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rois, dans leurs diplomes, les nomment toujours en premier ordre; ils leur donnent même le titre de seigneurs et de très-grands. Les lois de la nation, en exigeant la plus forte compensation pour le meurtre des prélats, marquent par-là qu'elle les regarde comme les principales personnes de l'Etat. On ne parle d'aucune assemblée convoquée par nos monarques, où les évêques ne se trouvent, et où ils n'aient place avant tous les seigneurs. Nos souverains les prennent pour arbitres dans leurs démêlés, et s'en tiennent à leur décision. S'élève-t-il quelques troubles dans la famille royale, ils y rétablissent la paix. Par considération pour eux, nos rois accordent grâce aux criminels qui se retirent dans leur église, ou même dans son parvis. Et qu'on ne croye pas que ces titres n'aient été que de simples titres, que cette considération n'ait été que de bienséance, que l'honneur du premier ordre accordé aux évêques n'ait été qu'une vaine prééminence qui ne leur donnait aucune autorité dans l'Etat. Leur pouvoir, leurs domaines, leurs richesses répondaient au rang distingué qu'ils y occupaient. Tenant la première place dans les assemblées de la nation, quelle influence n'avaient-ils pas dans les résolutions qu'on y prenait? Nos rois, dans leur absence, les rendent dépositaires de leur autorité, pour faire réformer les sentences injustes rendues par les comtes. Ils leur font part de la législation; s'ils tiennent les plaids pour rendre justice à leurs sujets, les évêques jugent conjointement avec eux, et l'on place leur nom à la tête de l'arrêt, immédiatement après celui du prince. Nos monarques se les associent pour décider les plus importantes affaires de l'Etat. Partagent-ils leur trône avec leurs fils, c'est de l'avis et du consentement des évêques. Nomment-ils aux évêchés vacans, c'est après avoir mûrement délibéré avec les évêques sur le choix des sujets. Accordent-ils des priviléges, ils veulent qu'ils soient signés par les évêques. Aliènent-ils quelques-uns de leurs domaines pour fonder des monastères, ils demandent l'avis et le consentement des évêques. Est-il question d'élire un maire du palais? cet officier, que la négligence des rois faisait maître de l'Etat, était choisi par les évêques et les seigneurs. Il n'est point de droit régalien au-dessous de la haute souveraineté, dont nous ne voyons jouir les évêques. Seigneurs de leur ville épiscopale, ils en permettent ou refusent l'entrée à leur volonté, ils en relèvent les murs, ils en augmentent les fortifications, ils y ont toute justice, ils la rendent par eux-mêmes ou par des comtes et des vidames qu'ils nomment à cet effet, ils possèdent des principautés, ils lèvent des troupes, ils battent monnaie. Leurs terres et leurs possessions sont immenses, leurs vassaux et leurs serfs sans nombre. Quelque pompeux que soit ce tableau, il est fidèle; je vais en justifier tous les traits.

Clotaire Ier, dans une constitution qu'il publia vers l'an 560, donne aux évêques, dans son absence, le pouvoir de corriger le juge qui aura rendu une sentence injuste, et de l'obliger ainsi à la réformer: Si judex aliquem contra legem injustè damnaverit in nostri absentiâ, ab episcopis castigetur, ut quod perpere judicavit, versatim meliùs discussione habitd, emendare procuret (1).

A la tête de la loi des Allemands, on lit qu'elle a été rédigée du temps de Clotaire, par ce roi avec ses princes, c'est-à-dire trente évêques, trente-quatre ducs, soixante et dix comtes et le reste du peuple : Lex Alamannorum quæ temporibus Hlodarii regis cum principibus suis, id sunt xxx episcopis, et XXXIII ducibus, et Lxx comitibus, vel cætero populo constituta est (2).

Le moine Marculfe vivait sous le règne de Clovis II. Il fit un recueil des formules de tous les actes alors usités. On y voit celle du préambule des arrêts rendus par le roi. Il y est dit : « Nous (c'est le roi « qui parle) étant assemblés au nom de Dieu dans « notre palais, pour terminer par une juste sentence << les différends de tous avec nos pères les seigneurs « évêques, plusieurs grands, tels pères, tels référen« daires, tels domestiques, tels sénéchaux, tels offi<< ciers de notre chambre, tels comtes du palais. » Nos in Dei nomine, ibi in palatio nostro, ad universorum causas recto judicio terminandas, unà cum deminis et patribus nostris episcopis, vel cum pluribus optimatibus nostris illis, patribus illis, referendariis illis, domesticis illis, vel seniscalcis illis,

(1) Rec. des hist. des Gaules et de France, t. 4, p. 116. (2) Alamannicarum antiquitatum t. 2, p. 11.

cubiculariis, et illo comite palatii, vel reliquis quàm pluribus nostris fidelibus resederimus (1).

