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I

FABLE ΧΙΧ.

Boileau & Chapelle,

ou

Le Convertisseur perverti.

L faut contre le vice une ame vigoureuse.

Si l'on veut empêcher les autres d'y tom

ber,

Il faut être affez fort pour ne pas succom

ber

A fon amorce dangereuse.

En lieux suspects on vit jadis Tel Bienheureux, que la Légende admire, Donner ses vertueux avis.

Dieu me préserve d'en médire !

Mais n'imitons pas trop ces vertueux ef

forts:

Le Malin aime à nous confondre; En semblable cas, corps pour corps D'un nouveau d'Arbrissel je ne voudrois répondre.

A ce propos, l'on conte que Boileau
Rencontra son ami Chapelle,

Chapelle auffi connu par la haine mortelle,

Qu'il témoigna toujours pour l'eau,
Que par l'aisance naturelle,

Dont Apollon dota son aimable pinceau.
Vous verra-t-on toujours, lui disoit son

confrere,

Prophaner dans l'yvresse un talent si vanté, Tant de délicatesse, un esprit né pour

plaire ?

Héros de la société,

Ami, respectez-en l'aimable caractere.
Quittez les traces de Faret,
La Bourgogne pour l'Hypocrêne,

Et pour Phébus l'éleve de Silêne. 'Ainfi parloit Boileau devant un Cabaret. Je suis charmé de ta Morale,

Enchanté, dit Chapelle, en lui serrant la

main.

L'yvresse est un défaut qu'aucun autre n'é

gale;

C'en est fait, je renonce au vin.

Entrons au Cabaret prochain, Qu'un sobre déjeûné confirme ma pro

meffe.

On entre, un modeste flacon

Est le premier garand de la conversion; En le vuidant, contre l'yvresse On entame un discours profond:

Ils n'entroient qu'en matiere; il en faut un

second,

Et d'encor en encor on vient au quatrieme, Le trop foible Prédicateur,

Aux traits réitérés d'une vive liqueur, Pour la premiere fois s'ennyvre enfin lui

même :

Il faut pour l'emmener une chaise à por

teur,

Sa raison s'affoiblit, il bégaye, il chân

celle.

Confus le lendemain il promit en secret, De ne jamais prêcher Chapelle, Sur-tout auprès d'un Cabaret.

Je me ris d'un convertiffeur

Dont contre mes défauts l'éloquence est

extrême ;

Et que je pervertis moi-même,
Par un exemple féducteur.

FABLE XX.

L'Amour piqué par une Abeille.

...... Nocet empta dolore voluptas,

A

L'ardeur de ses défirs

Malheureux qui toujours cede.
Le Sage fuit les plaisirs
A qui la peine succede.

L'Amour ne le fit pas : étourdi, sans pru

dence,

Ayant trouvé, dit-on, une ruche en che

min,

D'abord il y porta la main,

Pour en tirer cette divine effence

Dont l'Abeille fait son butin.

Il fut puni, Dieu sçait! Une Mouche en

colere,

Vengea son trésor attaqué :
Le doigt du Larron fut piqué,

Il n'éprouva jamais de douleur plus amere.

FABLE XXI.

Le présent de la Jeunesse & l'Ane.

L

Orsque Jupiter sur son pere

Eut usurpé le pouvoir souverain,
Le nouveau Maître de la terre
Fut reconnu par tout le genre humaina
L'univers par maint facrifice

Lui rendit son hommage en ce célebre joura
De son côté le Dieu propice
Voulut à ses Sujets témoigner son amour.

Pour leur en donner une marque, Formez, dit-il, tels vœux qu'il vous plaira.

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