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au moins.

Sur l'article IV du deuxième décret, M. Necker pense qu'il faut en rédiger ainsi la fin : « Il sera éteint desdits assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourront avoir lieu, 120,000,000 en 1791, 80,000,000 en 1792, 80,000,000 en 1793, 80,000,000 en 1794, et le surplus en 1795. »

Le ministre demande la suppression du paragraphe suivant, commençant par ces mots : « lesdits assignats, etc..

Tous ces changements sont décrétés.

- On ouvre la discussion sur les articles ajournés samedi.

Le premier a pour objet la nomination des commissaires chargés de surveiller l'émission des billets de la caisse.

M. DE MIREPOIX: Je demande que ces commissaires ne soient pas actionnaires de là caisse d'escompte. M. DE LUZIGNEM: Ces actions sont au porteur; on en possède aujourd'hui; on n'en possède plus demain. M. REGNAULT DE SAINT-JEAN-D'ANGELY : L'administration doit être surveillée, même lorsque des mains pures y puisent. Déjà on affecte de publier qu'il a bien dépendu de l'Assemblée nationale de rendre les derniers décrets, mais qu'il ne dépendra pas d'elle de les faire exécuter. L'Europe entière sera persuadée quand la France le sera, et la France le sera quand on verra que vous avez pris les précautions les plus sages.

Je

propose qu'il soit nommé six commissaires chargés, 10 d'assister et concourir au traité définitif qui doit être fait avec la caisse d'escompte; ils en rapporteront un double pour être déposé dans les archives; 20 de faire un travail sur l'émission de 400,000,000 d'assignations. L'Assemblée jugera s'ils présentent les moyens suffisants d'assurer l'emploi et de prévenir l'abus de ces effets.

Le comité des finances présentera le plus tôt possible un plan d'organisation de la caisse de l'extraordinaire et des dépenses arriérées pour 1789, et pour les années précédentes qui doivent être payées par cette caisse. Il offrira aussi une nouvelle comptabilité pour le trésor.

M. DE CAZALÈS: Je n'ai qu'une observation à faire Sur ces mesures: elles sont absolument destructives de la responsabilité. Je pense qu'il n'y a pas lieu à

délibérer.

M. LE COMTE RENAUD DE MONTLOSIER: Je demande la division de la question préalable.

M. BARNAVE: Tous les objets proposés par M. Rcgnault sont intéressants; mais quelques-uns doivent étre renvoyés à un autre temps. Je réduis sa motion à nommer des commissaires pour surveiller l'émission des billets de la caisse et les assignats. Ainsi, la responsabilité n'est ni détruite, ni affaiblie, mais ta confiance publique est assurée.

M. le comte de Clermont-ToNNERRE: J'appuic la question préalable dans toute son étendue. Le moyen d'obtenir la confiance universelle consiste à placer tous les pouvoirs dans les mains qui leur sont propres. On sentira toute l'étendue de la responsabilité, quand on verra que l'Assemblée nationale a écarté, par la question préalable, des propositions qui tendaient à témoigner de la défiance.

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L'Assemblée décide que la question préalable ne sera pas divisée, et qu'il n'y a pas lieu à délibérer. · On propose de s'occuper de l'amendement de M. d'Estourmel, ayant pour objet de mettre, ainsi que les biens du clergé, les domaines sous la surveil lance des assemblées de département. La priorité est demandée en faveur de la question de savoir quel nom on donnera aux membres des nouvelles municipalités.

L'Assemblée décide de renvoyer ce dernier objet au comité de constitution.

— M. *** représente que l'édit de 1787 exclut les non-catholiques des places des municipalités auxquelles sont attachées des fonctions de judicature; que les décrets de l'Assemblée n'ayant pas dérogé à cette loi, on pourrait s'en prévaloir contre des citoyens qui doivent avoirles mêmes droits que les autres citoyens.

Cette prétention ne manquerait pas d'exciter des commotions violentes dans diverses provinces.

M. *** propose de décréter que les non-catholiques qui auront d'ailleurs rempli toutes les conditions d'éligibilité, pourront être élus dans tous les degrés d'adininistration.

M. LE COMTE de Virieu : Vous avez établi des lois générales; il n'y a point d'exceptions contraires aux non-catholiques, ainsi nulle interprétation nécessaire. On pourrait dire tout au plus que tous ceux qui auront rempli les conditions d'éligibilité seront admis dérogeant à cet égard à toute loi à ce con

traire. »

M. ROEDERER: Je réclame pour une classe de citoyens qu'on repousse de tous les emplois de la société, qui a son intérêt et son importance. Je veux parler des comédiens. Je crois qu'il n'y a aucune raison solide, soit en morale, soit en politique, à opposer à ma réclamation.

