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rie: c'est le danger résultant du moyen employé qui en aggrave le caractère. La loi a marqué un degré différent dans la peine d'après la nature et la valeur des objets incendiés.

Deux additions ont été faites à ces deux paragraphes par la loi du 13 mai 1863. Elles avaient été indiquées par la doctrine. « Le crime, avait-on dit, change-t-il de nature parce que le propriétaire, au lieu de mettre luimême le feu, l'a fait mettre par un domestique, par un agent, qui n'aura été que son instrument et, pour ainsi dire, son bras? Cette espèce d'incendie, qui n'est qu'une escroquerie, une sorte de vol avec circonstances aggravantes, devient-elle tout à coup la destruction de la chose d'autrui, par cela seul que le propriétaire a employé la main d'un tiers au lieu de sa propre main pour y mettre le feu ? Dans l'ordre logique le propriétaire est l'auteur principal et son agent n'est que son complice. Dans l'ordre légal il n'en est point ainsi. Si le tiers a agi sans contrainte et volontairement, s'il était animé d'une pensée de nuire, les termes de la loi sont trop formels pour qualifier son action autrement qu'un incendie de la chose d'autrui. Mais la qualité de propriétaire cependant n'est-elle pas une circonstance intrinsèque du fait et qui modifie nécessairement la nature de l'action? Cette circonstance doit donc lui profiter, soit qu'il ait agi comme auteur ou complice, parce qu'elle le suit dans les deux cas, et qu'il est impossible d'en faire abstraction pour apprécier la criminalité de son action. » L'équité de cette proposition à entraîné le législateur.

490. L'art. 434 est terminé par deux dispositions générales qui complètent le système répressif du Code sur cette matière.

« § 7 de l'art. 434. Celui qui aura communiqué l'incendie à l'un des objets énumérés dans les précédents paragraphes, en mettant volontairement le feu à des objets quelconques appartenant soit à lui, soit à autrui, et placés de manière à communiquer ledit incendie, sera puni de la même peine que s'il avait directement mis le feu à l'un desdits objets. »

Les caractères du crime sont clairement indiqués: il faut que l'agent ait mis volontairement le feu à des objets quelconques, que ces objets aient été placés de manière à communiquer l'incendie, enfin que l'incendie ait été communiqué. Est-il nécessaire, pour l'application de la loi, que l'agent ait voulu la communication? Non, il suffit qu'il ait voulu l'incendie et que la communication ait été le résultat de cet incendie. « Il est vrai, a dit l'exposé des motifs, que, malgré toutes les précautions et quoique l'incendiaire n'ait voulu atteindre que sa propre maison, il peut arriver que le vent communique l'incendie ; il en subira la responsabilité. Il y a déjà une peine très-grave si l'incendie s'arrête à la propriété ; si un accident porte le ravage un peu plus loin, quoique sa volonté n'ait pas concouru à cette communication, comme déjà il y avait crime, perversité dans la volonté, il supportera la responsabilité nouvelle des dommages qu'il pourra avoir occasionnés. » Il suit de là que l'agent est responsable de toutes les suites de son action, qu'il les ait voulues ou non, qu'il ait pu ou n'ait pas pu les prévoir, l'accident qui porte le feu sur la maison voisine de la sienne qu'il a incendiée aggrave son crime et fait peser sur lui le

crime d'avoir volontairement mis le feu à une maison habitée. C'est là, peutêtre, une appréciation un peu rigoureuse d'une action accidentelle. Si l'incendie de la principale maison de l'agent est volontaire, l'incendie de la maison voisine, à laquelle les vents ont communiqué le feu, n'est-il pas involontaire? Et comment attacher une responsabilité pénale à un acte qui n'émane pas de la volonté de son auteur ? N'est-ce pas élever l'imprévoyance ou l'imprudence au niveau du crime? qu'importe que l'agent soit surpris dans un premier crime flagrant, l'incendie de sa propre chose assurée? S'ensuit-il, parce qu'une première culpabilité pèse surlui, qu'on puisse l'étendre à des faits qu'il n'a ni voulus ni prévus et qui supposait une perversité tout à fait étrangère à la première? Il faudrait peut-être, en distinguant avec quelques auteurs, dire qu'à l'égard de l'incendie de l'objet auquel le feu a été communiqué, la loi ne fait que présumer une volonté qui peut être déniée, et que cette présomption, qui se fonde sur la communication effectuée, peut être détruite par la preuve que cette communication a été purement accidentelle.

