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ans d'emprisonnement, si la personne arrêtée a été rendue à la liberté avant le dixième jour accompli et avant toute poursuite. Elle est des travaux forcés à temps, du onzième jour au trentième. Elle est des travaux forcés à perpétuité : 1° si la détention a duré plus d'un mois; 2o si l'arrestation a été exécutée avec un faux costume, sous un faux nom, ou sur un faux ordre de l'autorité publique; 3° si l'individu arrêté, détenu ou séquestré, a été menacé de la mort. Enfin, la peine est celle de mort, si les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées ont été soumises à des tortures corporelles.

CRIMES ET DÉLITS TENDANT A EMPÊCHER OU DÉTRUIRE LA PREUVE DE L'ÉTAT CIVIL D'UN ENFANT OU A COMPROMETTRE SON EXISTENCE.

390. La loi a réuni sous ce titre des faits qui n'ont ni la même nature ni le même but: les uns sont dirigés contre l'état civil de l'enfant, les autres contre sa vie. Mais ils ont un lien commun; ils menacent l'existence civile ou matérielle de l'enfant; ils provoquent sur un être qui ne peut se défendre la prévoyante protection de la loi. J'examine d'abord les crimes et délits qui ont pour but d'altérer l'état civil de l'enfant.

« ART. 345. Les coupables d'enlèvement, de recélé ou de suppression d'un enfant, de substitution d'un enfant à un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis de la réclusion. — La même peine aura lieu contre ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le représenteront point aux personnes qui ont droit de le réclamer. »

Le crime d'enlèvement, de recélé ou de suppression d'un enfant, connu dans notre ancien droit sous le nom de suppression de part, comprend tous les faits ou fausses déclarations qui donnent à un enfant une famille à laquelle il n'appartient point et le privent de celle à laquelle il appartient, ou qui, par un moyen quelconque, lui font perdre l'état que la loi lui garantissait. Il faut entendre par enfant un être organisé et vivant, car l'enfant qui n'est pas né viable n'a pas d'état et ne transmet aucun droit. L'art. 345 a essentiellement pour objet d'assurer son état civil, et si le législateur a eu en vue d'assurer l'état civil d'un enfant, ce n'a pu être que dans la supposition que celui-ci serait vivant. Cet article serait donc inapplicable au cas d'inhumation clandestine d'un enfant mort-né. C'est donc une condition constitutive et substantielle du crime que l'enfant supprimé soit né vivant. Il faut ensuite que la suppression ait été effectuée avec l'intention de changer son état.

Mais de cette interprétation que l'art. 345 ne dispose que pour la suppression d'un enfant vivant et qu'il cesse d'être applicable s'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu, résultait une véritable lacune dans la loi. Car la femme récemment ac ouchée qui ne représente pas son enfant et qui n'en rend aucun compte n'encourait aucune peine. La garantie sociale manquait à l'enfant qui vient de naître. La mère qu'un sentiment de honte ou tout autre mobile sollicite au crime pouvait s'assurer l'impunité par une suppression complète, car elle mettait la justice dans l'impossibilité de s'assurer si l'enfant avait vécu. Pour remplir cette lacune, la loi du 13 mai 1863 a in

troduit, entre les deux paragraphes de l'art. 345, un nouveau paragraphe qui forme le 2e et qui est ainsi conçu :

« S'il n'est pas établi que l'enfant ait vécu, la peine sera d'un mois à cinq ans d'emprisonnement; s'il est établi que l'enfant n'a pas vécu, la peine sera de six jours à deux mois d'emprisonnement. >>

