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mas, le même auquel les Français ont depuis donné le nom de la Baie du Can de Louise, et qui a pris plus récemment celui de l'Acul.

Guacanahari, roi de Marien, qui, comme nous l'avons dit, avait établi sa demeure dans le port du Cap Français, envoya saluer l'amiral, auquel il fit en même temps présenter plusieurs objets en or très fin; il suivit bientôt lui-même les dons qu'il envoyait, et il s'engagea à fournir aux Espagnols autant d'or qu'ils en pourraient désirer.

A l'exemple de leur souverain, les Mariénites prodiguèrent aux Européens les marques de leur attachement; et, pour des épingles, des bonnets rouges, des chapelets, des verres, et d'autres objets d'une faible valeur, les compagnons de Colomb recurent de ces insulaires tout ce que ceux-ci possédaient du métal si convoité; encore, ces hommes simples étaient tellement charmés de ces échanges, qu'ils s'enfuyaient à toutes jambes après les avoir faits, dans la crainte que les Espagnols ne se dédissent de leur marché.

Au sentiment de l'amitié vint se joindre bientôt celui de la terreur; et l'une, dans l'intérêt des avides Européens devait prolonger les effets de l'autre. Quelques coups de canon tirés en présence des insulaires, les frappèrent tellement de frayeur qu'ils crurent voir la foudre aux mains de leurs hôtes, et ce salutaire effroi fut redoublé quand on les eut rendus témoins des redoutables effets du boulet.

Le roi Guacanahari, dit un chroniqueur espagnol,

il

« se retira ce jour-là tout pensif, et, dès lors, n'appela plus les étrangers que les fils du ton

<<< nerre. »

Cependant Colomb poussait ses reconnaissances dans l'île, et y élevait un petit fort, avec le secours des insulaires, qui travaillaient gaiement à forger leurs chaînes; le fort reçut le nom de la Nativité (Navedad), en mémoire du jour de Noël, qui avait été celui de la découverte du port où cet ouvrage fut construit. L'amiral y laissa trente-huit de ses compagnons, ceux qu'il estimait les plus sensés entre tous; et il partit pour l'Espagne, emmenant avec lui quelques insulaires, preuves vivantes du succès de son entreprise. Après deux mois et demi de navigation, le vice-roi du Nouveau-Monde, rentra le 15 mars 1 493, dans le port de Palos, qu'il avait quitté depuis sept mois et douze jours.

Ferdinand tenait sa cour à Barcelone; Colomb s'y rendit; son entrée fut un triomphe. Parmi les flots d'un peuple innombrable, et d'une foule de courtisans accourus au-devant de lui, il reçut d'abord par l'organe des premiers seigneurs les compliments du roi et de la reine. Les sept Indiens qu'il avait amenés ouvraient la marche; on voyait ensuite des couronnes et des lames d'or; des balles de coton; des caisses d'un poivre réputé au moins égal à celui de l'Orient; des perroquets portés sur des roseaux de vingt-cinq pieds de haut; des dépouilles de caïmans, et de lamentins, qu'on se

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plaisait à regarder comme les véritables sirènes des anciens; des quadrupèdes, des oiseaux inconnus, et mille autre curiosités, dont la vue faisait redoubler, à chaque instant, les bruyantes acclamations de la foule.

Reçu par les souverains de l'Espagne, assis en dehors du palais sous un dais magnifique, Colomb fut obligé de se placer lui-même sur un siége préparé à côté du trône, et de raconter à haute voix, et la tête couverte, les principales circonstances de son voyage. Quand il eut finit son récit, le roi et la reine d'abord, et, à leur exemple, les spectateurs s'étant jetés à genoux, la musique de la chapelle exécuta un Te Deum qui termina cette brillant cérémonie.

Alors Ferdinand fit remettre au navigateur génois, en son nom royal et en celui d'Isabelle, d'autres lettres-patentes, plus amples et plus flatteuses que les premières; et qu'il faut rapporter ici :

« Ferdinand et Isabelle, etc., etc.; Puisqu'il a plu à Dieu que vous, Christophe Colomb, ayez « découvert les îles que nous avons nommées dans « nos lettres, nous vous confirmons les priviléges << que nous vous y avons accordés ; vous reconnais«sant amiral de l'Océan, depuis les îles Açores jusqu'à celles du Cap Vert, et du septentrion « au midi; vice-roi, et gouverneur perpétuel de << toutes les terres que vous avez découvertes, et que vous découvrirez.

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» Voulons que vos charges passent, pour toujours, à vos enfants, de l'un à l'autre, avec tous « les honneurs et prérogatives, droits et émolu<«<ments qui y sont attachés, et qui ont appartenu «‹ à nos amiraux de Castille et de Léon..

сс

« Vous donnons pouvoir de mettre tels officiers, juges et capitaines que vous jugerez à propos, << pour tel temps que vous voudrez, et de les casser quand il vous plaira ; à condition néanmoins « que les provisions que vous leur donnerez, se<<<ront en votre nom, et scellées de votre cachet.

« Voulons de plus, qu'en la qualité que nous « vous donnons, d'amiral de l'Océan, vous puis<<< siez commander à tous ceux. de nos vaisseaux que « vous trouverez dans l'étendue de nos mers; que «<< vous leur ordonniez de vous obéir, et de vous « donner tout ce que vous leur demanderez, sous «<les peines que vous leur imposerez, et que nous « tenons, dès à présent, pour bien imposées.

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Enjoignons à tous ceux qui sont et seront << dans les Indes, d'y demeurer ou d'en sortir

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quand vous leur ordonnerez, nonobstant appellation, et sans qu'il soit besoin, pour vous faire obéir, d'autres lettres que des présentes.

« Commandons à notre chancelier, et à tous les <<< gens tenant notre sceau, de vous expédier, au plus tôt, nos lettres contenant la confirmation de «nos priviléges, en telle forme que vous voudrez, « à peine de notre disgrace, et de trente ducats

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« d'amende contre chacun des contrevenants; car << telle est notre volonté. Donné à Barcelone, le 28 « de mai 1493, signé moi, le Roi; moi, la Reine.

« Moi, Fernand Alvarez de Tolède, secrétaire « d'état, ai fait expédier les présentes, par le com« mandement de leurs Altesses. »

Cependant Colomb était impatient de revoir Hayti, et de poursuivre ses conquêtes; il se rendit à Cadix, où l'attendait une flotte de dix-sept navires. Outre les équipages ordinaires, cette flotte portait plus de quinze cents volontaires, la plupart gens de qualité, résolus de suivre la fortune de l'heureux navigateur. Colomb avait aussi chargé ses vaisseaux de chevaux d'Andalousie, d'armes de toutes espèces, de ferrements, d'outils pour le travail des mines, de graines, de légumes, et d'une quantité immense de vivres. Il quitta de nouveau l'Espagne, le 25 septembre 1493, toucha aux Canaries le 5 octobre, et le 27 du même mois, après avoir découvert dans sa route plusieurs des petites Antilles, jeta l'ancre à l'entrée du Port-Réal. Le lendemain Colomb aborda dans l'île; mais au lieu du fort qu'il avait laissé, il ne trouva plus que des ruines, une terre fraîchement remuée, et couvrant des corps vêtus, qu'on reconnut pour ceux des Espagnols, dont aucun n'avait survécu pour raconter la triste fin de ses compagnons. Bientôt pourtant, le frère du roi de Marien se présenta devant l'amiral, et lui raconta que les Espagnols

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