491. Le dernier paragraphe de l'art. 434 porte:

§ 8 de l'art. 434. Dans tous les cas, si l'incendie a occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux incendiés au moment où il a éclaté, la peine sera la mort. »

Ce paragraphe se réfère aux dispositions précédentes relatives aux incendies qui ne sont considérés que comme des attentats à la propriété. Ces incendies changent de nature, dès que, par l'événement de la présence d'une personne sur les lieux incendiés, ils ont causé la mort de cette personne. La loi rend l'agent responsable de cet événement qu'il aurait dû prévoir; elle le punit pour avoir employé un moyen de destruction capable de produire un homicide. Il faut toutefois remarquer encore ici que, pour prononcer la peine de mort, le législateur ne s'est point inquiété de la volonté de causer l'homicide. C'est un dernier vestige de la barbarie des anciennes lois et de l'épouvante que l'incendie, par sa nature funeste, fait éprouver au législateur. On a voulu refréner ce crime par la terreur de la plus grave des peines, on n'est pas encore parvenu à établir une juste proportion entre la pénalité appliquée et le crime tel qu'il a été commis par l'agent.

DESTRUCTIONS CAUSÉES PAR L'EFFET D'Une mine.

492. L'art. 435 est ainsi conçu :

« ART. 435. La peine sera la même, d'après les distinctions faites dans l'article précédent, contre ceux qui auront détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers. »

Cet article, en assimilant l'explosion d'une mine à l'incendie, applique à cette explosion toutes les distinctions établies en matière d'incendie. Il suit de là que la peine. diffère suivant que les objets détruits appartiennent ou n'appartiennent pas à l'agent, suivant que les lieux sont ou ne sont pas habités, suivant que la mine a causé tels ou tels effets. Il suit encore de là qu'il n'y a point de

crime si l'explosion n'a pas eu lieu volontairement. Si cet attentat a pour but de jeter le trouble dans l'État, en excitant ou favorisant la guerre civile, il ren

tre dans les termes de l'art. 95.

Je n'ai point à m'occuper ici des menaces d'incendie qui font l'objet de l'art. 436. J'ai examiné cet article en même temps que les art. 305, 306 et 307 auxquels il se réfère.

DESTRUCTIONS ET DÉVASTATIONS DE PROPRIÉTÉS.

493. Notre Code va maintenant faire passer sous nos yeux, de l'art. 437 à l'art. 462, une série de dispositions qui ont un but commun, celui de protéger la propriété mobilière et immobilière contre toutes les destructions, dévastations et violences dont elle peut être l'objet. Je m'arrêterai peu à chacune de ces dispositions qui sont, en général, très-claires et qui n'exigent que très-peu d'explications. La plus grave de ces incriminations est la destruction des édifices par une autre cause que l'incendie.

« ART. 437. Quiconque aura volontairement détruit ou renversé, par quelque moyen que ce soit, en tout ou en partie, des édifices, des ports, digues ou chaussées, ou autres constructions qu'il savait appartenir à autrui ou causé l'explosion d'une machine à vapeur, sera puni de la réclusion et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et indemnités, ni être au-dessous de 100 fr. S'il y a eu homicide ou blessures, le coupable sera, dans le premier cas, puni de mort, et dans le second, puni de la peine des travaux forcés à temps. »

La loi ne détermine pas les moyens de destruction employés : elle incrimine toutes les voies de fait, pourvu qu'elles aient détruit ou renversé, pourvu qu'elles aient eu pour but la ruine de l'édifice, lors même que cette ruine n'aurait été que partielle. Cette disposition s'applique à toutes les constructions, c'est-à-dire à tous les ouvrages élevés dans un but d'utilité publique ou privée. Il faut toutefois que l'agent ait agi volontairement et qu'il ait su que l'édifice appartenait à autrui. Le dernier paragraphe de l'article n'est que la reproduction de la dernière disposition de l'art. 434.