M. DE CLERMONT-TONNERRE: Je n'ajoute pas un seul mot à une chose qui n'a pas besoin d'être développée pour vous frapper.

Je propose seulement la formule de décret que voici :

L'Assemblée nationale décrète qu'aucun citoyen actif, réunissant les conditions d'éligibilité, ne pourra être écarté du tableau des éligibles, ni exclu d'aucun emploi public à raison de la profession qu'il exerce, ou du culte qu'il professe.

On demande l'ajournement.

L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande.

Plusieurs personnes réclament la discussion sur l'état des Juifs, comme tenant à la constitution.

M. REWBELL: Je pense sur les Juifs comme les Juifs eux-mêmes : ils ne se croient pas citoyens. C'est dans cette opinion que j'admets l'amendement de

M. de Clermont-Tonnerre, parcequ'il les exclut en se servant de cette expression, citoyens actifs.

M. le président observe qu'il est deux heures, et qu'il faut procéder à l'élection d'un président, de trois secrétaires et de plusieurs membres pour les différents comités.

Il lève la séance, et l'on se retire dans les bureaux.

LIVRES NOUVEAUX.

Plaidoyers prononcés au parlement de Rouen, au sujet d'un mémoire contenant des accusations calomnieuses d'infanticide et parricide, de projet de viol, de projet d'assassinat, de manoeuvres pour faire pendre une servante, d'escroqueries, etc. etc. 1789. A Paris, de l'imprimerie de F. Baudoin, rue du Foin, n° 31, vol. in-8°.

Les papiers publics ont rendu compte, dans le temps, des détails de cette affaire, aussi malheureuse que célèbre, et qui a eu le plus grand éclat au parlement de Rouen. L'on sent facilement qu'un recueil tel que celui que nous annonçons, n'est susceptible d'aucune analyse. C'est dans les plaidoyers même qu'il faut lire les faits et les moyens des parties. Ces faits sont véritablement affreux, et nous ne connaissons aucun combat judiciaire qui en ait présenté de plus effrayants.

A la tête de ce recueil on trouve un précis historique de l'affaire dont il s'agit. C'est un tableau fait avec beaucoup de rapidité et de précision, et qui ne peut manquer d'inspirer le désir de lire les plaidoyers. Les talents de M. Tronson du Coudray sont connus depuis longtemps au barreau de Paris, et la ville de Rouen s'est plue à leur payer le juste tribut qui leur est dû. Il est malheureux cependant que M. Tronson du Coudray ait été, en quelque sorte, forcé, par les circonstances majeures, de dévoiler la conduite de M. Frondière, son adversaire, de manière à l'exposer à perdre son état ; et nous aimons à croire qu'il en a coûté beaucoup à sa sensibilité et à sa délicatesse pour se déterminer à un parti si violent.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

M. Hoffman a mis à contribution, dans l'opéra de Nephte, qu'on a représenté avant-hier à ce spectacle, la tragédie de Camma, dont le frère du grand Corneille avait puisé le fond dans Plutarque. Cette tragédie, quoique entièrement oubliée aujourd'hui, ent, en 1661, un succès éclatant à cause de son dénouement, que Fontenelle et d'autres ont vanté comme des moins prévus qui soient au théâtre. Aussi M. Marmontel a-t-il eu le bon esprit de s'en servir dans son Denys le lyran. M. Hoffman n'a pas dédaigné non plus d'employer ce dénouement, de même qu'une partie de la fable sur laquelle roule toute l'intrigue de la pièce de Thomas Corneille; seulement il a supprimé la double action qui s'y trouve, et a substitué au nom de Camma celui de Nephté, formé, comme il en avertit lui-même, des deux mots neith et pitha, qui signifient sagesse et courage. Pour qu'on puisse juger de la ressemblance des deux ouvrages, il suffira de tracer la marche du dernier.

