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qu'au sentiment de son intérêt, jusqu'à l'instinct de sa propre conservation; ou qui, dans la fureur de ses accès, le porte à se déchirer de ses propres mains! Docile seulement aux directions de ceux qui s'efforcent de l'exaspérer et d'aggraver ses souffrances, il ne reconnoît la voix des hommes, dont il a éprouvé la sagesse de leurs conseils et l'utilité de leurs services, que pour les sacrifier à sa rage. Immolant bientôt à leur tour, ses imprudens ou perfides conseillers, pour en suivre de plus furieux; il se crée chaque jour de nouvelles idôles qu'il mettra en pièces le lendemain ; et ne cesse de se rouler dans le sang et dans le crime, que lorsque l'ardeur du mal, et ses propres forces épuisées par une succession de crises plus ou moins violentes, le laissent enfin à la disposition de celui, qui entreprendra d'achever sa guérison, ou de lui donner des fers.

Mais ce n'est pas seulement la classe inférieure du peuple, qui éprouve les terribles effets de cette contagion. Elle agit avec non moins d'activité sur un grand nombre de ceux pour qui l'éducation, l'instruction, un rang distingué dans la société, et tous les avantages du hasard et de

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la fortune, sembleroient devoir être d'infaillibles préservatifs. Elle porte aux actions non-seulement les plus barbares, mais les plus extrava. gantes, des hommes qui, quelques jours aupara vant, jouissoient de tout le calme de la raison. Sans entrer dans le détail des atrocités dont l'histoire ne s'occupera que trop, combien d'hommes en France, qui n'auroient pas voulu croire à ce qu'elle nous dit du cheval de Caligula, désigné consul, et qu'on a vus prosternés aux pieds d'une prostituée, placée toute nue sur les autels de la Divinité, et lui rendre un culte public! Quel nom donner à ce renversement de toutes les idées de tous les principes, sur lesquels peut reposer la portion de bonheur qu'il est permis à l'homme d'espérer sur la terre? Si l'on ne convient pas, que c'est une maladie dont le germe est inhérent au corps politique, et qui, à quelque période marquée de sa durée, se développant sous des symptômes, peut-être différens, prépare et précipite l'instant de sa dissolution !*

Plus

* On remarquera peut-être que la révolution Françoise est loin d'avoir produit un tel effet sur la France. Dieu veuille

Plus on médite avec attention les traditions anciennes et modernes; plus on est convaincu que les hommes ont été et seront toujours les mêmes. Ce sont toujours les mêmes passions, les mêmes foiblesses, la même ignorance et la même présomption; et si l'histoire du cœur humain offre quelques variétés dans les moyens, ce ne sont que de légères circonstances qui, mises de côté, ne laissent apercevoir aucune différence sensible dans les causes, ni dans les résultats.

J'avoue que cette façon de voir ôteroit beaucoup de l'importance que l'homme s'attribue dans la direction des événemens, et laisseroit moins de prétextes à ceux qui ne peuvent envisager les choses qu'en y attachant la figure ou le nom de tel ou tel individu, à qui ils se hâtent d'en attribuer tout le mérite, ou d'en imputer toute la faute: mais n'est-ce pas assez pour les forces de l'huma

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veuille que je me sois trompé! Ce vœu sera jusqu'à mon dernier soupir le plus cher à mon cœur: mais malheureusement, il n'y a que le temps qui puisse répondre à cette objection, dans le sens général dans lequel elle peut être proposée. Dans celui dans lequel j'ai parlé, il est manifeste que jamais corps politique n'a éprouvé une dissolution plus complète que la monarchie Françoise.

Tome I.

nité,

nité, que de lui abandonner les détails, et le mérite ou le démérite des actions subordonnées ? Il est loin de ma pensée de chercher à affoiblir l'horreur dû crime, encore moins le respect qui est dû à la vertu; mais parce que je connois la loi et le tribunal qui condamnent mon semblable à la mort, en éprouvai-je pour cela, moins de répugnance pour le bourreau qui le torture, etmoins de vénération pour le ministre qui le conole?

Si vous descendez à l'examen des causes morales, subalternes et immédiates, qui troublent la tranquillité d'un état, il s'en présente une de qui, selon moi, dérivent toutes les autres. Cette cause est la foiblesse des

gouvernemens.

Un bon gouvernement peut, en quelque façon, être considéré comme une digue que les hommes réunis en société sont convenus d'opposer aux efforts déréglés de leurs passions réciproques, de manière à n'être privés d'aucuns des avantages de leurs mouvemens bien ordonnés, Cette digue, n'importe quelles soient sa construction ou sa forme, doit avoir une force toujours égale: autrement, soit qu'elle cède, ou soit qu'elle

comprime

comprime outre mesure, devenue incapable de résistance, elle sera entraînée par le torrent. Or en matière de gouvernement, comme en beaucoup d'autres, tout ce qui est moins ou plus que force, est foiblesse.

C'est cette foiblesse, compagne de l'ignorance et de la présomption, qui met l'entêtement à la place du caractère, l'orgueil à la place de la dignité, les intrigues à la place des talens; qui prend l'incrédulité pour du génie, le fanatisme pour de la religion, les basseses pour du zèle, la violence pour de la fermeté, la jactance pour du

courage, les

sages

des manques

conseils de pour respect, le relâchement de l'autorité pour de la modération, le pardon des crimes publics pour de la clémence, ou enfin l'oppression et la violation de tous les droits pour la science de gouverner.

C'est elle qui laissant se détendre dans ses mains débiles, les ressorts du gouvernement, fournit les mécontens de prétextes, et les factieux d'audace; et soit qu'elle oppose une tardive et timide résistance, ou qu'elle se laisse aller à leurs cris, elle ne fait que multiplier leurs forces, étendre

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