« ART. 438. Quiconque, par voies de fait, se sera opposé à la confection de travaux autorisés par le gouvernement, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des dommages-intérêts, ni être au-dessous de 16 fr. Les moteurs subiront le maximun de la peine. »

La loi exige qu'il y ait eu opposition à la confection de travaux autorisés par le gouvernement et que cette opposition se soit manifestée par des voies de fait. Il importe peu que les travaux entrepris soient définitifs ou préparatoires, la loi ne distingue point : ainsi, lors même qu'il ne s'agirait que d'études de terrains et de levées de plans sur des terrains qui ne sont point encore expropriés, l'art. 438 serait applicable, sauf la réparation du dommage que les études pourraient causer. Cette disposition est tellement générale qu'elle n'admet pas, comme faisant disparaître le délit, la circonstance que l'auteur des voies de fait se prétendrait propriétaire du terrain sur lequel auraient lieu les travaux; car une pareille distinction entraînerait des inconvénients graves pour l'intérêt na

tional des travaux urgents pour la navigation, pour la viabilité, ou pour tout autre objet d'utilité publique, seraient suspendus ou empêchés au gré de ceux qui prétendraient exercer un droit en opposition aux actes du gouvernement. Celui qui se croit lésé par des travaux ainsi ordonnés peut invoquer les lois protectrices de la propriété en recourant aux voies légales, soit pour arrêter le cours ultérieur des travaux, soit pour obtenir la réparation du préjudice qui lui aurait été causé.

494. L'art. 439, qu'il faut rapprocher des art. 173, 255 et 400, pour apercevoir les limites qui séparent ces différentes dispositions, est ainsi conçu :

« ART. 439. Quiconque aura volontairement détruit ou brûlé, d'une manière quelconque, des registres, minutes, ou actes orignaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni ainsi qu'il suit : - Si les pièces détruites sont des actes de l'autorité publique, des effets de commerce ou de banque, la peine sera la réclusion; S'il s'agit de toute autre pièce, le coupable sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 100 à 300 fr. »

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Cet article ne punit ni l'extorsion, ni le détournement, ni la suppression des actes dans les dépôts; il ne punit que la destruction de ces actes, hors des dépôts, et par toute autre personne que le dépositaire. La destruction d'une manière quelconque comprend la lacération du titre. Il faut seulement que l'acte détruit, soit qu'il soit rangé dans la classe des actes de l'autorité publique, ou parmi les actes privés, contienne ou opère obligation, disposition ou décharge: s'il ne produit pas cet effet, il n'y a plus de préjudice.

495. Les art. 440, 441 et 442 s'occupent du pillage des denrées ou marchandises :

« ART. 440. Tout pillage, tout dégât de denrées ou marchandises, effets, propriétés mobilières, commis en réunion ou bande, et à force ouverte, sera puni des travaux forcés à temps; chacun des coupables sera de plus condamné à une amende de 200 à 5,000 fr. »

« ART. 441. Néanmoins ceux qui prouveront avoir été entraînés par des provocations ou sollicitations à prendre part à ces violences, pourront n'être punis que de la peine de la réclusion. »

« ART. 442. Si les denrées pillées ou détruites sont des grains, grenailles ou farines, substances farineuses, pain, vin ou autres boissons, la peine que subiront les chefs, instigateurs ou provocateurs seulement, sera le maximum des travaux forcés à temps et celui de l'amende prononcée par l'art. 440. »