Nephté, veuve de Séthos, roi d'Egypte, dont il lui reste un fils, pleure son époux mort assassiné, et n'aspire qu'à le venger. Pharès, frère de ce prince, veut s'emparer du trône, et presse en conséquence la reine de s'unir à lui. Pour l'y contraindre, il lui rappelle que Séthos en mourant lui en a fait une loi. Nephte, fidèle aux månes de son époux, et ne pouvant se défendre d'un sentiment d'horreur à la vue de Pharès, lui reproche de ne s'occuper que de son amour, au lieu de chercher à découvrir le meurtrier d'un frère qui le chérissait. Pharès, afin d'écarter tout soupçon, jure sur le tombeau deSéthos d'immoler le coupable, dont le nom est encore ignoré. Mais le grand-prêtre d'Osiris dévoile bientôt cet affreux mys

tère, et apprend à la reine que Pharès est l'assassin du roi. Nephté conçoit alors toute l'horreur de son sort, et treinble surtout pour les jours de son fils. Pharès, craignant d'être découvert, se fait décerner la couronne par les grands de l'Etat, et proclamer chef de l'armée par les troupes. Sûr alors de l'impunité, il déclare à Nephté que son fils, qu'il se dispose à faire enlever, lui répondra de ses dédains. Cette mère infortunée, pour sauver cet enfant précieux, et pour apaiser l'ombre de Séthos, n'a plus d'espoir qu'en elle-même; en conséquence elle se sacrifié, et promet de s'unir à Pharès.

Arrivée à l'autel, elle boit la première dans la coupe nuptiale, et la présente ensuite à son tyran, qui s'empresse de l'imiter; mais à peine la cérémonie est-elle achevée, que Nephté lui apprend, en présence du peuple, qu'elle sait tous ses crimes, et que, pour l'en punir, elle a empoisonné la fatale coupe. Ils meurent bientôt l'un et l'autre, Pharès en regrettaut de n'avoir frappé qu'une seule victime, et Nephté en se félicitant d'avoir vengé Séthos, et surtout d'avoir conservé le trône à son fils.

D'après cet extrait, il est aisé de voir combien un sujet aussi tragique d'un bout à l'autre était peu susceptible d'être traité à l'Opéra, où les spectateurs désirent principalement des fêtes qui fassent également valoir les sujets de la danse et ceux du chant. Cet ouvrage ne contient pas un seul ballet. M. Hoffman, pour y suppléer, a cherché à y introduire le plus de pompe qu'il lui a été possible, ce qui, à la vérité, produit souvent un grand effet; mais des cérémonies religieuses, des marches imposantes, des décorations pittoresques et des costumes brillants, ne sont que des accessoires insuffisants pour exciter un véritable intérêt. Ce n'est pas que l'opéra de Nephte n'attache jusqu'à un certain poi nt par son action; la marche en est d'ailleurs bien conçue, et en général assez rapide; mais comme l'auteur a tout sacrifié pour faire briller exclusivement l'amour conjugal et la tendresse maternelle, il s'est ôté une infinité de moyens qui, en jetant dans ce poème encore plus de mouvement et de variété, auraient mis le musicien à même de déployer toutes les ressources de son art. M. Lemoine a néanmoins tiré un très grand parti de ce fond, qu'on pourrait, à certains égards, regarder comme ingrat. Il a prouvé, en l'embellissant par ses accords, que le génie vient à bout de surmonter les plus grandes difficultés. N'ayant presque jamais que les regrets d'une épouse fidèle ou les alarmes d'une mère tendre à exprimer, il a eu le talent de varier ses couleurs, de manière que tous ses morceaux ont un caractère qui leur est propre. Toutes les fois que ce compositeur, aujourd'hui l'espoir du théâtre lyrique, a trouvé l'occasion d'offrir des contrastes, if en a très habilement profité. Pour le prouver, il suffira de citer la scène où l'on célèbre l'apothéose de Séthos, le chœur des suivantes de Nephté et l'hymne à l'Hymen, morceaux qui, par la mélodie douce quiy règne reposent agréablement l'oreille.

Quoique cet ouvrage estimable ait obtenu le plus grand succès, on pourrait, indépendamment du caractère de sévérité que nous nous sommes permis d'y blâmer, lui reprocher quelques longueurs, principalement à la fin du second acte; mais la pompe qu'offrent les deux autres, et surtout le dénonement, a contribué à faire oublier ces moments de langueur. Aussi, après que la toile a été baissée, le public a-til témoigné sa satisfaction aux auteurs en les demandant à grands cris, ce qui ne se fait pas ordinairement à l'Opéra.

Nous ne finirons pas cet article, sans payer un juste tribut d'éloges à mademoiselle Maillard, qui a rendu le rôle de Nephté avec infiniment d'intelligence.

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N° 122.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

POLITIQUE.

TURQUIE.

Mardi 22 DÉCEMBRE 1789.

Le pacha de Bender, mande-t-on de l'Ukraine, le 18 novembre, craignant de perdre la tête s'il se rendait chez le grand-visir, a pris la résolution de se mettre sous la protection de la Russie, et de rester dans l'armée du prince Potemkine.

