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Parmi ceux-là il en est un surtout, dont le nom ne frappe jamais ma pensée, sans éveiller en moi les sentimens les plus vifs de vénération, d'attachement et de reconnoissance. Ni l'éléva

tion connue de son caractère, ni ses vertus publiques et privées n'ont pas empêché le souffle de l'envie de tenter de s'attacher à lui, à cause de moi. Je dois donc par un exposé fidèle des faits, donner à connoître si j'étois digne de l'amitié qu'il m'a accordée, et de la confiance dont le gouvernement Britannique m'a honoré..

Une famille respectable, plusieurs maisons illustres, à qui je tiens par les liens du sang; une fille unique, encore en bas âge, qu'une mort prématurée a privée des soins de sa mère, et à qui la révolution n'a laissé, au lieu des leçons d'un père, que sa réputation, exigent qu'elle soit pure et sans taches. Si j'ai tardé long-temps à remplir l'obligation dont je m'acquitte aujourd'hui, c'est que des raisons d'intérêt public, ou que du moins j'ai jugées telles, s'y sont opposées jusqu'à présent.

Tout ce qui, par sa publicité, auroit pu nuire au succès de projets, bien ou mal conçus, dont

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j'avois le secret, j'ai dû le taire; et ne pouvant plus servir autrement que par mon silence, une cause à laquelle je m'étois dévoué, je lui ai, par ce délai, fait une sacrifice de plus; bien assuré d'ailleurs, que si le repos et la vie même, d'un homme de bien sont quelquefois entre les mains des méchans, son honneur s'élève au-dessus de leurs atteintes; et la honte qu'ils prétendent attacher à leurs diffamations, ne manque presque jamais de retourner à sa source.

D'un autre côté, il eut été difficile de rendre compte de bien des événemens, sans désigner au moins par quelque endroit, les personnes qui y ont eu une part principale; ainsi tant que le système de persécution, qui a désolé la France, a subsisté, c'eut été courir le risque d'exposer ces personnes généreuses à la fureur d'un gouvernement tyrannique, pour prix de leur dévouement à la religion et aux lois de leur pays.

Aujourd'hui que les affaires semblent avoir changé de face; qu'un rayon d'espoir et de paix luit sur ma malheureuse patrie; que les animosités et la défiance paroissent devoir bientôt faire place à la confiance et à la concorde; ce motif n'a

plus

plus la même force, à l'égard de tous; et cet inconvénient étant circonscrit à un plus petit nombre, est plus facile à éviter. Ma santé d'ailleurs épuisée par tant d'épreuves et de travaux, ne me permet pas d'espérer de longs jours; je veux donc profiter du temps qui me reste; et j'aurai assez vécu, si j'apprens que l'Europe jouit d'une paix durable, et si j'emporte avec moi, l'estime de ceux, à l'opinion desquels j'attache quelque prix.

Dans un siècle qui a vu sur sa fin, phis d'événemens extraordinaires que plusieurs des siècles précédens réunis; où toutes les passions mises en fermentation, ont développé tant de talens supérieurs, et produit tant de grandes actions et tant d'hommes célèbres dans tous les partis, et chez toutes les nations; lorsque les plus grands intérêts occupent et agitent exclusivement tous les esprits et tous les cœurs, par leurs rapports immédiats avec les intérêts particuliers; que tous les yeux sont fixés sur ceux-là seulement, qui sont à la tête des affaires; et qu'enfin la vie de plusieurs hommes suffiroit à peine pour parcourir le recueil immense d'écrits de tous les genres, par lesquels

lesquels chacun s'est cru en droit de fixer l'attention publique, sur ses observations; sa politique, ses aventures ou son roman; je n'aurois certainement pas eu la présomption d'en solliciter un regard, si d'autres n'avoient pas pris si souvent, le soin de l'appeler sur moi.

Les journaux, et Dieu seul sait combien, et de combien d'espèces la révolution Françoise en a produits! ceux du parti auquel j'ai été opposés ceux du parti contraire aux personnes qui m'ont accordé quelqu'estime; ceux enfin, dont les rédacteurs indifférens sur le choix de ce qui est adressé à leurs presses vénales, ne savent calculer que le prix du paragraphe ou de la ligne, n'ont pas cessé, tant que j'ai été à la tête d'une armée royaliste, de chercher à égarer l'opinion publique sur mon compte. Les pamphlets, avec et sans nom d'auteur, m'ont pris encore plus particulièrement à tâche. Je n'ai point répondu aux journalistes, j'avois autre chose à faire. Je savois d'ailleurs qu'il étoit parmi ceux de la première classe, des hommes estimables et utiles; je me suis reposé sur le temps, du soin de les éclairer, et sur leur probité de celui d'éclairer les autres

Quant

Quant à ceux qui ont vendu leur plume pour m'injurier dans leurs gazettes, ou me calomnier par quelques pamphlets, ils sont accoutumés au mépris.

Mais il a été imprimé à Londres, il y a quelques années, un ouvrage, dont l'auteur qui est Anglois, paroît vouloir faire un dépôt de matériaux pour l'histoire. J'avoue que j'ai été surpris de trouver dans une pareille collection, la copie, mot à mot, d'une petite brochure, sans nom d'auteur, qui fut publiée sous un titre supposé † immédiatement après l'affaire de Quibéron, par un pauvre François qui paroît, à force de contradictions, s'être tellement efforcé de rendre ses impostures sensibles, qu'il y auroit de la dureté à lui reprocher, ainsi qu'à deux ou trois autres, dans le même cas, le petit bénéfice qu'ils ont retiré de leur travail.

Mais j'attends de la justice de l'auteur Anglois, qu'il voudra bien lire, avec quelque attention, les mémoires que je donne aujourd'hui. Il

en

*The Political State of Europe for the year 1795, vol, *. London, 1796.

Lettre d'un Officier à bord de la Pomonę.

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