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Dévots Mais plus ils se détachent des hommes, plus ils en exigent, et l'on diroit qu'ils ne s'élèvent à Dieu que pour exercer son autorité sur la terre.

CONSCIENCE.

Le meilleur de tous les Casuistes est la Conscience, et ce n'est que quand on marchande avec elle, qu'on a recours aux subtilités du raisonnement.

La Conscience est la voix de l'ame les passions sont la voix du corps. Est-il étonnant que souvent ces deux langages se contredisent, et alors lequel faut-il écouter Trop souvent la raison nous trompe, nous n'avons que trop acquis le droit de la recuser; mais la Conscience ne trompe jamais, elle est le vrai guide de l'homme, elle est à l'ame, ce que l'instinct est au corps; qui la suit, obéit à la nature, et ne craint point de s'égarer.

Conscience! Conscience! Instinct divin; immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme sem

blable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je me sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle, et d'une raison sans principe.

Si la Conscience parle à tous les cœurs ; pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh! c'est qu'elle nous parle la langue de la Nature, que tout nous a fait oublier. La Conscience est timide, elle aime la retraite et la paix, le monde et le bruit l'épouvantent; les préjugés dont on la fait naître sont ses plus cruels ennemis, elle fuit ou se taît devant eux; leur bruyante voix étouffe la sienne, et l'empêche de se faire entendre; le fanatisme ose la contrefaire, et dicter le crime en son nom. Elle se rebute enfin à force d'être conduite; elle ne nous parle plus, elle ne nous répond plus; et après de si longs mépris pour il en coûte autant de la rappeler

elle,

qu'il coûta de la bannir.

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TOUTE

OUTE la moralité de nos actions est dans le jugement que nous en portons nous-mêmes. S'il est vrai que le bien soit bien, il doit l'être au fond de nos cœurs comme dans nos œuvres ; et le premier prix de la justice est de sentir qu'on la pratique. Si la bonté morale est conforme à notre nature, l'homme ne sauroit être sain d'esprit ni bien constitué, qu'autant qu'il est bon. Si elle ne l'est pas, et que l'homme soit méchant naturellement, il ne peut cesser de l'être sans se corrompre, et la bonté n'est en lui qu'un vice contre nature. Fait pour nuire à ses semblables, comme le loup pour égorger sa proie, un homme humain seroit un animal aussi dépravé qu'un loup pi toyable, et la vertu seule nous laisseroit des remords.

Rentrons en nous-mêmes : exami.

à

nons, tout intérêt personnel à part, qui nos penchans nous portent. Quel spectacle nous flatte le plus, celui des tourmens ou du bonheur d'autrui ? Qu'est-ce qui nous est le plus doux à

faire, et nous laisse une impression plus agréable après l'avoir fait, d'un acte de bienfaisance ou d'un acte de méchanceté? Pour qui vous intéressez-vous sur vos Théâtres? Est-ce aux forfaits que vous prenez plaisir ? Est-ce à leurs auteurs punis que vous donnez des larmes ! Tout nous est indifférent, disent-ils, hors notre intérêt; et tout au contraire, les douceurs de l'amitié, de l'humanité nous consolent dans nos peines, et même dans nos plaisirs; nous serions trop seuls, trop misérables, si nous n'avions avec qui les partager. S'il n'y a rien de moral dans le cœur de l'homme, d'où lui viennent donc ces transports d'admiration pour les grandes ames ? Cet enthousiasme de la vertu, quel rapport a-t-il avec notre intérêt privé ? Pourquoi voudrois-je être Caton qui déchire ses entrailles, plutôt que César triomphant ! Otez de nos cœurs cet amour du beau vous ôtez tout le charme de la vie. Celui dont les viles passions ont étouffé dans son ame étroite ces sentimens délicieux; celui qui, à force de se concentrer audedans de lui, vient à bout de n'aimer

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que lui-même n'a plus de transport, son cœur glacé ne palpite plus de joie,

un doux attendrissement n'humecte jamais ses yeux ; il ne jouit pas de rien; le malheureux ne sent point, ne vit plus ; il est déjà mort.

Jetez les yeux sur toutes les Nations du monde, parcourez toutes les Histoires parmi tant de cultes inhumains et bizarres, parmi cette prodigieuse diversité de mœurs et de caractères, vous trouverez par-tout les mêmes idées de justice et d'honnêteté, par-tout les mêmes notions du bien et du mal. L'ancien Paganisme enfanta des Dieux abominables qu'on eût punis ici-bas comme des scélérats, et qui n'offroient pour tableau du bonheur suprême, que des forfaits à commettre, et des passions à contenter. Mais le vice, armé d'une autorité sacrée, descendoit en vain du séjour éternel, l'instinct moral le repoussoit du cœur des humains. En célébrant les débauches de Jupiter, on admiroit la continence de Xénocrate; la chaste Lucrèce adoroit l'impudique Vénus; l'intrépide Romain sacrifioit à la Peur, il invoquoit le Dieu qui mutila son Père, et mouroit sans murmure de la main du sien: les plus méprisables Divinités furent servies par les plus grands hommes, La sainte voix de

la

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