Ce pacha, touché de reconnaissance pour la permission qui avait été donnée aux Turcs de se retirer avec tous leurs effets, a répondu à la sommation du prince la lettre qui suit:

Lettre du pacha de Bender au prince Potemkine.

A. S. A. Monseigneur le prince Potemkine: proposition d'Achmet-pacha Muhafiz, commandant de Bender.

< En donnant à V. A. très gracieuse, très constante et très magnanime, l'honneur qui lui est dû comme au génie sublime, capable de conseiller et d'exécuter les plus grands desseins, dont le pouvoir est accompagné de la dignité la plus éclatante: ministre principal qui est revêtu de la suprême présidence, et le premier représentant de S. M. Impériale, qui est le Padischa de la Russie, nous représentons à V. A. que nous avons pris en délibération la lettre consolante que V. A. a ordonné de nous faire parvenir pour notre propre bien-être ; et afin d'y faire réponse, nous avons choisi les gens les plus savants et les plus estimés qui se trouvent parmi nous pour les députer vers V. A., savoir: le très honorable Emir Ömer, Aga-Nuzul-Emini et Capiezi, bachi de la sublime Porte; l'honorable Emir-Iahja-Effendi, qui est un des premiers secrétaires du Divan du sultan; le Salih-Aga, qui est un des officiers de S. E. le pacha-séraskier; le Casim-Aga, un des officiers de S. E. Abdullah-Pacha, de l'ordre des gens de la loi; Ali-Effendi, qui est chef des ulémas ou pères spirituels; de la classe des janissaires de la sublime Porte, le Hagi-Suleiman-Aga, qui est turnagibachi; de la classe des gebegis ou officiers d'artillerie, le Huffeni-Aga, qui est chef desdits gebegis; de la part des troupes des autres provinces, Moliamet-Aga, qui est inspecteur de leurs registres; et enfin, de la part des officiers de ce pays, l'Emir-Beg, aga de l'aile gauche; en tout neuf personnes de nos propres gens qui ont été chargées de déclarer à V. A. que nous avons tous accepté la proposition qu'elle a ordonné de nous faire par écrit: la compassion pour les femmes et les enfants nous porte à l'accepter, d'autant plus qu'il est connu à Dieu, le Seigneur tout puissant, que V. A., notre seigneur et bienfaiteur, n'a en cela point d'autre vue que d'avoir pitié des femmes et des enfants. Au reste, comme il est notoire et connu au monde entier que V. A. très gracieuse est un seigneur qui, formé à la constance, souhaite aussi en cette occasion le bien-être de l'empire russe, puisqu'en nous accordant gracieusement des conditions favorables, il est certain que V. A. produira de nouvelles prières à Dieu et de nouvelles bénédictions pour sa très puissante majesté impériale. »

On remarquera que les titres que le pacha de Bender donne dans cette lettre au prince Potemkine ne se donnent pas même au grand-visir, mais seulement au grand-seigneur, et quelquefois au kan des Tatars. L'excuse de tant de respects de la part du pacha n'est point dans sa défaite; elle est dans ces paroles touchantes: La compassion pour les femmes et les enfants nous porte à accepter vos propositions.

POLOGNE.

petit fort de Guilzewo. Le général Souvaroff étaitprêt à partir de Burlad pour aller attaquer Brailow.

ALLEMAGNE.

De Vienne, le 30 novembre. A l'arrivée du courrier extraordinaire envoyé par le prince de Reuss, ambassadeur de S. M. à la cour de Berlin, il s'est tenu un conseil sur les dépêches de ce ministre, relatives à la marche d'un corps de troupes prussiennes vers le pays de Liége. Quoique ce corps doive agir de concert avec les troupes électorales de Cologne et palatines, on n'apprend point que rien ait été réglé au préalable, relativement à la jonction de ces troupes, ni à l'influence de chacun des princes co-directeurs dans les procédés de leur intention commune. Le comte de Metternich, envoyé extraordinaire de l'empereur aux cours de Trèves et de Cologne, et son ministre plénipotentiaire auprès des cercles de Bas-Rhin et de Westphalie, est arrivé ici depuis peu, pour rendre compte de la singulière situation des affaires dans ces deux cercles, et de la perspective qui commence à s'ouvrir de plus en plus depuis le moment de cette démarche.

