Page images
PDF
EPUB

C'est sous ce point de vue que j'envisageai dès lors les circonstances où la France se trouvoit et cette idée devint le sujet ordinaire de toutes mes réflexions: une démarche éclatante de la part du Roi, et les événemens auxquels cette démarche donna lieu, vinrent pour quelques temps en suspendre l'effet.

Le 4 de Février, à l'ouverture de la séance, Bureaux de Pusy, que l'estime générale, et un mérite universellement reconnu, avoient seuls. porté à la présidence, reçut un billet du Roi, par lequel Sa Majesté le chargeoit de prévenir l'assemblée nationale, que son dessein étoit de se rendre au milieu d'elle dans la matinée du même jour, et son désir d'y être reçu sans cérémonie.

Le Roi suivit de près l'envoi de ce billet.

Un hasard heureux ayant fait tomber dans mes mains quelques procès-verbaux, parmi lesquels se trouve celui de la séance du 4 de Février, je ne puis pas me refuser à transcrire ici, dans son entier, le discours que prononça Louis XVI a cette importante occasion. Quelques multipliécs que soient les copies de cette pièce, elles

ne

ne peuvent pas l'être trop: car indépendemment de ce qu'elle est une peinture fidèle de la situation de l'état, des sentimens généreux du Roi, et de la politique de son conseil; elle doit servir à jeter un grand jour sur les motifs qui ont dirigé la conduite de plusieurs; de ceux-là, surtout, qui commencèrent de ce moment à considérer la constitution nouvelle, quelque vicieuse qu'elle fut, comme une chaloupe offerte par le hasard dans le naufrage, et dont la fragilité même, après une courte expérience, serviroit à faire sentir à tous, la nécessité d'une construction plus solide et plus régulière.

Discours prononcé par Louis XVI à l'Assemblée Nationale, le 4 de Février 1790.

"MESSIEURS,

"La gravité des circonstances où se trouve "la France, m'attire au milieu de vous. Le "relâchement progressif de tous les liens de l'or"dre et de la subordination, la suspension ou "l'inactivité de la justice, les mécontentemens qui "naissent des privations particulières, les oppositions, les haines qui sont la suite inévitable

"des

[ocr errors]

"des longues dissentions, la situation critique "des finances, et les incertitudes de la fortune "publique, enfin l'agitation générale des esprits, "tout semble se réunir pour entretenir l'inquié"tude des véritables amis de la prospérité et du "bonheur du royaume.

[ocr errors]

"Un grand but se présente à vos regards, "mais il faut y atteindre, sans accroissement de "troubles, et sans nouvelles convulsions. C'étoit, "je dois le dire, d'une manière plus douce et plus tranquille que j'espérois vous y conduire, lorsque je formai le dessein de vous rassembler, "et de réunir, pour la félicité publique, les lu"mières et les volontés des représentans de la "nation; mais mon bonheur et ma gloire ne "sont pas moins étroitement liés aux succès de

vos travaux. Je les ai garantis par une con"tinuelle vigilance, de l'influence funeste que "pouvoient avoir sur eux, les circonstances mal"heureuses au milieu desquelles vous vous trou"viez placés. Les horreurs de la disette que la "France avoit à redouter l'année dernière, ont "été éloignées par des soins multipliés, et des approvisionnemens immenses. Le désordre

[ocr errors]

" que

[ocr errors]

que l'état ancien des finances, le discrédit, "l'excessive rareté du numéraire, et le dépérissé"ment graduel des revenus devoient naturelle"ment amener; ce désordre au moins, dans " son éclat et dans ses excès, a été jusqu'à pré"sent écarté. J'ai adouci partout, et princi"palement dans la capitale, les dangereuses con

[ocr errors]

séquences du défaut de travail; et nonobstant "l'affoiblissement de tous les moyens d'autorité, "j'ai maintenu le royaume, non pas, il s'en faut "bien, dans le calme que j'eusse désiré, mais "dans un état de tranquillité, suffisant pour re"cevoir le bienfait d'une liberté sage et bien "ordonnée. Enfin, malgré notre situation inté"rieure, généralement connue, et malgré les

[ocr errors]

orages politiques qui agitent d'autres nations,

"j'ai conservé la paix au-dehors, et j'ai entretenu "avec toutes les puissances de l'Europe, les rap

[ocr errors]

ports d'égards et d'amitié qui peuvent rendre ❝cette paix durable.

Après vous avoir ainsi préservés des grandes " contrariétés qui pouvoient si aisément traverser "vos soins et vos travaux, je crois le moment "arrivé, où il importe à l'intérêt de l'état, que

" je

"je m'associe d'une manière encore plus ex"presse et plus manifeste, à l'exécution et à la "réussite de tout ce que vous avez concerté pour "l'avantage de la France. Je ne puis saisir "une plus grande occasion que celle où vous présentez à mon acceptation des décrets des"tinés à établir dans le royaume une organisation "nouvelle, qui doit avoir une influence si im

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

portante et si propice sur le bonheur de mes sujets, et sur la prospérité de cet empire.

"Vous savez, Messieurs, qu'il y a plus de "dix ans, et dans un temps où le vœu de la "nation ne s'étoit pas encore expliqué sur les "assemblées provinciales, j'avois commencé à "substituer ce genre d'administration, à celui

[ocr errors]

qu'une ancienne et longue habitude avoit con"sacré. L'expérience m'ayant fait connoître que "je ne m'étois point trompé, dans l'opinion que "j'avois conçue de l'utilité de ces établissemens, "j'ai cherché à faire jouir du même bienfait "toutes les provinces de mon royaume; et pour "assurer aux nouvelles administrations la con"fiance générale, j'ai voulu que les membres "'dont elles devoient être composées, fussent

"librement

« PreviousContinue »