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qui avoit renoncé à tout ce qui s'appelle goût à l'égard des Anciens, a fait d'inutiles efforts pour le dégrader; & ce qu'il appelle froid & langueur dans cet Ecrivain, est au jugement des plus clair-voyans une politeffe & une naïveté digne du fiecle d'Augufte. C'est un modele de pureté, de netteté & d'élégance dans le genre médiocre. La seule Fable du Loup & de l'Agneau est préférable à toutes celles de M. de la Motte; je trouve même la copie, qu'en a fait l'illustre de la Fontaine, au-dessous de l'original.

HORACE.

Horace a égayé fa Morale du récit de quelques Fables. Celle où il s'est étendu, (c'est la Fable du Rat de Ville & du Rat de Village) est un chef-d'œuvre; nous n'avons rien de plus fini en ce genre. Si elle ne fuffit pas pour donner à Horace un

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rang parmi les Fabulistes, au moins suffit-elle à prouver qu'il n'a tenu qu'à lui d'y en avoir un des plus diftingués. Les traits naïfs, l'enjoûment & la politeffe, une narration vive & caractérisée, tout y charme, tout y ravit. Je m'arrêterois volontiers aux beautés de cette piéce, si je ne craignois d'ennuyer un Lecteur qui a l'original fous les yeux, qui peut en juger mieux que moimême.

AVIENUS, AVIANUS,

OU ANIANUS.

Les quarante-deux Fables d'Avienus ne méritent pas, à beaucoup près, de pareils éloges. Sa maniere est aride & fans agrémens; rien n'y est peint, ni caractérisé. Cette Urbanité Romaine, dont Phédre est le modele, n'y paroît pas autant qu'il est permis d'en juger à une oreille Françoise. Tout languit chez lui, il n'a que le mérite d'un verfificateur châtié, quoique son stile soit quelquefois obfcur; on n'y trouve pas même l'aisance qu'exige le récit, & le genre médiocre.

FAËRNE.

Faërne dans le fixieme siecle don na un recueil d'une centaine de Fables qui ont eu un fort beau fort. Les différentes impressions qu'on en a faites, font une marque de leur mérite. Ce Sçavant avoit un exemplaire manufcrit des Fables de Phédre, il en étudia le stile, tâcha de se former fur ce grand modele, & l'imita assez heureusement. Sa phrafe est aisée, son stile pur, ses récits naturels. On y retrouve enfin le génie de Phédre assez bien exprimé. Mais il usa de supercherie, ayant donné fon recueil sans parler de Phédre, à qui il avoit de si grandes obligations. Et au lieu de donner

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au Public l'édition de cet Auteur dont il avoit fait la découverte, & qui étoit enfeveli dans la poussiere de quelque cabinet, il affecta de le supprimer. Nous ne devons ce tréfor qu'au sçavant Pierre Pilhou, qui en ayant auffi découvert un exemplaire le publia long-tems après. *

ABSTEMIUS.

Laurentius Abstemius, contempo rain de Faërne, donna aussi un recueil de deux cens Fables, presque toutes de son invention; elles font en prose latine. Sa phrase est son stile net, sa narration aslez agréable & bien foutenue. Phédre, Horace, & Térence font les guides qu'il a suivis avec affez de succès, pour la belle latinité & le dialogue. A l'exception de quelques-unes, qui sont plutôt de simples comparaisons que des Fables, & de quelques au

pure,

* En 1594.

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tres dont la Morale ne naît pas na turellement du sujet, ce recueil peut être regardé comme une source excellente, où l'on peut puiser avec profit. La Fontaine en a tiré bon parti.

“ÉRASME; LAURENT

VALLE, &c.

Érasme, Laurent Valle, Politien & quelques autres Sçavans du XVIe. fiecle, ont auffi rendu quelques fujets d'Ésope fort heureusement, mais fans en faire de recueils & rélativement seulement aux sujets dont ils traitoient. Le nom de ces grands hommes est une espece de garand du succès. Érasme entre autres au Foit pu briller dans cette carriere s'il y étoit entré avec dessein de la fournir.

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