Du 2 décembre. - L'empereur a paru très affecté d'une brochure nouvelle, publiée à Vienne, qui fait beaucoup de sensation; elle est intitulée: Quelque chose au sujet de la guerre des Turcs. On y représente cette guerre comme la plus criante injustice : l'auteur approuve la conduite des Brabançons, et fait les vœux les plus ardents pour le succès de leurs entreprises.

Des lettres de Francfort-sur-le-Mein, du 8 décembre, s'expriment ainsi : « On est très content à Vienne de la possession de la Valachie. Cette province est très fertile en grains et en vins, et les habitants s'occupent avec soin de l'éducation du bétail. Les chevaux valaques sont recherchés. Ce pays fournit aussi du sel, du miel et du beurre en quantité; il rapportait au grand seigneur 1,500,000 florins par an.»

Et des hommes de ce pays, pas un mot. Nous attendons avec impatience que l'on mande de la Valachie : « Nous sommes très contents d'avoir de nouveaux maîtres. Au lieu de payer 1,500,000 florins, nous serons soulagés. Nous ne savons pas ce qu'en pensent notre bétail et nos chevaux; mais nos femmes et nos enfants se réjouissent. »

On mande de Manheim, le 2 décembre, que le régiment de Hatzfeld a reçu l'ordre de se mettre en marche pour la principauté de Saarbruck. - Sans doute pour cal mer les mouvements qui s'y étaient manifestés au sujet des abus de la chasse, qui vexaient les paysans de ce canton.

«Nous espérions toujours, écrit-on de Bliescastel, dans le comté de Layen, en date du 5 décembre que notre petit Etat serait exempt des orages qui commencent à éclater dans presque toute l'Europe. Cependant une discussion survenue au sujet d'un bois, entre notre souverain et une communauté de paysans, vient d'obliger notre souverain à demander des troupes aux électeurs palatins et de Mayence, en qualité de princes-directeurs du cercle du Haut-Rhin. Cette armée, composée de trois cent quinze hommes du Palatinat, commandés par le colonel baron de Janssen, et de deux cent cinquante-un hommes de Mayence, est déjà sur nos frontières; chacun de ces détachements a deux pièces de canon, ratio ultima regum, derniere raison des rois. Nous apprenons que cette terrible raison devient aussi la dernière des peuples, et nous avons de l'inquiétude. On n'est pas maître du premier mouvement.

« Aujourd'hui ces troupes couchent dans les villages de Limbach, Kerkel et Neutheusel, dans le duché des DeuxPonts; demain elles entreront dans le pays de Layen. La plus grande partie est destinée pour Saint-Ingbert; on répartira le reste dans différents villages et dans cette ville. » De Francfort-sur-le-Mein, le 7 décembre Le secré

De Varsovie, le 28 novembre. - On apprend que l'hospodar Maurojeni a définitivement abandonné le parti des Turcs, et rendu hommage aux deux cours impériales. Les Turcs ont évacué toute la Valachie, à l'exception du taire d'Etat à Rome a fait depuis peu paraître, au nom du 56

1 Série,

Tome II,

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On évalue actuellement, dans le royaume de Naples et des Deux-Siciles, le nombre des meurtres à six cents; c'est-à-dire qu'il y a, chaque année, une personne tuée sur huit cents. Les deux tiers de ces meurtres sont l'effet des querelles qui naissent dans les cabarets, surtout les jours de fête. L'autre tiers a pour cause la jalousie, les vols et d'autres motifs. Les meurtres pour jalousie diminuent chaque jour, et les meurtres pour vols sont très rares. Il y a même sur ce dernier objet une particularité remarquable. La loi à Naples, comme dans d'autres Etats, semble inviter le voleur à devenir assassin : elle condamne à la mort le voleur de grand chemin, sur la simple déposition de deux personnes volées. Les voleurs savent qu'ils courent risque d'être découverts s'ils ne tuent pas. Cependant ils n'assassinent presque jamais; ils se contentent, pour voler avec plus de sûreté, de se masquer le visage.

A Naples, les meurtres sont dans la proportion de un sur dix mille. C'est dans la province de Montefusco qu'ils sont les plus communs : ils y sont dans la proportion de un sur trois mille quatre cents, et la cause de cette multiplicité de meurtres est dans l'asile que tous les scélérats trouvent à Bénévent. Dans les provinces de Salerne et de Capitanata, la proportion est de un sur cinq mille. Dans les provinces de la Terre de Labour, elle est de un sur six mille. Dans les provinces de l'Abruzze, du comté de Malise et de Basilicata, elle est de un sur sept mille cinq cents. Dans la Calabre, elle est de un sur dix mille; ce qui prouve que les habitants n'en sont pas aussi pervers qu'on le croit communément. Cependant, dans la Calabre ultérieure, le dernier tremblement de terre a fait multiplier les crimes de cette espèce. Le nombre des meurtres, qui dans les années précédentes ne s'était guère élevé au-dessus de quarante, est tout-à-coup monté à quatre-vingt en 1785, et à cent trente-un en 1786. Dans les provinces de Trani et de Lecce, la proportion est de un sur quinze mille.

