Page images
PDF
EPUB

Essayons donc si par quelque détour

Je pourrai dans mes vers vous placer avec

grace.

Donner à la Morale un agréable tour,
Instruire, badiner; tout cela n'embarrasse.

Ne murmurez pas : fur la place
Je vais vous mettre avec l'Amour.

L'Enfant allé trouva celle que j'aime : Visons, dit-il, ici; lançons lui quelques

traits.

Il voulut s'approcher, il la vit: ses attraits Triompherent de l'Amour même.

Vaincu par ses beaux yeux le pauvre en• fant rougit.

Désespéré de sa défaite,

Il ne pense qu'à la retraite ; Il fuit. De son pouvoir Célimene soûrit. Mais en volant à tire-d'aîles, Il laissa tomber son carquois Garni de ces fleches mortelles, A qui sont dus tous ses exploits.

Célimene les prend: elle trouve des charCiij

mes

A chagriner son Aggresseur: Les fleches dans sa main vont toujours droit

au cœur:

Et Cupidon vaincu soupire après ses armes. Cupidon avec vous agit comme un enfant; Vous attaquer sans vous connoître, C'étoit le coup d'un imprudent.

Quelque puissant qu'on soit, on peut trouver son Maître.

U

FABLE XVII.

L'Aveugle & la Rose.

N homme avoit perdu l'odorat & les

yeux,

Il voulut cueillir une Rose.

Les épines pour lui, furent la seule chose,
Qu'il sentit en cueillant ce bouton radieux,

Que l'Aurore en naissant arrose
De ses pleurs les plus précieux.
Eh! parbleu, dit-il, on se mocque!

:

i

Quoi! c'est là la Reine des fleurs ?
Serviteur à ses louangeurs ;

Je n'y trouve rien qui ne choque :
Qu'on ne m'en parle plus. Que de petits

Auteurs

Parlent ainsi de Pindare, & d'Homere! Cet émail ravissant, ces naïves couleurs, Ignorés des yeux du Vulgaire, Ne frapperent jamais les leurs.

Aveugles pour ces fleurs immortelles, di

vines,

Qui ravirent les Despréaux,
Les La Mottes & les Peraults
N'en fentirent que les épines.

[ocr errors]

P

FABLE XVIII.

La Femme & le Chat.

Our fon Epoux absent l'innocente Babeau

Vouloit conserver un gâteau : Aux intentions de la belle Le Peuple souriquois rébelle N'oublia rien pour en frustrer l'Epoux. Pendant la nuit on se met à l'ouvrage, On gruge, on pille, on fait tapage; Sur les bords du gâteau se donnent tous les

coups.

Je me figure une seconde Troye,
A l'armée ennemie en proye.

Babeau, qui s'apperçut que son gâteau

rogné

Par les Souris n'étoit pas épargné,
Oh! oh! dit-elle, vile engeance,

Il vous faut du gâteau ? l'on vous en don Il est des Chats dont j'attends ma ven

nera.

geance,

1

Revenez-y, Raton s'y trouvera. Au fidele Raton la garde en fut commise; En Chat d'honneur il y fit son métier : Mainte Souris revint, mainte Souris fut prise;

Il fit plus, il mangea le gâteau tout entier.

Babeau m'aprête à rire, & dans son imprudence.

Je crois voir un plaideur qui flatté du succès,

S'en remet à Thémis du soin de sa ven

geance,

Et court à l'Hopital en gagnant son procès.

« PreviousContinue »