Page images
PDF
EPUB

tation légale et légitime de la colonie, méconnurent l'autorité du gouverneur-général, et prétendirent que tous les pouvoirs devaient émaner d'eux; ils consentirent seulement à soumettre leurs décrets à la sanction royale.

Après la durée d'une session, cette assemblée devait être ou renouvelée ou confirmée par les assemblées primaires. Le gouvernement comptait sur la première de ces chances; mais il ne s'attendait pas à ce qu'une interprétation fausse des instructions, qui donnaient à tous les colons le droit de former ces assemblées, sans désigner nommément les gens de couleur, en ferait exclure tous les sangmêlés; par ce moyen l'assemblée de Saint-Marc fut confirmée. Ses prétentions s'en augmentèrent, et le 28 mai 1790, elle rendit la déclaration suivante: Déclaration du 28 mai 1790.

« ART. I. Le pouvoir législatif, en tout ce qui concerne le régime intérieur de la colonie, réside dans l'assemblée de ses représentants, qui sera appelée l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.

« 2. Aucun acte du corps législatif, en ce qui concerne le régime intérieur de la colonie, ne sera regardé comme loi, à moins qu'il ne soit agréé par les représentants de la partie française de SaintDomingue, librement et légalement élus et confirmés par le roi.

3. En cas d'urgence, un arrêté de l'assemblée générale, en ce qui concerne le régime intérieur des colonies, sera regardé comme loi provisoire. Dans tous les cas, l'arrêté sera notifié au gouverneur-général, qui, dans les dix jours de la présente notification, sera tenu de le faire promulguer et de le faire exécuter, ou de soumettre ses observations à ce sujet à l'assemblée générale.

« 4. La nécessité du cas dont dépendra l'exécution d'un pareil décret provisoire, fera une question séparée, et aura besoin de la majorité des deux tiers de l'assemblé générale pour passer à l'affirmative prise par appel nominal.

<< 5. Si le gouverneur-général envoie ses observations sur un semblable décret, elles seront mises dans le procès-verbal de l'assemblée générale, qui commencera alors la révision du décret, et l'examen des observations y relatives dans trois séances différentes. Les voix, pour confirmer ou annuler le décret, se prendront par oui et par non, et une minute des opérations sera signée par les membres présents, dans laquelle seront inscrites les voix des deux côtés de la question, et s'il paraît qu'il y ait une majorité de deux tiers en faveur du décret, il sera sur-le-champ mis à exécution par le gouverneur-général.

6. Comme toutes les lois doivent être fondées sur le consentement de ceux qui doivent y obéir, la partic française de Saint-Domingue pourra pro

poser des réglements concernant les rapports commerciaux et autres rapports communs; et les décrets rendus à cette occasion par l'assemblée nationale, n'auront force de lois dans la colonie, à moins qu'ils n'aient été consentis par l'assemblée coloniale

7. Dans le cas d'extrême nécessité, l'importation d'objets pour la subsistance des habitants ne sera pas regardée comme une brèche au système des réglements commerciaux entre Saint-Domingue et la France, pourvu que les arrêtés pris, en pareil cas, par l'assemblée générale, aient été soumis à la révision du gouverneur-général, aux conditions et modifications prescrites dans les articles 3 et 5.

«< 8. Pourvu aussi que tout acte de l'assemblée générale, exécuté provisoirement en cas d'urgence, soit transmis à la sanction du roi; et si le roi refuse sa sanction à un pareil acte, l'exécution en sera suspendue aussitôt que le refus du roi aura été légalement notifié à l'assemblée générale.

« 9. L'assemblée générale sera renouvelée tous les deux ans, et aucun des membres qui auront siégé dans l'assemblée précédente ne sera éligible à la nouvelle.

« 10. L'assemblée générale arrête que les articles précédents, comme formant une partie de la constitution de la colonie française de Saint-Domingue, seront immédiatement transmis en France, pour y recevoir la sanction du Roi et de l'Assemblée

nationale. Ils seront aussi transmis à tous les districts et à toutes les paroisses de la colonie, et notifiées au gouverneur-général. »

Ce décret, qui devait servir comme de base à la constitution de Saint-Domingue, effraya plusieurs des membres de l'assemblée, qui donnèrent leur démission sans avoir voulu le signer. Débarrassée du petit nombre d'hommes modérés qu'elle comptait dans son sein, elle ne mit plus de frein à ses fougueuses prétentions; elle organisa de son chef des comités de la guerre, de la marine et de diplomatie, et elle osa même appeler à sa barre les chefs du gouvernement colonial.

De son côté, le comte de Peynier profitant du mécontentement qu'avaient inspiré parmi quelques-uns la déclaration du 28 mai; de la jalousie des autorités constituées, et du zèle des divers employés de l'administration coloniale qui avaient été enrégimentés; plaignant et accueillant avec bonté et avec intérêt les hommes de couleur, répandait partout la division.

Il était d'ailleurs aidé dans toutes ces menées par le chevalier Mauduit, nouvellement placé à la tête du régiment du Port-au-Prince, et qui doit jouer un grand rôle dans les récits qui vont suivre.

Cependant l'assemblée générale se portait ellemême un coup aussi funeste que ceux qu'on méditait contre elle, en rendant son décret contre l'usure des négociants et des hommes de loi, qui remplis-

saient en grande partie l'assemblée provinciale du Nord. Ce décret juste au fond, mais que la haine plus que la justice avait fait rendre, humilia les membres de cette assemblée, qui se vengèrent en se déclarant en opposition ouverte avec l'assemblée générale : ils méconnurent les principes qui servaient de base à la déclaration du 28 mai, et refusèrent presque de recevoir au Cap les six commissaires. conciliateurs que l'assemblée générale y envoya, afin de ramener les esprits, quand elle eut commencé à sentir le danger de sa position.

L'on vit alors s'élever de fait deux gouvernements distincts; l'un se composait de l'assemblée générale; l'autre du gouverneur, du conseil supérieur du Port-au-Prince et de l'assemblée provinciale du nord.

Rentrés dans le sein de l'assemblée générale, ses commissaires demandèrent satisfaction de l'affront qu'ils avaient reçu : l'indignation fut au comble, et l'assemblée qui se croyait puissante, déclara traîtres à la patrie les membres de l'assemblée provinciale du nord, leurs adhérents et tous ceux qui ne reconnaîtraient pas son autorité; elle ouvrit les ports de la colonie à toutes les nations; licencia les deux régiments coloniaux, et en ordonna la réorganisation sous une autre forme: elle promettait aux soldats une augmentation de paie; mais cet appât ne fut pas suffisant; un seul détachement du régiment du Port-au-Prince fut séduit par ces brillantes pro

« PreviousContinue »