On a considéré que la non-représentation du cadavre ne supposait pas nécessairement une distinction volontaire; qu'elle pouvait s'expliquer par d'autres circonstances, peu communes sans doute, mais possibles; que même la destruction volontaire n'excluait pas forcément l'hypothèse de l'enfant mortné, car il pourrait arriver que le sentiment de la honte, aveugle, irrésistible, et ne laissant de place à aucun calcul de prudence, eut poussé à l'anéantissement de tous les témoignages de la faute. On a voulu dès lors laisser à la femme, accusée ou prévenue, le bénéfice de ces doutes et de ces possibilités et l'on a dit: l'enfant doit être représenté vivant ou mort; il faut à ce principe nécessaire une sanction pénale. Si l'enfant n'est pas représenté, il y aura crime ou délit de suppression crime si la suppression est d'un enfant né vivant; délit, s'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu ou si la preuve contraire est rapportée. Pour le cas de suppression criminelle la sanction pénale existait déjà dans le 1er § de l'art. 345; elle restait à faire pour les deux autres cas, tel a été l'objet de la disposition additionnelle.

L'art. 345 prévoit une seconde hypothèse du même crime; c'est la substitution d'un enfant à un autre ou la supposition d'un enfant à une femme qui n'en serait point accouchée. Ce crime a lieu: 1° quand une femme, après avoir feint d'être enceinte, fait paraître au temps de l'accouchement un enfant qu'elle dit provenir de son mari, pour frustrer les héritiers légitimes; 2° quand une femme enceinte substitue, après son accouchement, un enfant à la place de celui dont elle est accouchée; 3° quand un mari et une femme, qui n'ont point d'enfant, en supposent un étranger qu'ils disent être issu de leur mariage; 4o lorsque des étrangers substituent à des pères et mères un enfant étranger au lieu de leur enfant légitime.

391. Une des plus grandes difficulté de la matière que je traite en ce moment est le jugement des questions d'état que soulève la poursuite des crimes de suppression ou de supposition d'enfant. Les art. 326 et 327 du Code civil portent que les tribunaux civils sont seuls compétents pour statuer sur les réclamations d'état et que l'action criminelle ne pourra commencer qu'après le jugement définitif sur la question d'état. La loi a tellement craint de faire dépendre entièrement les questions d'état de simples témoignages, qu'elle a proscrit les moyens indirects qui seraient employés pour y parvenir. Telles seraient les plaintes en suppression d'état qui seraient portées devant les tribunaux criminels avant qu'il y ait eu par la voie civile un jugement définitif. Les parties sont renvoyées devant les juges civils. Cette décision est une exception à la règle générale qui, considérant les répressions des crimes comme le plus grand intérêt de l'État, suspend les procédures civiles quand il y a lieu à la poursuite criminelle; mais cette exception s'appuie sur la présomption que la plainte n'aurait pour but que d'éluder la règle du droit civil qui n'admet pas

la simple preuve par témoins dans les questions d'état. (Voy. les art. 319, 320 et 323 du Code civil.) Les art. 326 et 327 ne sont que la sanction de cette prohibition. L'action criminelle contre un délit de suppression d'état n'aurait pas seulement pour effet d'en faire punir les auteurs, elle emporterait nécessairement la preuve que l'état, dont le plaignant est en possession, n'est pas celui auquel il a droit. C'est là ce que la loi a voulu empêcher. La question d'état constitue donc une question préjudiciable à toute poursuite en suppression d'état. La juridiction criminelle est frappée d'une incompétence absolue : l'action criminelle ne peut commencer qu'après que cette question a été jugée. Toutefois il importe de remarquer que la question d'état n'est préjudicielle à l'action publique: 1° que, lorsqu'elle a pour objet une question de filiation; 2o que lorsque cette filiation est contestée et que la poursuite peut exercer une influence directe sur l'état de l'enfant. Je ne fais qu'indiquer ici ces règles de la procédure; ce n'est pas le lieu de les développer.

