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pour le présent, et solide pour l'avenir, c'est une leçon utile qu'il appartient à l'histoire de recueillir et de transmettre.

Les détails d'une guerre de tous les jours, de toutes les heures, de tous les momens, n'offriroient au lecteur qu'un tableau monotone, et qu'une suite fatigante de répétitions: je me bornerai donc à des échantillons et à des masses. Mais lorsque l'on considérera que ce combat obstiné a duré pendant six années entières, et cela contre des généraux et des troupes, dont personne ne conteste les talens militaires, le courage et l'activité; on se formera facilement une idée de ce qu'auroit pu exécuter le parti royaliste, s'il n'avoit pas été trop souvent, je ne dirai pas seulement dépourvu de moyens, qu'il n'étoit pas en mon pouvoir de créer ou d'obtenir, mais encore privé de la faculté d'user de ceux qui lui étoient propres.

Quant à moi, quelque soit le jugement que les hommes impartiaux porteront sur mes opinions et sur ma conduite, j'ai la parfaite confiance, qu'ils rendront justice à mes intentions Durant les terribles convulsions qui ont tourmen

té ma patrie, je n'ai pas désespéré de son salut. J'ai résisté au fort de l'orage, et ses coups les plus violens ont grondé sur ma tête: je n'ai pas cédé mais la voix de la raison, celle de l'humanité m'ont arraché du lieu d'une scène, où il ne s'offroit plus à mes tristes réflexions, de compensations possibles pour le prix du sang dont elle étoit inondée. Tout celui qui auroit été versé depuis cet instant, auroit rejailli sur moi! Je m'en suis lavé les mains; et dans ces trop fréquentes alternatives de paix et de guerre, de conciliation et de mauvaise foi, de fraternité et d'égorgemens, je n'ai point à me reprocher d'avoir jamais composé avec les bourreaux de l'humanité, ni de m'être soumis aux tyrans de mon pays.

Enfin on remarquera aussi dans le cours de cet ouvrage, que, par un principe profondément gravé dans mon esprit et dans mon cœur, je donne aux hommes une beaucoup moindre part dans les événemens, que celle que l'orgueil ou la haine leur attribuent d'ordinaire; que je suis pénétré de la consolante idée que celui qui a créé cet univers, n'en a pas abandonné le soin au hasard, ni aux caprices, aux foiblesses, aux pas sions

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sions des hommes; qu'il dispose à son gré des empires, renverse ou relève les trônes, récompense ou punit, dès ce monde, où les méchans sont les bourreaux des méchans, et où l'homme juste, au sein des persécutions, des tourmens, et de la mort même, trouve dans le calme de son âme, des consolations, une force, et un courage que Dieu seul peut lui donner.

MÉMOIRES

MÉMOIRES

DU

COMTE JOSEPH DE PUISAYE.

LIVRE PREMIER.

En réfléchissant sur ce que l'histoire n'a pu qu'imparfaitement nous transmettre des temps reculés ; et en comparant l'état des empires qui ont successivement occupé quelques parties de ce globe, avec la situation actuelle des pays qui en ont été le siége; en considérant cette circulation lente, mais régulière, de la barbarie et de la civilisation, des talens et de l'industrie, des sciences et des arts, du pouvoir et du luxe, de la corruption et de la destruction; il est difficile de se refuser à penser que le monde politique et moral se gouverne par des lois aussi précises que le monde

monde physique; que les grandes révolutions des sociétés, semblables à ces astres qui ne se montrent sur l'horizon qu'après un intervalle de plusieurs siècles, ont aussi leurs périodes fixes et leur retour déterminé ; et que c'est le concours de ces lois physiques et morales, qui en élevant au milieu des déserts, de nouveaux empires et des cités florissantes; ne laisse errer sur les emplacemens de ceux que le temps a détruits, que les tristes générations de quelques malheureux, échappés de leurs ruines.

A quelle volonté, à quelle force humaine, en effet, pourroit-on attribuer, sans témérité, ces phénomènes moraux, ces prodiges de frénésie, dont tant de peuples ont donné des exemples, et qui ont éclaté si récemment parmi nous ? Comment expliquer ces irruptions, si j'ose m'exprimer ainsi, de principes subversifs de tout ordre, de toute paix, de tout bonheur public ou individuel; cette crédulité, ce délire qui s'emparent subitement d'un peuple immense; cet acharnement qui ferme son esprit à la voix de la raison, son cœur aux cris de la nature; cette fièvre qui, en engourdissant ses sens, lui ôte jus

qu'au

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