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partement, composé, non plus du quart des électeurs les plus imposés, mais bien de tous les électeurs payant au moins 300 fr. d'imposition.

Le président da borean provisoire de chaque collège electoral sera le doyen d'âge. On prendra pour scrutateurs les deux plus âgés et les deux plas jeunes parmi les électeurs présens. Le secrétaire provisoire sera nommé par le président d'âge, et les scrutateurs provisoires de même. Le secrétaire definitif sera nommé par le président et les scrutateurs définitifs. Ces amendemens sont consentis par le ministère,

La discussion ouverte trois jours après fut viye. Il fauts'y arrêter, parce qu'elle offre des révélations curieuses, parce qu'elle commence à caractériser les partis politiques, surtout parce qu'elle annonce et fait prévoir les changemens introduits en 1831 dans le système électoral.

M. Eusèbe Salverte était bien éloigné de trouver, comme la commission, le projet présenté en parfaite harmonie avec la Charte nouvelle, les vœux de la nation et les exigences du moment. Il demandait l'abolition de la condition, toujours exigée, de la possession annale, l'abaissement du cens électoral à 200 francs, et du cens de l'éligibilité à 500 francs. Il lui paraissait indispensable d'élargir,d'étendre autant que possible le droit d'élire et d'être élu, que les dégrèvemens successifs et la division successorale des propriétés avaient beaucoup restreint depuis dix ans.

M. Mauguin, qui avait ensuite la parole, en prit occasion pour attaquer le mandat, l'existence de la Chambre actuelle.

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« Le ministère, dit-il, vous propose d'adopter des mesures qui lui permettraient de conserver la Chambre, Ainsi, conserver la Chan:bre, voila la pensée du ministère, voilà le but du projet, et dès lors la question aujourd'hui est de savoir si la conservation de la Chambre est legale, si elle n'est pas contraire à l'intérêt public Des doutes graves s'elèvent ; quelques esprits pensent que la Chambre peut seule consolider l'ordre de choses qu'elle a crée; d'autres, qu'il lui faut un nouveau mandat pour acquérir la force qu'elle doit prêter au pouvoir, Choisir entre ces deux opinions est difficile; mais c'est précisément parce que la question est grave qu'elle doit être soigneusement discutée, et c'est parce qu'il s'agit de sa propre destinée que la Chambre duit apporter aux debats plus d'attention.

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Tout ce que la Chambre a fait, sans aucun doute elle a en le droit de le faire. Seul pouvoir subsistant au milieu de la perturbation universelle, elle a dù pourvoir au salut de la patrie. Le trône était vacant; uue dynastie parjure avait été violemment expulséc; la Chambre a pu nommer au tròne, en recevoir des sermen, qui pour cette fois ne seront point violés. Elle doit maintenant pouvoir établi la loi de l'impôt nécessaire à son existence, et au pays, un système électoral eu harmonie avec la nouvelle organisation politique.

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• Là, suivant inoi, finissent ses droits, parce que là finissent ses devoirs. Elle devait obeir à la nécessité, et la nécessité est le titre qui a légalisé tous ses actes; mais par là même elle ne saurait aller au-delà. Si elle voulait pousser plus loin sa marche, où puiserait-elle alors le principe de son droit? Serait-cedans les opérations des derniers colléges? Mais quel mandat avions-nous douc recu? N'était-ce pas de concourir avec une Chaubre des pairs maintenant mutilée; avec une Chambre émanée d'un Roi maintenant renversé? Ne devionsnous pas, en un mot, faire partie d'un gouvernement qui formait un tout indivisible, et qui maintenant n'existe plus?