392. Les art. 346 et 347 prévoient deux faits de négligence qui peuvent avoir le même effet que le crime:

« ART. 346. Tonte personne qui, ayant assisté à un accouchement, n'aura pas fait la déclaration à elle prescrite par l'art. 56 du Code civil et dans les détails fixés par l'art. 55 du même Code, sera punie d'un emprisonnement de six jours à six mois, et d'une amende de 16 à 300 fr. »

« ART. 347. Toute personne qui, ayant trouvé un enfant nouveau-né, ne l'aura pas remis à l'officier de l'état civil, ainsi qu'il est prescrit par l'art. 58 du Code civil, sera punie des peines portées au précédent article. La présente disposition n'est point applicable à celui qui aurait consenti à se charger de l'enfant et qui aurait fait sa déclaration à cet égard devant la municipalité du lieu où l'enfant a été trouvé. »

Ces deux articles ne font qu'apporter une sanction aux art. 55, 56 et 58 du Code civil. C'est donc dans ces derniers articles qu'il faut rechercher les véritables éléments du délit. Ainsi, l'art. 56 du Code civil ne prescrit que la seule déclaration de la naissance : il s'ensuit que l'art. 346 n'est point applicable à celui qui, en déclarant cette naissance, refuse de faire connaître les noms des père et mère. Ainsi cette obligation n'est imposée qu'à certaines personnes : il s'ensuit que l'art. 346 n'est applicable qu'aux mêmes personnes. La même règle d'interprétation s'applique à l'art. 347: cet article, en se référant à l'art. 58 du Code civil, se renferme dans les termes de ce dernier article et ne peut être étendu au delà.

393. Vous avez vu que le deuxième paragraphe de l'art. 345 punit de la peine de la réclusion ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le représenteront point aux personnes qui ont le droit de le réclamer. C'est là une sorte d'abus de confiance commis au préjudice des parents sur la personne de l'enfant. La loi s'occupe moins de l'état de l'enfant que de l'enfant lui-même. L'art. 348 prévoit un autre fait de la même nature:

« ART. 348. Ceux qui auront porté à un hospice un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis, qui leur aurait été confié afin qu'ils en prissent soin ou pour toute autre

cause, seront punis d'un emprisonnement de six semaines à six mois et d'une amende de 16 à 50 fr. Toutefois, aucune peine ne sera prononcée, s'ils n'étaient pas tenus ou ne s'étaient pas obligés de pourvoir gratuitement à la nourriture et à l'entretien de l'enfant, et si personne n'y avait pourvu. »

Cet article est clairement rédigé et ne demande aucun commentaire. L'abus qu'il prévoit est moins grave que celui qui fait l'objet du deuxième paragraphe de l'art. 345, puisque les traces de l'enfant ne sont pas perdues. Il y a lieu de remarquer toutefois que c'est uniquement l'engagement pris par les personnes dépositaires de l'enfant qui constitue le délit.

394. Les art. 349 et suivants s'occupent spécialement d'un fait qui tend à compromettre l'existence de l'enfant, l'exposition, qui, sans avoir toute la gravité de l'infanticide, participe de son caractère moral et produit souvent les mêmes effets. L'incrimination de la loi ne s'applique qu'aux enfants au-dessous de l'âge de sept ans accomplis: au-dessus de cet âge, l'enfant est réputé pouvoir trouver en lui-même assez de force et de ressources pour se défendre contre les périls qui l'environnent. La loi distingue ensuite, pour marquer les différents degrés de la pénalité, les circonstances qui ont accompagné l'exposition: si elle a eu lieu dans un lieu solitaire ou non solitaire, si elle a été suivie de blessures ou de mort. Le délaissement dans un lieu non solitaire fait l'objet des art. 352 et 353.

« ART. 352. Ceux qui auront exposé ou délaissé en un lieu non solitaire un enfant audessous de l'âge de sept ans accomplis, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 16 à 100 fr. »>

« ART. 353. Le délit prévu par le précédent article sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 25 à 200 fr., s'il a été commis par les tuteurs ou tutrices, instituteurs ou institutrices de l'enfant. >>

