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en a pris l'engagement, en livrant à la prévention du public, un homme qu'il ne connoît pas, sur la foi d'un misérable qui n'ose pas même se nommer; et quand il les aura lus, j'ai la confiance que je ne dois pas lui en demander davantage.

Un personnage * plus connu, et célèbre par ses talens, dans un écrit aussi imprimé à Londres, vers le même temps, s'est livré à quelques réflexions sévères sur les royalistes François et sur les auteurs de cette malheureuse expédition; les débats du Parlement d'Angleterre ont prouvé qu'il n'étoit pas le seul membre de ce corps, qui eût partagé l'erreur répandue alors par mes ennemis; et le poids de leur opinion a certainement contribué à l'accréditer.

Le cas que je fais de cette opinion, et mon

estime

pour un gouvernement, par les efforts constans duquel, il m'est démontré que l'Europe a du moins vu reculer sa ruine; et que la France, elle-même, a échappé à une destruction totale, qui ne pouvoit pas manquer de s'étendre à ses voisins, à une époque où son feu révolutionnaire

étoit

* Mr. Erskine.

étoit encore loin de s'être absorbé par sa propre action, et où ses moyens intérieurs de salut n'avoient pas été mûris par le temps, seroient seuls, une justification suffisante de la publicité que je donne à cet ouvrage.

C'est un de ces faux axiomes trop généralement répétés sur parole, que l'on ne doit point publier les mémoires de son temps; qu'écrire l'histoire de son siècle, c'est disséquer les vivans, et donner de nouveaux alimens aux haines et aux animosités.

Je conviens que je suis loin d'adopter cette opinion. Plût au ciel que tous ceux qui écrivent, s'accordassent pour disséquer les fripons et pour rendre justice aux honnêtes gens! Ce sont ceux-là qui se nourrissent d'animosités et de haines. Cet aliment convient à leur constitution: mais l'honnête homme cherche la vérité; et où trouver, comment trouver la vérité, si vous attendez que les preuves soient anéanties, que les témoins aient cessé d'exister? Si elle n'est pas publiée au milieu de ces témoins, qui ont vu, entendu, pris part aux faits; et dont l'assentiment ou la dénégation peuvent seuls, mettre la postérité en état de proTome I.

B

noncer

noncer sur le plus ou le moins d'exactitude des relations, lorsqu'elles auront été soumises à la discussion des contemporains?

Bien des gens, pour se soustraire à un jugement qu'ils redoutent, affectent de dédaigner la censure de leur temps, et en appellent à la postérité. Il est assurément fort commode pour certaines personnes de s'en remettre au jugement d'un tribunal, devant lequel elles sont assurées de ne jamais comparoître. Pour moi, j'estime mon siècle; s'il a produit de grands crimes, il a fait éclater aussi de grandes vertus: et si par hasard, mon nom, à la suite des événemens auxquels j'ai pris quelque part, parvient jusqu'à nos descendans, c'est avec la bonne opinion de mes contemporains que je désire qu'il y parvienne. Je compte, assurément pour peu pour peu de chose, le jugement de la postérité, si elle ne prononce que sur les feuilles informes de quelque écrivain de parti, ou sur la foi d'historiens postérieurs, comme nous sommes réduits à le faire, à l'égard de la plupart des hommes et des faits des histoires anciennes.

Dans les révolutions, comme celle qui vient d'agiter l'Europe, il est un temps, sans doute, au

quel

quèl la vérité est couverté d'un nuage épais. Alors l'esprit de parti suppose tout, exagère tout, défigure tout. Ce moment n'est pas celui qu'un homme de sens choisira pour faire entendre så voix,

de

Voilà pourquoi ceux qui, dans les temps troubles; règlent leurs discours et leurs actions sur les opinions du moment, et se laissent intimider par la crainte du blâme présent, ou séduire par l'appât de quelques applaudissemens ou de quelques avantages passagers, ne manquent presque jamais de mal parler ou de mal agir.

Mais lorsque les esprits commencent à sè rapprocher; lorsque les erreurs réciproques sé dissipent et que les préventions s'affoiblissent; lorsque l'homme d'un parti vient à concevoir qu'il peut y avoir des honnêtes gens dans le parti opposé, et des fripons dans le sien, et réciproquement; alors le voile qui couvroit la vérité, se soulève insensiblement; et celui, n'importe de quel parti il ait été, qui a la noble assurance de soumettre ses actions au jugement de ses contemporains, est certain de trouver, pármi ceuxlà même qui se sont livrés aux plus fortes préventions,

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tions, des censeurs désintéressés et des juges impartiaux.

Ces

On se tromperoit si l'on inféroit de ce que j'ai dit, que mon objet est de fatiguer mes lecteurs, par un détail minutieux des procédés de mes ennemis personnels, ou de la conduite de ceux de qui j'ai eu à me plaindre, sous le rapport des intérêts dont j'avois pris la direction. sortes de discussions, selon moi, sont beaucoup plus propres à embrouiller la vérité qu'à l'éclaircir. Donner une connoissance exacte et raisonnée des faits, voilà tout ce que je me propose. Comme dans toute ma conduite, j'ai toujours eu les choses en vue, beaucoup plus que les personnes, il en sera de même dans l'exposition que j'en ferai.

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J'ai mis, entre l'époque de ma retraite des affaires, et le temps auquel je commence à écrire, un intervalle suffisant pour calmer les ressentimens et pour dissiper les préventions auxquelles j'aurois pu me laisser aller. Trois années de séjour sur une terre, jusqu'ici étrangère aux troubles de l'Europe, et l'interdiction que je me suis imposée, de presque tout commerce avec

les

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