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Et la partie subsistera-t-elle quand le tout est détrait? Non, non, ne no abusons pas; notre mandat est mort avec le gouvernement près duquel il devait s'exercer ; et si la révolution de juillet nous a créés comme ponvoir nécessaire, elle nous a renversés comme pouvoir légal. Voyez donc à quelles bizarres conséquences vous conduirait l'opinion contraire! Vous avez implicitement aboli te double vote, et le projet actnel consacre cette abolition ; vous avez lixé l'éligibilité à trente ans, et la capacité électorale à vingt-cinq: insi vous l'avez déclaré vous-mêmes : point de Chambre qui rende la pensée nationale; point de Chambre qui soit la véritab'e expression du pays, si on y parait produit du double vole, si les électeurs de vingt-cinq ans a'ont pas eté admis dans les colleges, si les collèges n'ont pu choisir parmi les éligibles de trente; et en présence de ces règles dont vons avez proclamé la sagesse, resterez-vous comme ou démenti donné par vous-mêmes an principe réparaLeur que vous avez consacré? Ainsi, daus cette enceinte, sur les mêmes siéges, on verrait assis le député de la loi proscrite et le député du droit nouveau; alusi la Chambre Le serait pas composée d'élémens homogènes ! Vous établirez des priviléges, vous les établirez dans cette enceinte, vous les établirez à votre profit! Les départemens n'auront donc pas tous les mêmes droits; et, tandis que tous les Français sont égaux devant la loi civile, tous les départemens no le seront pas devant la loi politique! Que diriez-vous si l'un d'eux élevait la voix? s'il se plaignait de n'être pas légalement représenté? si, sous ce prétexte, dont la malveillance pourrait s'emparer, il refusait de payer l'impôt?

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L'opinion que je viens de développer, poursuit M. Mauguin, an milien d'interruptions et de rumeurs fréquentes, we parait si vraie, que j'entrevois à peine quelques objections qu'on y peut faire. On craint la fermentation élec-torale: on redoute uue Chambre trop inquiète et trop vive. (De toutes les parties de la salle: Non! non! personne ne le dit. )

Si personne ne le dit, beaucoup le pensent; et je ne vois qu'un moyen de l'éclairer, c'est de tout dire.

* Quoi! vous redouteriez la nation! Vons la redouteriez après cette modération sublime qu'elle vient de montrer! Ne venons-nous pas de la voir, pen. dant plusieurs jours, sans gouvernement et sans chef, modérée après le combat, ou plutôt dans le combat même? Sachez done lire dans ce grand fait; partout regue un esprit d'ordre et de conservation. Et vous voulez que cette nation, si sage an milieu du trouble de la guerre, quand la paix et rétablie, s'emporte et s'égare? Non, non, une telle peusée ne serait-elle pas pour elle une injure?

Mais, dit-on, l'opinion sera trop ardente, le choix trop énergique! Entendons-nous. Qu'eutendez-vous par une opinion trop ardente? Ne serait-co point, par hasard, une opinion qui dépasserait la vôtre? Mais, prenez-y garde, vous devez gouverner selon l'opinion nationale; et si l'opinion nationale va plus loin que vous, c'est vous qui devez changer, car nous ne changerous pas la nation. La patrie vient de recevoir une vie nouvelle. Avec un trône jeune il

fant une Chambre jeune et forte; car, loin d'être ce que nous devons être, la vive et puissaute image du pays, vonlons-nous rester les débris d'un gouver nement que le pays a rejeté? Non, certes, il n'est aucun de vous que l'amour du pouvoir retienne dans cette enceinte. Nous voulons tons la prospérité de la patrie. Eh bien, donc, ne craignons pas d'aller de nouveau nous soumettre à ses suffrages. Si elle nous juge tels qu'elle nous a jugés, nous reviendrons forts de notre conscience et de sa double élection. Que si d'autres uous remplacent, nous nous écrierous comme à Sparte:Heureuse notre patrie, elle a de meilleurs citoyens que nous !»

Ce discours avait laissé l'assemblée dans une vive agitation, et venait de soulever cette fameuse question du mandat qui 'aura du retentissement dans l'avenir. Plusieurs orateurs du centre, de ces 221 dont le patriotisme et l'indépendance étaient naguère si prônés, se récrièrent sur des assertions qui ne tendaient à rien moins que révoquer en doute les droits de la Chambre et la légalité de ses actes.