On compte dans tout le royaume dix mille personnes condamnées à l'incarcération et aux galères. Il y a dans les prisons à peu près le même nombre d'individus qui attendent leur condamnation. Ainsi une population de quatre millions huit cent mille âmes offre vingt mille malfaiteurs.

Ceux qui savent combien le peuple napolitain est pillé, avili, tourmenté par les barons, les gens de loi et les prêtres, ne seront pas surpris de voir germer tant de crimes au milieu de cette misère et de cette dépression générale.

ESPAGNE.

De Madrid, le 10 novembre. - L'Espagne ne connaît point encore la liberté de la presse : elle commence, on l'assure, à en sentir l'utilité. Il vient de paraître dans la capitale un ouvrage qui peut mériter aux Espagnols l'application de ces beaux vers du Cid :

Vos pareils à deux fois ne se font pas connaitre,

Et pour des coups d'essai veulent des coups de maître.

C'est un martyrologe de l'inquisition, avec un appendice de toutes les horreurs commises au nom de la religion catholique. Le tribunal est jugé, jamais calomnié; réserve qui n'affaiblit point la chaleur et la vérité auxquelles ce livre doit un prodigieux succès. On est disposé à croire en France que si le gouvernement espagnol eût consulté un petit nombre d'hommes distingués qui honorent leur pays, l'auteur de l'ouvrage que nous annonçons n'eût point été jeté (comme on le dit) dans la plus rigoureuse captivité.

PAYS-BAS.

L'étendard de la révolution se promène dans les provinces belgiques. La prise de Bruxelles par ses propres citoyens, cette manière si honorable de redevenir le maître chez soi les armes à la main, enfin le siége du gouvernement des Pays-Bas à la disposition des patriotes: tant de succès si rapides, et qui tous, en se succédant, se sont réciproquement secondés, ne laissent plus l'opinion douteuse sur la liberté de ces provinces. - L'esprit de désertion s'est manifesté à Louvain comme à Bruxelles. On écrit de Louvain, le 11 décembre, que la garde à la porte de l'eau est partie avec armes et bagages. D'autres soldats, le sabre à la maiu, se sont ouvert un passage, et ont forcé le même poste pour s'esquiver. Un caporal, a qui on faisait le rapport, a répondu tranquillement en fumant sa pipe: a Laissez-les aller: ils trouveront du pain là comme ici : ce pays les nourrira de même. »

Partout où la bannière brabançonne se déploie, les jeunes gens des villes et de la campagne accourent en foule : on en voit même arriver qui n'ont pas quatorze ans. Les ateliers sont déserts; l'œuvre de la liberté occupe tous les bras on va se håter de vaincre pour se remettre au travail. -La ville de Namur, selon les dernières nouvelles, souffre avec impatience le régime de tranquillité auquel elle est encore assujétie. Les habitants, patriotes au fond du cœur, attendent le moment d'agir. Des lettres interceptées d'un capitaine et de quelques officiers du régiment de Wurtemberg, en garnison dans cette ville, se plaignent des désertions; cependant les impériaux se replient sans cesse sur Namur; mais on présume que ces troupes iront plutôt se concentrer à Luxembourg. Ce poste leur est infiniment plus avantageux; il offre même un rendez-vous si facile aux secours de l'Allemagne, qu'il pourrait devenir funeste à la liberté des Pays-Bas.

Les généraux brabançons ne laisseront pas l'orage se grossir de ce côté ; ils savent que les royalistes y sont moins forts que le poste qu'ils y prennent, que les forces de l'ennemi diminuent dans ces provinces, et que le découragement s'empare des soldats. D'ailleurs, les patriotes n'ignorent pas les dispositions des habitants de Luxembourg, et que toute la province leur est favorable. Il n'est donc pas à craindre que Van-der-Meerss laisse aux mains des impériaux la clé des Pays-Bas : il voudra les chasser de Luxembourg.

