés de la plus vive reconnaissance, et, par retour, nous vous réitérons nos assurances, du désir que nous aurions de vous ramener la paix. Nous avons formé des demandes dans l'adresse que nous avons eu l'honneur de vous faire passer: nous les avons crues acceptables par toutes les raisons possibles; par l'amour même du bien. Nous avons cru devoir, au nom de la colonie en danger, vous demander les seuls et uniques moyens de rétablir promptement, et sans perte, l'ordre dans une si importante colonie. Vous avez dû peser la demande et les motifs qui l'ont dictée : le premier article proposé est de convenance absolue; votre sagesse vous dictera le parti que vous aurez à prendre à cet égard; une nombreuse population qui se soumet avec confiance aux ordres du monarque et du législatif, qu'elle investit de sa puissance, mérite assurément des ménagemens dans un moment où toutes les parties de la colonie doivent, à l'exemple de la métropole, par leur union, leur respect aux lois et au roi, songer à procurer à ce pays le degré d'accroissement que l'assemblée nationale a droit d'en attendre. Les lois qui sont en vigueur pour l'état des personnes libres ou non libres, doivent être les mêmes pour toute la colonie, il serait même intéressant que vous déclarassiez, par un arrêté

corps

sanctionné de M. le général, que votre intention est de vous occuper du sort des esclaves; sachant qu'ils sont l'objet de votre sollicitude, et le sachant de la part de leurs chefs, à qui vous feriez parvenir ce travail, ils seraient satisfaits, et cela faciliterait pour remettre l'équilibre rompu, sans perte et en peu de temps. Nous prenons la liberté de vous faire ces observations, persuadés que, dès que c'est pour l'intérêt général, vous les accueillerez avec bonté. Enfin, Monsieur, nos dispositions pacifiques ne sont pas équivoques; elles ne l'ont jamais été des circonstances malheureuses semblent les rendre douteuses; mais un jour vous nous rendrez toute la justice que mérite notre position, et serez convaincu de notre soumission aux lois, de notre respectueux dévouementau Roi. Nous attendons impatiemment les conditions qu'il vous plaira mettre à cette paix si désirable; seulement nous vous observerons que, du moment que vous aurez parlé, notre adhésion sera uniforme; mais que nous croyons l'article premier de notre adresse indispensable, et que nous le croyons avec l'expérience que doit nous donner la connaissance du local.

Signés JEAN-FRANCOIS, Général; BIASSOU,

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MANZEAU, TOUSSAINT et Aubert,

Commissaires ad hoc. »

L'assemblée coloniale, persistant dans ses préjugés, ne voulut pas comprendre tout l'avantage qu'elle pouvait retirer de cette disposition des chefs nègres à livrer leurs frères, pourvu que l'impunité leur fût assurée : elle répondit aux députés, par l'organe de son président, « Que son assemblée, fondée sur la loi et par la loi, ne pouvait « correspondre avec des gens armés contre toutes « les lois; qu'elle pourrait faire grâce à des cou

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pables repentants et rentrés dans leur devoir; « qu'elle ne demanderait pas mieux que de recon« naître ceux qui auraient été entraînés contre leur

volonté; mais qu'elle saurait toujours mesurer «ses bontés et sa justice». Les commissaires de l'Assemblée nationale avaient reçu avec plus de bonté les députés des révoltés. Après qu'ils eurent entendu les dernières intentions des colons, on ordonna de se retirer.

Biassou, transporté de colère en apprenant ce qui s'était passé, voulut faire mourir tous les blancs qui se trouvaient entre ses mains; heureusement les commissaires civils intervinrent; ils demandèrent une entrevue avec les chefs de l'insurrection. Ils s'adjoignirent pour cette entrevue, qui eut lieu sur l'habitation Saint-Michel, quatre des membres de l'assemblée coloniale: plusieurs colons les y suivirent.

Le colloque s'ouvrit sous de mauvais auspices: M. Bultot, riche planteur de l'île, ne craignit pas

de frapper d'un coup de cravache Jean-François, chef suprême des révoltés, au moment où celui-ci arrivait à cheval au rendez-vous. Le noir se retira d'abord furieux; mais, sur la parole des commissaires civils, il consentit à revenir, et réitéra verbalement les offres et les promesses contenues dans la lettre commise aux envoyés Duplessis et Raynal; des ôtages furent donnés réciproquement. Jean-François renvoya, sous bonne escorte, une vingtaine de prisonniers blancs, qui parurent à la barre de l'assemblée coloniale, accompagnés de quelques chefs noirs, parmi lesquels se trouvait Toussaint-Louverture, encore peu illustre, et qui devait jouer un si grand rôle dans les événements dont cette première révolte ouvre l'histoire.

Cet homme, doué d'une rare pénétration d'esprit, reconnut bientôt l'insuffisance des pouvoirs des commissaires : son opinion passa facilement dans l'esprit de Jean-François et de Biasson, et les négociations furent rompues.

Les hommes de couleur avaient combattu jusque-là contre les noirs avec tout le zèle que peut inspirer l'intérêt de la propriété; mais l'assemblée provinciale ayant ordonné leur désarmement, presque tous, à l'exception de ceux du Cap, s'étaient jetés dans les postes et dans le camp des nègres...

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Le mulâtre Candi et quelques autres voulurent cependant faire leur paix. On désigna comme chef

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