«Je suis loin, disait M. de Rambuteau, de redouter les craintes chimèriques dont vient de nous entretenir le préopinant. Fort de ma conscience, qui me dit que j'ai rempli honorablement mon mandat, je suis prêt, autant qu'un autre, à reparaître devant les électeurs de mon département. Ce n'est donc point une cause personnelle, que je crois avoir besoin de defendre. Une autre these m'appelle à cette tribune. On nous a dit que le gouvernement ayant été brisé nous n'avions plus de mandat, et devions aller redemander d'autres pouvoirs à cenx qui nous ont envoyés ici. C'est une erreur grave. Si un gouvernement parjure a été renversé, un autre a repris sa place, et cet autre gouvernement existe par la force d'une Charte jurée solennellement. Cette charte a fondé les principes qui nous régissent, et s'il reste encore quelque chose à faire dans l'intérêt du pays, vous tenez d'elle la mission, le droit incontestable de compléter votre œuvre nationale. La Chambre doit douc continuer ses travaux. An Roi lui seul appartiendrait le droit de la dissoudre; et nul ici n'a la puissance ni de provoquer, ni de conseiller cette mesure. Permis à chacun de se juger et et de se conduire en conséquence. Quant à vous, messieurs, qui dejà avez disposé d'un trône; qui avez touché, modifié et grandi la Charte, vous n'auriez plus la mission de vous occuper d'une loi électorale!

«Et vous admettriez une telle conséquence! non, sans doute. A-t-on donc onblié que les honorables membres, composant les 221, siegeut tous on à pru près dans cette enceinte? Et ceux-là ne sont-ils pas réellement les élus de la nation, qui, sur 80,000 électeurs obtinrent les suffrages de 75,000 ? Vous êtes done investis d'un mandat large et suffisant. Déjà, en l'exerçant, vous avez sauvé la France de l'anarchie; avec lui vous auriez le droit de la sauver encore si. elle était en danger; et certes on ne vous dépouillera pas du droit d'achever autant que possible le grand œuvre de notre miraculeuse révolution! Je vote en conséquence pour le projet, »

M. Podenas, sans traiter la question du mandat, se bornait à demander, dans la loi électorale provisoire, des concessions plus

larges à l'opinion populaire, comme de n'imposer à l'éligibilité d'autres conditions que celles de l'âge et de la qualité de citoyen français.

M. Agier adhérait complétement à l'opinion émise par M. de Rambuteau, mais regrettait qu'il eût laissé passer sans réponse deux objections faites par M. Mauguin.

« Je suis persuadé qu'il n'y a en aucune mauvaise intention de la part de l'honorable membre, dit M. Agier; mais, je l'avouerai avec franchise, j'ai trouvé dans son discours quelque chose de pire que des conseils; j'y ai trouvé une accusation contre nous, contre lui-même, et contre tont ce que la Chambre a fait; car il résulte évidemment de son discours que tout ce que la Chambre a fait, elle l'a fait sans avoir mandat de le faire. Mais pour savoir si nous avons agi contre notre mandat, il faut savoir quel était ce mandat, Ce inandat nous a été donné pour maintenir et pour défendre les principes de la Charte constitationnelle. C'est ce que nous avons expressément énoncé dans l'adresse. Nous avons dit que ce maudat avait pour but de défendre les droits e: l'indépendance de la France. Le gouvernement, en violant les principes et en brisant le pacte qu'il était chargé de maintenir, n'a point brisé nos consciences : ainsi donc, en agissant contre l'anarchie et le despotisme, nous n'avons fait qu'accomplir notre mandat.

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• On a dit que quelques esprits craignaient de nouvelles élections, et étaient inquiets de ce que pourrait faire une nouvelle Chambre. Non, messieurs, et vous le savez tous, il n'y a aucune inquiétude en France; des idées d'ordre ont pénétré profondément dans tous les esprits, et il y a unanimité sur ce point: c'est que la paix, c'est que cet ordre soit maintenu. Une seule peusée domine toute la France, c'est la conservation de nos droits et de notre independance, et de ce que la violence, disons-le, nous a donné, nous a fait conquérir une seconde fois, et, il faut l'espérer, une derniere fois. La France sait parfaitement qu'il n'y a que deux moyens de conserver la prudence et l'énergie, et la France ne nous pardonnerait pas plus d'avoir manqué de prudence, qu'elle ne nous aurait pardonué d'avoir manqué d'energie, ■

Il n'est pas sans intérêt de faire observer que M. Berjamin Constant, provoqué par une question incidentelle à prendre la parole, se prononça aussi et en ces termes contre l'opinion de M. Mauguin :

Un de nos collègues a dit que notre mandat était mort; mais s'il croit réellement notre mandat mort, comment ne comprend-il pas que nous ne pouvons pas faire une loi définitive d'elections; et si nous avons un mandat suffisant pour faire une loi definitive, n'avous-nous pas le droit de faire une lui transitoire?