Cette expédition mènera à une nouvelle conquête. Le duché de Luxembourg est comme gardé par onze cents Munstériens, arrivés sous prétexte de se prêter à l'exécution des décrets de la chambre impériale de Wetzlar, si funestes à la principauté de Liége. Mais la manœuvre de leurs dispositions est dévoilée. Une lettre de l'électeur de Cologne, interceptée le 30 novembre, adressée à M. le comte de Trautmansdorff à Bruxelles, par estafette, a démêlé la ruse. Voici cette lettre.

Lettre de son altesse l'électeur de Cologne.

Monsieur, je me trouve en ce moment avec mes troupes munstériennes au bord de la Meuse, près de Maseik, quand tout-à-coup les Prussiens ont arboré la prétention de vouloir agir selon leurs instructions secrètes, et non selon les conclusions du cercle et de Wetzlar; en même temps ils déclarent l'impunité aux patriotes liégeois, et protègent ouvertement encore contre le prince et les mandats. Cela m'a fait ordonner à mes troupes de faire halte, et de ne point se joindre aux Prussiens jusqu'à nouvel ordre. Comme néanmoins il faudra sans doute attendre à ce sujet des réponses de Berlin et de Munich, et que mes troupes ne sau

ront subsister si longtemps en cette contrée étrangère, j'ai osé, depuis vos lettres réitérées, supposer que Sa Majesté impériale n'aurait rien contre à ce qu'elles allassent prendre les quartiers dans le pays de Limbourg, où elles pourraient être à portée de joindre les Prussiens à Liége, et de maintenir entre temps le bon ordre en cette province contre l'influence des Brabançons. Un livrancier admis leur fournira le pain et le fourrage, pourvu qu'on leur soit favora ble de la part du gouvernement; le reste de la hauteMansdorf sera payé en argent comptant par le soldat et l'officier pendant ces quelques jours; c'est le secours le plus prompt que j'aie pu vous envoyer, en conséquence de votre dernière estafette: je vous prie de soigner seulement pour que la troupe ne manque pas de nécessaire étant votre très affectionné.

Signé MAXIMILIEN-FRANÇOIS, électeur de Cologne.

P. S. Ce ne sont au fond que neuf cent quatre-vingt-quatorze hommes, et soixante-et-onze chevaux d'artillerie, n'y ayant point de cavalerie. J'ai des raisons de croire que les Prussiens encouragent vos patriotes brabançons, et Dieu sait quel est leur projet de ce côté. »

Cette découverte a fait naître chez les patriotes le projet d'aller débusquer les troupes de l'électeur. L'armistice a contrarié ce projet ; il n'y fera pas renoncer. On parle déjà d'une forte division de l'armée de M. Van-der-Meerss, qui se dispose à marcher dans ce dessein généreux.

Cependant on parle de conférences et d'accommodement avec les commissaires de l'empereur. On écrivait de Louvain, le 11 décembre, que le chef de l'armée patriote avait une correspondance très active avec le gouvernement. Les estafeltes vont et viennent de Diest à Bruxelles, et de Bruxelles à Diest.

Hier au soir, ajoute-t-on, M. de Kulberg, conseiller du gouvernement, est passé ici, se rendant aussi à Diest, d'où il n'est pas encore de retour: mais ce matin, M. Mens, d'Anvers, officier de l'armée patriote, est arrivé vers huit heures du matin, venant de Breda à Diest; à neuf heures il a continué sa route sur Bruxelles; il était chargé de dépêches pour S. E. le ministre plénipotentiaire. Dans une autre lettre de la même ville, en date du 12, on confirme encore cet espoir; on répète que la prorogation de l'armistice est signée; on ajoute que le congrès de pacification se tiendra à Louvain; mais quelque désir que nous ayons d'une heureuse et prompte paix, nous avons encore peine à y croire et le départ du ministre pour l'Allemagne ne nous paraît pas être une conjoncture qui favorise ses vœux. »

Mais ces dispositions ne s'accordent point avec les démarches que les Etats de Brabant viennent de tenter auprès de différentes puissances. Jusqu'à présent on n'avait paru former que deux conjectures sur les projets des Brabançons : ou qu'ils songent à s'établir en États fédératifs, détermination hérissée (quant à présent) de difficultés politiques et civiles; ou qu'ils penchent à associer leur sort aux belles destinées du peuple français; autre plan qui, dans les circonstances présentes, a des dangers réciproques. Quant aux dispositions actuelles pour un accommodement avec l'empereur, il est probable que l'issue de ces dispositions pourrait dépendre en ce moment de convenances étrangères aux Brabançons. Alors on ferait jouer à la cause de la liberté un rôle secondaire dans les Pays-Bas autrichiens, et sans doute qu'il y aurait de la perte pour les vrais patriotes.

