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défaut d'occasions seul, en avoit préservés ; ou chez les autres, la suite de cette illusion qu'éprouve un esprit simple, partagé entre les prestiges des erreurs et les murmures de la vérité, situation trop ordinaire à la foiblesse humaine, et qu'une conscience, qui cherche à se rassurer, se décide facilement à prendre pour de la conviction; il n'est pas moins vrai de dire que, dépouillés de leurs opinions personnelles, de leurs principes et de leurs sentimens primitifs, sur qui seuls s'étoit reposée la confiance de leurs commettans; ils cessèrent, par le fait, d'être leurs députés, pour devenir les valets du monstre qu'ils ont contribué à produire, et à déchaîner contre leur patrie et contre eux-mêmes. D'autres auront un jour le courage d'écrire l'histoire des Jacobins*, j'en ai dit tout ce qui pouvoit être nécessaire à mon sujet.

* Je serai forcé de me servir de ce mot de Jacobins pour désigner les factieux, à qui, quelques différens d'opinions et de principes qu'ils ayent été, on a successivement appliqué cette dénomination, sans trop savoir pourquoi: car j'entends encore répéter tous les jours, et partout: les Jacobins font ceci, font cela; les Jacobins ont tel ou tel projet; les Jacobins sont comprimés aujourd'hui, mais ils veillent, et n'attendent que

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Il est de la justice de dire que les hommes plus honnêtes et plus clairvoyans, qui avoient fait

le moment de se remontrer, etc.! Je voudrois qu'on s'accordât pour définir ce qu'on entend par Jacobins. Eh! pourquoi toujours des mots qui fixent l'attention sur les personnes, et qui la détournent de la chose? On paroît croire bonnement, que les Jacobins sont une secte particulière à ce siècle, des êtres étrangers, jusqu'ici, à l'espèce humaine, et des monstres inconnus aux âges précédens. Que l'on ouvre l'histoire, on trouvera des Jacobins partout. Un Jacobin est un homme qui n'a rien, ou trop peu, selon lui; qui veut avoir, ou qui veut avoir plus, et à qui tous les moyens sont indifférens. Ici vous les verrez couverts du manteau de la religion, et ce sont les plus adroits: là de celui du patriotisme, et ce sont les plus audacieux. De nos jours, ils ont renversé cette religion, dont l'abus en avoit servi d'autres; et s'ils ont été les plus atroces, ils se sont aussi montrés les plus stupides, parce que celui qui veut acquérir et certainement conserver, est un sot s'il s'efforce de détruire les institutions, sur lesquelles seules pourront reposer solidement la fortune ou l'autorité qu'il convoite, lorsqu'il les aura acquises. Aussi, à peine en sont-ils en possession qu'ils deviennent d'autres hommes; car si un Jacobin est celui qui n'a rien, ou pas assez à son gré, cette dénomination cesse de convenir à celui qui a obtenu ce qu'il croyoit lui manquer. Voilà pourquoi nous avons vu tant de générations de Jacobins, se précipiter comme les flots de la mer, lorsque chassés les uns par les autres, ils viennent se briser contre les rochers et s'y résoudre en écume. Les Jacobins sont donc de tous les temps, et de tous les lieux. Dans un état où les liens sociaux cesseront d'avoir la force nécessaire pour maintenir l'ordre

établi, ils y pulluleront comme les vers sur un cadavre; dans

partie de cette association, dans son principe, s'en sont retirés quand ils se sont aperçu qu'il falloit être au-dessous de l'espèce humaine pour la suivre dans ses excès, et au-dessus d'elle pour les contenir.

Quelques-uns d'entre eux essayèrent de former un club rival, à qui on donna le nom de Feuillans; dénomination qu'ils reçurent aussi du local où ils s'assemblèrent; mais cette mesure étoit une de celles qui ne réussissent qu'une fois.

Quand vous avez brisé le premier anneau de la chaîne sociale, que la rouille vénérable des

temps

un état fort de la vigueur de ses institutions, ils n'oseront pas se montrer ; ici ils domineront et commanderont à la foule; là ils voleront sur les grandes routes, ou fouilleront dans les poches; traités avec respect, ou pendus, suivant les circonstances; ce seront ces circonstances seules qui décideront de leur sort, ou même de leur réputation. Auguste vaincu n'eut été qu'un Jacobin; vainqueur, il devint les délicés de Rome; et les Jacobins de ce temps, fatigués de veiller, sous un gouvernement dont la modération fit la force, prirent le sage parti de s'endormir tout-à-fait.

Un gouvernement qui ne sait pas se garantir des Jacobins, est un malade qui ne peut pas préserver ses plaies de la gangrene. Il faut qu'il succombe, non par les ravages des insectes qui ne s'attachent qu'aux chairs mortes, mais par le défaut de chaleur nécessaire pour prévenir la corruption qui les produit.

temps rendoit pour ainsi dire imperceptible aux yeux de tous, il est insensé de vouloir river le second sur vos têtes, et de prétendre le mettre à l'abri des atteintes de ceux qui vous ont aidé, ou qui vous ont vu faire. Il se formera sans doute une chaîne nouvelle; mais tremblez et craignez les effets de la refonte !

Quoique, par une clause générale insérée dans mes instructions, j'eusse pu considérer, comme illimités, les pouvoirs que je tenois de la noblesse du Perche, j'avois cru néanmoins devoir la consulter sur la conduite que j'avois à tenir. La réponse que je reçus fut une approbation de ce que j'avois fait, et l'extension de pouvoirs nécessaires, dans le cas où je ne jugerois pas les premiers suffisans. Cet acte est du 3 Juillet

1789.

La cour avoit cédé trop tard au seul conseil utile qui lui étoit donné depuis long-temps, celui de faire usage de la force; mais cette mesure devint, par son insuffisance, et par ses délais, plus propre à accélérer sa perte qu'à la prévenir. Quelques bataillons, à qui on donna le nom d'armée, furent rassemblés aux environs de Paris

et

et de Versailles; et le commandement de cette troupe, dont on a beaucoup exagéré le nombre, fut confié au Maréchal de Broglie, vieillard vénérable à qui, sur la fin d'une longue et glorieuse vie, la politique comme la nature devoit prescrire un honorable repos. Des ordres avoient été donnés pour renforcer cette armée, et pour la grossir successivement; mais la lenteur et les précautions timides dans l'exécution, suites nécessaires de la foiblesse et de l'indécision dans les conseils, avoient anéanti d'avance, l'effet qu'on auroit pu se promettre. Il n'y eut donc assez de troupes, qu'autant qu'il en falloit pour donner aux meneurs de l'assemblée, un prétexte spécieux de s'élever contre ce rassemblement, et pas assez pour leur ôter l'envie de le faire. La discussion sur cet objet ne fut prolongée, durant plusieurs jours, que pour faire naître, dans les cœurs irrésolus, le courage désespéré de la crainte. On demanda au Roi le renvoi de ses troupes: il avoit cédé une fois, il fallut céder toujours; et tout cet appareil se réduisit à faciliter de nouvelles entreprises, et à préparer à la cour de nouvelles humiliations.

La

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