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lourds chariots gaulois, comme les chars romains, exigeaient des chemins solides.

Les Gaulois avaient aussi des ponts sur les rivières et même sur les plus grands fleuves, notamment sur la Seine à Lutecia (Paris) et Melodunum (Melun) et sur la Loire à Genabum (Orléans), pons fluminis Ligeris.

Le pont sur l'Aisne joue un rôle dans la première campagne de César en Belgique. Ceux de l'Allier furent coupés par Vercingétorix devant César marchant sur Gergovie.

En dehors de leurs grandes voies qui traversaient la Gaule et qui étaient des voies militaires, les Romains établirent des chemins de moindre importance, qu'on pourrait appeler chemins vicinaux et qui étaient entretenus par les pagi et les vici. Ces chemins cnt dù emprunter quelquefois des chemins celtiques qu'ils ont recouverts.

Il est donc prudent, lorsqu'on se trouve en présence d'un vieux chemin, alors même que la tradition attribuerait à ce chemin le nom de chemin de César, de l'appeler voie antique et de garder la dénomination de voie romaine aux chemins qui, par leur construction, ont incontestablement une origine romaine.

Les voies romaines étaient généralement construites de la manière suivante :

On creusait une tranchée de 1 mètre de profondeur environ et de 5 à 6 mètres de largeur, au fond de laquelle on disposait un lit de pierres de grosseur moyenne, le plus souvent noyées dans du mortier et formant une épaisseur de 25 centimètres. C'était la fondation, le statumen. Par-dessus, un bétonnage composé de pierres cassées et de mortier, ou d'une matière d'agrégation fortement pilonnée, de 0 m. 30 environ. C'était le rudus. Une troisième couche ayant, comme la précédente, une épaisseur de 0 m. 30 et formée de pierres cassées agglomérées avec du ciment. C'était le nucleus.

Enfin, la couche supérieure, ou surface de marchement, était formée, soit de pavés, soit d'un lit de ciment. On l'appelait calceum. C'est de ce mot qu'est venu par corruption le mot chaussée.

Cette dernière couche était maintenue sur les bords par un trottoir ou margine, composé de pierres placées de champ.

Sur les voies les plus importantes, qui étaient des voies militaires, se trouvaient des relais (mutationes), à l'usage des

fonctionnaires romains et des mensiones ou stations de sé

jour.

Enfin, le long de ces routes, de nombreuses bornes milliaires donnaient des indications précises sur la longueur du chemin.

Ce type de construction variait souvent, les Romains ayant l'habitude de se servir des matériaux qu'ils avaient sous la main. Ils remplaçaient ainsi, selon les contrées traversées, la pierre cassée par du gravier, des cailloux ramassés ou des scories de fer.

Dans le tracé de leurs routes, ils avaient un penchant marqué pour la ligne droite. Ils ne s'en écartaient que pour éviter un obstacle ou pour adoucir la descente dans une pente trop rapide.

La voie d'Agrippa allait de Lyon à Boulogne-sur-Mer en passant par Chalon-sur-Saône, Autun, Saulieu, Avallon, Auxerre et Troyes. Ce fut Agrippa, général romain, gendre d'Auguste, qui la fit construire. Il était d'usage de donner aux routes le nom du général ou du magistrat qui en avait ordonné l'exécution.

Elle fut construite sous le règne d'Auguste, de 728 à 735 de Rome (de 26 à 19 avant J.-C.).

Son itinéraire a été décrit par Pasumot en 1765, par MM. Quantin et Boucheron en 1864 (1), par M. Baudoin, architecte à Avallon, et par M. Ragon pour la partie d'Avallon à Voutenay.

J'ai parcouru et étudié, pas à pas, le tronçon qui va de Saint-Moré à Bazarnes, soit 15 kilomètres. C'est cette partie, la plus intéressante parce que la mieux conservée, que je vais décrire.

La voie vient de Voutenay; elle traverse la Cure au gué Nocret ou du Port, à 200 mètres en amont du village de SaintMoré, où la tradition place un pont. Pasumot dit qu'il y avait un pont sur la rivière en cet endroit et qu'à l'époque où il écrivait, il n'y avait pas longtemps qu'on voyait encore les pilotis. Un vieillard de 85 ans lui a assuré les avoir vus.

Enfouie dans le sol, la voie suit le chemin du Port en longeant le clos du château, se dirige sur la ligne du chemin de fer qu'elle atteint au passage à niveau du chemin de Montillot,

(1) Bulletin de la Société des Sciences de l'Yonne, 1864.

quitte ce chemin pour s'incliner à gauche, puis décrit une courbe assez prononcée pour grimper plus facilement la côte. Son tracé sur la montée des Chaumes n'est plus visible que sur un point, au milieu du coteau, là où elle est en palier, soit sur 100 mètres environ.

La voie est détruite sur ces pentes escarpées, comme elle a disparu partout où le terrain est déclive, même lorsque cette déclivité est peu prononcée. Elle a été emportée par les ravinements qui à la longue ont eu raison de sa solidité.