Tout était tranquille à Anvers, suivant une lettre de cette ville du 13 de ce mois. Tout le monde y porte la cocarde patriotique. On ajoute que les militaires se sauvaient du château, et que quatorze d'entre eux s'étaient noyés dans l'Escaut, en prenant la fuite. N'y a-t-il donc pas, pour la plupart des militaires d'Europe, un moyen de vivre toujours braves, plus heureux, et surtout honorés?

Quoique l'empereur ait désapprouvé la conduite du comte d'Arberg, à l'égard du bombardement de Gand, cet officier, qui quitte le service, n'en conservera pas moins sa pension. On dit même qu'il gardera le régiment de dragons dont il est propriétaire.

Suivant les lettres de Londres du 8 décembre, on assure qu'on y avait embarqué, pour le compte d'une maison de

commerce, cinq mille pièces d'armes et de munitions, destinées pour Ostende et pour l'usage des patriotes brabançons.

Des lettres de Namur, du 9, confirment cette nouvelle. On disait que les navires anglais, chargés de ces armes et munitions, venaient d'arriver aux ports de Gand et d'Ostende.

Près de dix mille hommes composent déjà la garnison nationale de Gand: elle s'augmente tous les jours par de nouvelles recrues qui s'y rendent de toutes les parties de la province. Ces troupes sont montées sur le pied militaire le mieux réglé il y a de l'infanterie et de la cavalerie; tous les jours elles s'exercent. On les a réparties, casernées, au château et dans les couvents qu'occupaient ci-devant les troupes autrichiennes.

Outre la troupe soldée, il s'est formé plusieurs compagnies de volontaires très bien équipées, dans lesquelles plusieurs seigneurs français, anglais et hollandais, ont demandé d'ètre reçu. L'activité qu'on remarque dans cette capitale no saurait être plus animée. Quatre cents ouvriers travaillent à la démolition de la citadelle, bâtie par Charles V pour contenir les Gantois.

Nous plaçons ici la lettre de M. d'Aremberg de la Marck. Cet officier la remit au président de l'Assemblée nationale de France, au moment de partir pour Bruxelles.

De Paris, le 14 décembre.

a Monsieur le président, je vais profiter de la permission de m'absenter que l'Assemblée nationale veut bien m'accorder. Puisse-je trouver l'occasion d'être utile à mon pays adop tif, à la France, et de montrer à l'Assemblée nationale que je me ferai gloire de porter partout ses leçons, ses centiments et ses principes!

Signé AREMBERG de la Marck,

Nous avons, dans notre numéro 119, donné le projet d'accommodement proposé au comité des États tenus à Gand, entre les provinces belgiques et l'empereur. Aux quatorze articles qui le composent nous ajouterons les seize autres articles qu'on a proposé d'y ajouter:

Art. Ier. Aucun étranger ne pourra être membre ni des Etats-Généraux, ni des Etats-Provinciaux; personne ne pourra y avoir séance, s'il n'habite, la majeure partie de l'année, dans les provinces belgiques autrichiennes.

II. Tous ceux qui auront droit de siéger auxdits Etats, soit généraux, soit provinciaux, devront, avant d'y prendre séance, prêter le serment que les membre des Etats de Brabant ont été accoutumés de faire jusqu'à présent.

III. Tous les anciens droits féodaux, de quelque espèce que ce soit, tels que ceux de main-morte, de corvée, de bannalité, etc., seront rachetables, et le prix du rachat sera fixé par des commissaires du gouvernement et des députés des Etats-Généraux, en partie égale.

IV. Un chacun aura droit de chasser dans ses propriétés; et quant aux bois, forêts, etc., on se réglera d'après la joyeuse entrée.

V. La pêche sera absolument commune, à l'exception des parties des rivières et ruisseaux qui traversent des parcs, campagnes ou prairies fermés : les seuls possesseurs desdits terrains enfermés peuvent seuls la faire sur leurs possessions.

VI. Les droits de colombier seront communs à un chacun.

VII. Tous les édits, ordonnances et autres dispositions provenant du gouvernement sur le fait de la discipline ecclésiastique, seront regardés comme non avenus.

VIII. Tous les édits, ordonnances et autres dispositions qui n'ont pas été homologuées simplement et nuement par le conseil souverain de Brabant, tels que les édits pour la suppression de quelques couvents, ceux concernant le mariage, celui supprimant les confréries, seront aussi regardés comme non avenus; bien entendu cependant que toutes les confrèries qui ne sont point érigées dans les églises paroissiales seront supprimées.

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