Que faut-il entendre par un lieu solitaire? Il faut entendre un lieu où l'enfant ne peut pas, suivant toute présomption, trouver des secours. « Les peines, dit l'exposé des motifs, doivent être plus ou moins fortes, suivant le danger qu'on a fait courir à l'enfant ; et ce danger est plus ou moins grand, suivant que le lieu de l'exposition est ou n'est pas solitaire. Il était impossible que la loi donnât une explication précise à cet égard; elle s'en rapporte aux juges, car le lieu le plus fréquenté peut quelquefois être solitaire, et le lieu le plus solitaire être très-fréquenté. Cela dépend des circonstances. » Ainsi, lorsque l'exposition n'a pas eu lieu dans un endroit solitaire, il y a lieu de présumer que l'agent n'a pas voulu compromettre la vie de l'enfant, qu'il n'a voulu qu'effacer les traces de sa naissance. De là les peines modérées de l'art. 352. Une autre question est de savoir ce qu'il faut entendre par délaissement. Il y a délaissement toutes les fois que l'enfant a été laissé seul et que, par ce fait d'abandon, il y a eu cessation, quoique momentanée, ou interruption des soins et de la surveillance qui lui sont dus. Ainsi ce n'est pas un acte de délaissement que de déposer un enfant dans le tour d'un hospice, lorsqu'il est certain que l'enfant sera recueilli et trouvera les soins qui lui sont nécessaires. Au reste, l'article soumet à un châtiment plus sévère les tuteurs et tutrices, les instituteurs et insti

tutrices. Plus la loi les environne de pouvoirs et de droits sur l'être impuissant et faible qu'elle leur confic, plus elle doit punir en eux un délaissement qui réunit un abus de confiance à la culpabilité qu'ils partagent avec ceux qui ne sont pas liés par des obligations particulières.

Le délit s'aggrave quand l'exposition a été faite dans un lieu solitaire :

« ART. 349. Ceux qui auront délaissé en un lieu solitaire un enfant au-dessous de l'âge de sept ans accomplis, ceux qui auront donné l'ordre de l'exposer ainsi, si cet ordre a été exécuté, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une de 16 à 200 fr. »

« ART. 350. La peine portée au précédent article sera de deux à cinq ans et l'amende de 50 à 400 fr., contre les tuteurs et tutrices, instituteurs ou institutrices de l'enfant exposé ou délaissé par eux ou par leur ordre. »

La seule différence qui sépare ce délit de celui prévu par les art. 352 et 353 est la solitude du lieu de l'exposition. « Cette exposition, dit l'exposé des motifs, est plus criminelle si l'enfant est abandonné dans un lieu solitaire dans le premier cas, les auteurs de cet abandon ont voulu moins ôler la vie à l'enfant délaissé que faire perdre les traces de sa naissance. Mais l'abandon dans un lieu isolé et solitaire dénote l'intention de détruire jusqu'à l'existence de l'être infortuné destiné à perdre la vie par un crime, après l'avoir le plus souvent reçue par une faute. »

Enfin, les conséquences de l'exposition dans un lieu solitaire retombent sur

son auteur:

« ART. 351. Si, par suite de l'exposition et du délaissement prévus par les art. 349 et 350, l'enfant est demeuré mutilé ou estropié, l'action sera considérée comme blessures volontaires à lui faites par la personne qui l'a exposé et délaissé; et si la mort s'en est suivie, l'action sera considérée comme meurtre au premier cas, les coupables subiront la peine applicable aux blessures volontaires; et, au second cas, celle du meurtre. »

Il faut remarquer que cette aggravation n'est motivée que pour la mutilation, les blessures ou la mort. Les souffrances de l'enfant, quelles qu'elles aient pu être, et la maladie qu'il a encourue ne suffiraient pas; il faut un préjudice permanent. On doit remarquer encore que la loi assimile au meurtre le délaissement dans un lieu solitaire suivi de mort, parce qu'elle suppose dans l'agent, sinon la volonté de donner directement la mort, au moins celle d'exposer l'enfant indirectement à une mort presque certaine.

ENLÈVEMENT DE MINEURS.

395. L'enlèvement de mineurs se présente dans notre Code sous deux aspects différents, suivant qu'il est opéré à l'aide de la fraude ou de la violence, ou à l'aide de la séduction. Les art. 354 et 355 s'occupent de la première hypothèse :

« ART. 354. Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine de la réclusion. »

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