Une fois sur le plateau, elle reparaît sur une levée qui n'a pas moins de 3 mètres de hauteur et 1.200 mètres de longueur en ligne droite. Cet alignement va jusqu'à la descente sur la vallée de l'Yonne, soit sur 6 kilomètres.

Elle est détruite sur 150 mètres à la traversée de la route

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d'Arcy à Avigny, toujours à cause de la déclivité du sol, puis reparaît en levée de 2 mètres de hauteur, sur une longueur de 600 mètres. Cette levée a 4 mètres de largeur au sommet, mais elle a dû être plus large, le terrain en pente transversale ayant favorisé l'éboulement du talus gauche. Elle sert de chemin rural, piétons et voitures circulent sur l'agglomérat qui offre encore une chaussée très résistante.

A la traversée du chemin de Mailly-la-Ville à Arcy, la voie, bien qu'étant en palier, est détruite sur 150 mètres. On ne s'explique pas la cause de cette destruction. La fondation (statumen) reste visible sur 10 mètres de longueur. Les pierres debout sont incrustées dans le sol en lignes transversales, avec bordures de chaque côté, comme l'indique la figure ci-dessus.

La voie devient ensuite très visible et présente une levée Sc. hist.

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qui varie de 1 à 2 mètres de hauteur. En plusieurs endroits, le trottoir ou margine est apparent et assez bien conservé (fig. 2). Ce trottoir est formé de pierres plates assez abondantes dans le pays, ayant 0 m. 06 d'épaisseur moyenne, o m. 35 de hauteur et 0 m. 35 de longueur, posées sur champ.

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Il fallait donc 36.000 pierres semblables par kilomètre de route pour former les deux bordures.

Plus loin, la hauteur du remblai varie de 2 à 3 mètres et cette levée n'a pas moins de 1.000 mètres de longueur. Elle s'abaisse jusqu'au niveau du sol un peu avant la traversée de la route de Bessy. Là, le terrain devient très déclive à la traversée d'un ravin, aussi la voie romaine disparaît complètement pour reparaître une fois le ravin traversé.

Jusque-là elle a suivi la lisière des bois d'Arcy et de Bessy; elle continue à longer le bois de Bessy, mais elle se trouve

alors à l'intérieur de ce bois, à 10 mètres de la bordure. Un chemin la suit latéralement et la remplace depuis qu'elle est devenue impraticable.

Perdue sur 150 mètres à la sortie du bois de Bessy, elle devient ensuite très visible, avec une largeur de 5 mètres. Elle forme alors le chemin rural qui sépare le territoire de Maillyla-Ville de ceux de Bessy et de Sery. Même composition de l'agglomérat dont l'épaisseur se trouve parfois très réduite par l'usure et laisse voir dans quelques endroits, à sa descente sur Sery, les pierres debout du statumen.

Près de Sery, la route de Vermenton a mis à nu la chaussée des Romains. On peut la voir dans toute son épaisseur à la base, un lit de pierres de moyenne grosseur; l'agglomérat n'a pas moins de 0 m. 80 de hauteur; vestiges de trottoirs parfaitement visibles et servant encore sur une longueur de plus de 100 mètres au passage des piétons.

La route de Vermenton a été construite à l'emplacement de la voie romaine jusqu'au milieu du village de Sery.

Abandonnant la vallée de l'Yonne, dans laquelle elle n'était descendue que pour éviter deux ravins profonds, la voie remonte sur les sommels, en suivant le chemin dit du Fays. A 150 mètres au-dessus d'une croix de pierre, elle quitte ce chemin et se trouve en plein champ. Complètement invisible à cet endroit (il m'a fallu faire un certain nombre de sondages avant de retrouver sa trace), elle longe le chemin du faîte de la Côte et le suit à 10 mètres de distance. D'abord à ras du sol, elle fait bientôt saillie sur le sol d'environ 2 mètres sur 400 mètres de longueur. La largeur de la chaussée n'est plus alors que de 3 mètres. On aperçoit, par endroits, les vestiges des trottoirs. Ils sont formés de pierres en hérisson ayant 0 m. 10 d'épaiseur, 0 m. 30 de longueur et 0 m. 40 de hauteur. Elle sert de voie charretière, voie dangereuse à cause de sa hauteur et de son peu de largeur. Le croisement de deux voitures est impossible et dans quelques endroits cette largeur est tellement réduite que le conducteur ne peut marcher de front avec son cheval.

Après s'être abaissée brusquement, la voie traverse le chemin qu'elle longeait, puis se confond avec ce chemin jusqu'en face de Prégilbert qu'elle laisse à gauche à 400 mètres de distance. Là, le terrain étant en forte pente, la chaussée a complètement disparu sur 200 mètres de long; elle reparaît au croisement de la route de Bessy sur 50 mètres de longueur. Elle suit ensuite le chemin qui va à Sainte-Pallaye et se con

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