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lonie l'instruction de l'Assemblée nationale, du 28 mars, qui donne sans distinction, à tous citoyens libres le droit d'être admis dans toutes les charges et fonctions; mes prétentions sont justes et j'espère que vous y aurez égard. Je ne ferai pas soulever les ateliers, ce moyen est indigne de moi.

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Apprenez à apprécier le mérite d'un homme dont l'intention est pure. Lorsque j'ai sollicité à l'Assemblée nationale un décret que j'ai obtenu en faveur des colons américains, connus anciennement sous l'épithète injurieuse de sang-mêlés, je n'ai point compris dans mes réclamations le sort des nègres qui vivent dans l'esclavage. Vous et nos adversaires avez empoisonné mes démarches pour me faire démériter des habitants honnêtes. Non, non, Messieurs, nous n'avons que réclamé pour une classe d'hommes libres, qui étaient sous le joug de l'oppression depuis deux siècles. Nous voulons l'exécution du décret du 28 mars. Nous persistons à sa promulgation, et nous ne cesserons de répéter à nos amis que nos adversaires sont injustes et qu'ils ne savent point concilier leurs intérêts avec les nôtres.

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Avant d'employer mes moyens, je fais usage de la douceur; mais si, contre mon attente, vous ne me donnez pas satisfaction de ma demande, je ne réponds pas du désordre où pourra m'entraîner ma juste vengeance. »

Cette missive avait été apportée au Cap par deux

dragons, tombés au milieu de la troupe d'Ogé, et qui étaient porteurs d'ordres dirigés contre lui. Il leur avait également remis une autre lettre pour le commandant militaire de la province du Nord. Elle était plus courte et plus énergique.

Nous exigeons la proclamation du décret du 28 mars; nous nommerons des électeurs, nous nous rendrons à Léogane, nous repousserons la force par la force, si l'on nous inquiète; l'amour-propre des colons se trouverait insulté si nous siégions à côté d'eux; mais a-t-on consulté celui des nobles et du clergé pour redresser les mille et un abus qui existaient en France? »

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Pour toute réponse, le chevalier de Mauduit marcha contre les révoltés; mais à cette première rencontre il fut battu, quoiqu'il eût avec lui 600 hommes le colonel du régiment du Cap, de Cambefort, sortit alors avec 1,500 hommes et mit les insurgés dans une déroute complète. Ogé et son lieutenant Chavanne parvinrent à s'échapper, et se réfugièrent avec une partie des leurs dans les possessions espagnoles; le reste fut ou tué ou fait prisonnier.

Ogé s'était cru sauvé; mais l'assemblée du Nord avait juré sa perte et vint, au nom du gouvernement, demander son extradition et celle de ses complices au gouverneur Don Joachim Garcia. Cette demande fut accordée sur-le-champ, la consternation s'en répandit parmi tous les hommes de

couleur. Le comte de Peynier venait de partir pour la France, après avoir remis ses pouvoirs à de Blanchelande, arrivé depuis peu avec le titre de lieutenant au gouvernement général de la partie française de Saint-Domingue.

Alors le procès d'Ogé et de ses adhérents commença de s'instruire. Ce procès, célèbre dans les annales d'Hayti, dura deux mois. Enfin Vincent Ogé, Jean-Baptiste, dit Chavanne, et Jacques Ogé, dit Jacquot, furent condamnés à être rompus vifs et leurs biens furent confisqués au profit du roi. Ils subirent leur sentence presque immédiatement, le 9 mars 1791, en présence de l'assemblée provinciale du Cap, qui voulut y assister en corps.

Des insurrections partielles avaient eu lieu dans les parties de l'Ouest et du Sud, en même temps à peu près que celle d'Ogé dans le Nord; elles furent heureusement étouffées sans qu'il fût presque besoin de verser du sang. C'est dans l'une de ces insurrections, celle des Cayes, que parut, pour la première fois sur la scène, un homme qui a joué depuis un grand rôle dans dans l'histoire d'Hayti; nous voulons parler du mulâtre Rigaud, parvenu depuis aux plus hautes fonctions militaires, et le rival le plus redouté de Toussaint-Louverture.

La mort d'Ogé détacha pour jamais les mulâtres du parti des créoles; une haine éternelle s'empara de toute la caste; elle étouffa toute autre sentiment que l'espoir de la vengeance. Les hommes de

couleur déguisèrent leur courroux sous les apparences de la résignation; les colons doublèrent de rigueur contre les rebelles et de méfiance contre le gouvernement colonial, dont l'assemblée provinciale du Nord elle-même abandonna bientôt le parti.

Cependant les membres de l'assemblée générale et les commissaires envoyés de tous les partis, soit pour l'accuser, soit pour la défendre, étaient arrivés en France presque en même temps. La municipalité et surtout la population de Brest avaient fait aux députés de Saint-Marc une réception dont ils s'attendaient à jouir sur toute leur route; mais une fois sortis des murs de cette ville, ils furent partout accueillis avec froideur, et, peu de jours après leur arrivée à Paris, l'Assemblée nationale les manda à sa barre, pour ouir les accusations portées contre eux et leur défense.

Le fameux Linguet, cet orateur de toutes les causes, et qui avait plaidé si souvent celle du despotisme, avait été chargé cette fois de soutenir les droits des colons et leurs principes révolutionnaires; il avait perdu son procès, après un bien long plaidoyer; et, le 12 octobre 1790, l'Assemblée national avait rendu le décret suivant.

« L'Assemblée nationale, considérant que les principes constitutionnels ont été méconnus par l'assemblée, dite l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue; qu'elle a fomenté les

troubles qui ont eut lieu dans l'île ; qu'elle a provoqué et justement encouru sa dissolution; déclare les prétendus décrets rendus par ladite assemblée générale, attentoires à la tranquillité publique, anti-constitutionnels et nuls; déclare que l'assemblée provinciale de la partie du Nord, que les troupes de ligne, les volontaires du Port-au-Prince, MM. Peynier, Vincent et de Mauduit ont glorieusement rempli leur devoir, et les remercie au nom de la Nation décrète que ladite assemblée de SaintMarc est et demeurera supprimée ; que les membres en sont déchus de leur mission à l'assemblée coloniale de Saint-Domingue; qu'en conséquence il sera procédé, si fait n'a été, à une nouvelle élection de députés pour former l'assemblée coloniale de SaintDomingue; décrète que toutes les lois établies jusqu'à ce jour, seront provisoirement exécutées ; que, jusqu'à ce qu'il soit érigé de nouveaux tribunaux dans l'île de Saint-Domingue, le conseil supérieur de l'île sera maintenu et ses jugements exécutés ; décrète que le roi sera prié d'envoyer à Saint-Domingue deux vaisseaux de ligne et des troupes suffisantes pour y maintenir l'ordre : décrète, en outre, que toutes les personnes attachées à la ci-devant assemblée de Saint-Marc, mandées à la suite de l'assemblée nationale, demeureront en cet état jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.

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Dès que ce décret fut connu à Saint-Domingue, les ennemis de l'assemblée de Saint-Mare se laissèrent

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