« Ce cas, dit l'exposé des motifs, présente deux crimes à la fois : 1° l'action de piller ou dévaster; 2o une sorte de rébellion qui a été employée pour en faciliter l'exécution. » En effet, le crime n'existe que par la réunion de ces trois conditions: 1° pillage ou dégât de marchandises; 2o en réunion ou bande; 3° à force ouverte. Deux circonstances peuvent en atténuer ou en aggraver le caractère la peine fléchit, si l'agent prouve qu'il n'a fait que céder à des provocations; elle s'élève au contraire, si les denrées pillées ou détruites sont des grains, grenailles ou farines. L'art. 440, au surplus, n'a point déterminé le

DES CRIMES ET DÉLITS, ETC. (No 498). nombre d'individus nécessaire pour former la réunion ou bande; mais ce crime rentrant par sa nature et son objet dans la classe de ceux qui compromettent la sûreté publique, il faut entendre et interpréter cet article suivant les principes établis dans les art. 211 et 212; il suffit donc que le pillage ou dégât ait été commis à force ouverte, par une réunion ou bande composée de trois personnes, pour que l'art. 440 soit applicable.

496. L'art. 443 a eu pour objet de protéger les intérêts du commerce et des manufactures, en punissant les dommages volontairement causés aux marchandises ou matières servant à la fabrication. Il est inutile de relater le texte de l'article, qui ne donne lieu à aucune difficulté. Les éléments de l'incrimination sont: 1° le moyen employé pour détériorer la marchandise, une liqueur corrosive ou tout autre moyen; 2o la volonté de causer la détérioration; 3o enfin le fait matériel du dommage. Les œuvres d'art, destinées à être mises dans le commerce, rentreraient dans les termes de l'art. 443.

497. Les articles qui suivent, depuis l'art. 444 jusqu'à l'art. 461, ont pour objet de punir des faits de destruction qui se rattachent à l'agriculture : tels sont les dévastations de récoltes sur pied ou de plants venus naturellement ou faits de main d'homme que prévoit l'art. 444; le fait d'abattre des arbres qui fait l'objet des art. 445 et 446; la destruction des greffes punie par l'art. 447; la coupe de grains ou fourrages appartenant à autrui, que prévoient les art. 449 et 450; la rupture des instruments d'agriculture punie par l'art. 451; la destruction des animaux domestiques et des bestiaux qui fait la matière des art. 452, 453, 454; la suppression des bornes, l'inondation des propriétés, l'incendie par imprudence des biens ruraux, le défaut de précaution dans les cas d'épizootie prévus par les art. 456, 457, 458, 459, 460 et 461. Toutes ces dispositions ont un but commun qui est de protéger les propriétés rurales qui, pour la plupart, sont exposées à la foi publique : la loi ne recherche pas la nature de l'intention de l'agent; ce n'est pas, dans tous les cas, comme dans le vol, le désir de profiter du délit ; c'est plus souvent l'envie de nuire même sans profit; de là il suit que la double base de toutes ces incriminations, sauf celles qui ne sont fondées que sur des faits d'imprudence, c'est, d'une part, la volonté de causer un dommage, et, d'une autre part, le dommage causé. Ces articles, d'ailleurs, clairement rédigés en général, n'ont soulevé que peu de difficultés dans la pratique, et je crois superflu, dès lors, de m'arrêter à l'examen de leurs textes.

498. Je trouve toutefois dans l'art. 462 une disposition générale qu'il ne faut pas passer sous silence.

« ART. 462. Si les délits de police correctionnelle dont il est parlé au présent chapitre ont été commis par des gardes champêtres ou forestiers, ou des officiers de police, à quelque titre que ce soit, la peine d'emprisonnement sera d'un mois au moins et d'un tiers au plus en sus de la peine la plus forte qui serait appliquée à un autre coupable du même délit. »

Cet article est le complément de l'art. 198. Le but de ces deux dispositions est de frapper d'une peine plus grave les crimes et délits qui sont commis par

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