M. Mauguin, forcé de remonter à la tribune pour se défendre d'avoir été mal compris, repoussait le reproche d'avoir mis en

doute la légalité des actes de la Chambre, puisque lui-même il y avait participé.

Il est, dit-il, des droits qui naissent de la loi, d'autres qui naissent de l'empire des circonstances. Vous avez trouvé le trône renversé; la natiou sans gouvernement et sans chef; vous avez relevé le trône; vous l'avez assis sur les libertes publiques; vous avez rendu à la nation le bienfait des luis aussi promptement qu'elle avait reconquis sa liberté. Gloire immortelle à vous! Vos noms seront recueillis par l'histoite, et la France reconnaissaute vous remerciera un jour d'avoir remplacé par un contrat les concessions dont s'offensait sa dignité. Et qui pourrait contester la legalité de vos actes? N'étaient-ils pas à la fois glorieux et nécessaires? Mais j'ai dit, et je répète, que la nécessité qui faisait votre droit limitait vos pouvoirs. Il ne s'agit douc aujourd'hui que de satisfaire à ses dernières conséquences. Donner la loi de l'impôt, et, par une loi transitoire ou définitive, peu importe, fixer le cens de l'électeur ou de l'éligible, rappeler l'âge fixé par la Charte, en un mot organiser le mode électoral, voilà ce qui vous reste à faire. Hors de là, vous n'avez pins de mandag, je crois l'avoir prouvé, et aucun des orateurs auxquels je reponds ue s'est occupé de detruire mes preuves. Oni, vous avez servi la France; mais résignez vos pouvoirs, car elle pourrait vous demander de qui vous les tenez. »

La discussion générale fut terminée par M. Dupin aîné, dont le discours peut être regardé comme la profession de foi du parti qui venait de prendre la direction des affaires.

• On nous accorde, dit l'honorable orateur, on veut bien nons accorder que tout ce que nous avons fait jusqu'à présent n'est pas nul, et que vous aussi, nous avons bien mérité de la patrie. Oni, sans doute; car, il ne faut pas le méconnaître : il est denx ordres, deux natures de services qui ont également concouru au triomphe de la liberté : ceux des hommes qui ont repoussé par la force les agressions du pouvoir déchu, et ceux des hommes qui ont travaillé dans le silence à Petablissement d'un ordre meilleur; on doit aussi des actious de grâces à ces derniers; ils avaient aussi des dangers à courir, leurs têtes étaient proscrites; on n'aurait pas etrouvé les combattans, mais certes le pouvoir vainqueur aurait bien retrouvé les deliberans.

Dans les premiers momens, ne prenant conseil que de la nécessité, nous avons fait tout ce qui pouvait sauver la France; nous avious compté sur sa ratification et elle ne nous a pas manqué; nous avons tous prouvé que gous vonlions de bonne foi conquérir la liberté, cette liberté que nous cherchions depuis quarante ans, et qui nous a toujours échappé, parce que toujours nous avons marché d'excès en excès, passant de la licence à la tyrannie, de la gloire à l'hypocrisie; cette liberté dont nous ne pouvons jouir qu'en nous imposant de certaines gênes pour contenir aussi ceux qui voudraient abuser contre nous d'une liberté sans frein.

◄ Je veux la liberté, mais de la seule manière dont elle pnisse être forte et durable, c'est-à-dire avec des lois qui en garantissent l'exercice, et qui puissent la préserver de ses propres exces. C'est cette liberte que nous avons entendu fonder lor que nous avons rétabli le règne des lois, indiguement violées. Au mensonge nous avous substitué la vérité; nous avons mis un prince fidèle à la place d'une dynastie déloyale et perfide, qui, en violant ses sermens, nous a réciproque

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