Clotaire III juge, avec les évêques et les seigneurs, une cause qui intéressait l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon (2).

Clotaire III, à la tête d'un arrêt par lequel il adjugea la terre de Noisy au monastère de Saint-Denis, s'exprime ainsi : « Clovis, roi des Français, homme << illustre. Comme nous étions au nom de Dieu, à Lu<< sarche dans notre palais, avec les hommes aposto<< liques nos pères en Jésus-Christ, Sigofride, Cons« tantin, Gribon, Ursinien, évêques; et les hommes << illustres, Ragnoald, Nordebercth, Ermenfrid, grands; << Madelulfe, Erconald, gravions; Benoît et Char« doin, sénéchaux; et Marson, comte de notre pa« lais, pour entendre les différends de tous, et les << terminer par un jugement équitable (3). »

Ce prince, à la tête d'un autre arrêt qu'il rendit à

(1) Marculf., 1. 1, с. 25.

(2) Rec. des hist. des Gaules et de France, t. 4, p. 648. (3) Chlodovius, rex Francorum, vir inluster. Cùm nos in Dei nomine Lusarca in palatio nostro, unà cum apostolicis viris in Christo patribus nostris, Sigofrido, Constantino, Gribone et Ursiniano, episcopis; nec non et inlustribus viris, Ragnoaldo, Nordeberctho, Ermenfrido, optematis (sic); Madelulfo, Erconaldo gravionebus; nec non et Benedicto et Chardoino, seniscalcis; seu Marsone comite palatii nostro, ad universorum causas audiendum, vel recto judicio terminandum resederimus.

Valenciennes l'année suivante, s'explique de la même manière (1).

Childebert III termina une contestation au sujet de la terre de Noisy, par un arrêt qu'il rendit avec les évêques, le maire du palais, les grands, les comtes, les sénéchaux, et tous ses vassaux assemblés avec lui à Compiègne, pour écouter les différends de tous ses sujets, et les terminer par un jugement équitable (2).

(1) Chlodovius, rex Francorum, vir inluster. Cùm nos in Dei nomine Valencianis in palatio nostro unà cum apostolicis viris in Christo patribus nostris, Ansoaldo, Godino, Anseberctho, Protadio, Savarico, Vulfecrhramno, Chaduino, Furnoaldo, Constantino, Abbone, Sterano, Gribone, episcopis; seu et illustribus viris Godino, Nodoberctho, Sarroardo, Ragnoaldo, Gunduino, Blidegario, Magnecario, Waldramno, Ermentario, Chagnerico, Burcelino, Sigoleno, optematis; Angliberctho, Ogmirectherio, Chillone, Andreberctho, Adalrico, Ghislemaro, Jonathan, Modeghisleno, comitibus; Chrodmundo, Godino, Sigofrido, Ghiboino, Ermenteo, Madlulfo, Arigio, Auriliano, grafionibus; Raganfredo, Morilione, Ermenrico, Leudoberctho, domesticis; Vulfolaico, Aiglo, Crodeberctho, Waldramno, referendariis; Chugoberctho, Landrico, seniscalcis; nec non et inlustri viro Audramno, comite palatii nostro, vel reliquis quàm plurimis nostris Fidelibus, ad universorum causas audiendas, vel recta judicia terminanda resederemus. (Ibid.)

(2) Childebercthus, rex Francorum, vir inluster. Cùm nos in Dei nomine compendio in palatio nostro unà cum apostolicis viris in Christo patribus nostris, Ansoaldo, Savarico, Furnocoaldo, Ebarico, Grimone, Constantino, Ursiniaco, episcopis; nec non et inlustri viro Pippino Majorimdomus (sic) nostro, Agnerico, Antenero, Magnechario, Grimvaldo, optematis; Ermentheo, Adalrico, I. 10o LIV.

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