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avait peu de jours, laquelle portait,,,que entre autre „le roi d'Angleterre ne souffrirait pas, que les dis"putes de l'Espagne fussent mêlées dans la négocia„tion de la paix de l'Angleterre avec la France; et „qu'il serait regardé comme offensant pour la dignité „de S. M. Britannique et incompatible avec cette né"gociation que l'on insistât sur cet article."

M. de Bussy ayant ensuite communiqué à M. Pitt le mémoire concernant les griefs de l'Espagne contre l'Angleterre, ce dernier lut assez paisiblement les deux premiers articles; mais à la lecture du troisième, M. Pitt ne put retenir sa colère. Les Espagnols n'y „ont aucun droit,“ s'écria-t-il, „avec emportement, et ,,ils ne l'obtiendront qu'à la pointe de l'épée."

Une réponse si inflexible devant indisposer l'Espagne et achever son union avec la France; M. de Bussy, pour la rendre authentique, allégua à M. Pitt le peu d'étendue de sa mémoire, et lui demanda la permission de consigner dans une note redigée sous ses yeux, tout ce qui venait d'être traité dans leur conférence: M. Pitt lui répliqua qu'il ne s'expliquait pas ministériellement; mais qu'il lui ferait savoir les intentions du roi.

Bientôt après il renvoya à M. de Bussy le mémoire du roi d'Espagne, ainsi que la note relative à l'impératrice-reine Marie-Thérèse, portant acquiescement au traité futur, qui avait été remis à M. Pitt, en l'accompagnant de la lettre suivante, écrite d'un ton de hauteur et de dédain peu usité.

No. XX.

Lettre de M. Pitt, adressée à M. de Bussy; du 24 juillet 1761.

Monsieur, m'étant expliqué, dans notre entretien d'hier, sur certains engagements de la France avec l'Espagne, touchant les discussions de cette dernière couronne avec la Grande-Bretagne, lesquels votre cour ne nous annonce, que dans le moment, avoir pris dès avant qu'elle ait fait ici ses premières propositions pour la paix particulière des deux couronnes; et comme vous avez désiré, pour plus grande exactitude, prendre une note de ce qui s'est passé entre nous sur un sujet aussi grave, je vous renouvelle, monsieur, par ordre du roi, mot à mot la même déclaration que je vous fis hier, et vous prévenant de nouveau sur les sentiments très-sincères d'amitié et de considération réelle de la part du roi envers S. M. Catholique, en tout ce qui est de raison et de justice. Je dois vous déclarer encore trèsnettement, au nom de S. M., qu'Elle ne souffrira point que les disputes de l'Espagne soient mêlées, en façon quelconque, dans la paix des deux couronnes; à quoi j'ai à ajouter qu'il sera regardé comme offensant pour la dignité du roi, et non compatible avec la bonne foi de la négociation, qu'on fasse mention de pareille idée.

En outre, on n'entend pas que la France ait, en aucun temps, droit de se mêler de pareilles discussions entre la Grande-Bretagne et l'Espagne.

Des considérations si légitimes et si indispensables ont déterminé le roi à m'ordonner de vous renvoyer le mémoire ci-joint, touchant l'Espagne, comme totalement inadmissible.

Je vous renvoie de même, monsieur, comme totalement inadmissible, le mémoire relativement au roi de Prusse, comme portant atteinte à l'honneur de la Grande-Bretagne, et à la fidélité avec laquelle S. M. remplira ses engagements avec ses alliés.

J'ai l'honneur d'être, etc.

W. PITT.

M. de Bussy, revolté d'un renvoi de pièces aussi graves; procédé contraire aux usages prescrits par la bienséance; eut dessein à son tour de renvoyer la lettre de M. Pitt; mais cet éclat aurait précipité la rupture, et la France avait intérêt de prolonger la négociation. M. de Bussy se contenta donc de ne point accuser à M. Pitt la reception de sa lettre.

Cependant les propositions de paix de la France, ayant été agitées entre M. de Bussy et M. Pitt, celui-ci envoya à M. Stanley une pièce contenant les projets que ce ministre devait présenter à M. de Choiseul, comme les propositions définitives de la cour de la Grande-Bretagne.

No. XXI.

Propositions définitives de la Grande-Bretagne, en réponse au mémoire des propositions de la France du 29 juillet 1761; qui doivent être donné par M. Stanley comme propositions dernières de S. M. Britannique.

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1) S. M. Britannique ne se départira jamais de la cession entière et totale de la part de la France, sans aucunes nouvelles limites et sans exception quelconque de tout le Canada et de ses dépendances, et S. M. ne se relâchera jamais, à l'égard de la cession pleine et parfaite de la part de la France, de l'ile du cap Breton, et de toutes les autres îles dans le fleuve Saint-Laurent, avec ce droit de pêche qui est inséparablement attaché à la possession des susdites côtes, et des canaux ou détroits qui y mènent.

2) A l'égard de la fixation des limites de la Louisiane, par rapport au Canada ou par rapport aux possessions anglaises situées sur l'Ohio, comme aussi du côté de la Virginie, on ne pourra jamais admettre que tout ce qui

n'est point le Canada soit de la Louisiane, ni que les bornes de la dernière province susdite s'étendent jusqu'aux confins de la Virginie, ou à ceux des possessions britanniques sur les bords de l'Ohio; les nations et pays qui se trouvent interposés, et qui forment la vraie barrière entre les susdites provinces ne pouvant par aucune considération, être directement ou par des conséquences nécessaires, cédées à la France, en permettant qu'on les admette comme renfermées dans la description des limites de la Louisiane.

3) Le Sénégal avec tous ses droits et dépendances sur la rivière qui porte ce nom, sera cédé à la Grande-Bretagne de la manière la plus pleine et la plus ample; comme aussi l'île de Gorée, si essentiellement liée avec le Sénégal.

4) Dunkerque sera réduite à la condition où elle doit se trouver suivant le traité d'Utrecht, sans quoi aucune paix ne peut être admissible; et à cette condition seule S. M. Britannique pourra jamais consentir à entrer en considération de cette demande que la France a faite, viz. la restitution du privilége accordé par le treizième article du dit traité, avec de certaines limitations et sous certaines restrictions, aux sujets de la France de pêcher le poisson et de le sécher sur le rivage d'une partie de la TerreNeuve.

5. Quoique les titres par lesquels le royaume de la Grande-Bretagne a soutenu en diverses occasions ses droits aux îles de Sainte-Lucie et de Tabago, n'aient point été réfutés, et quoique les armes de S. M. lui aient acquis la possession de l'ile de Dominique, et de la colonie établie avant le commencement de la guerre, cependant S. M., par cette modération qui sied si bien aux rois, consentira à une partition égale des quatre îles, nommées communément les îles neutres, laquelle partition sera réglée dans le traité futur.

6) L'ile de Minorque sera tout de suite rendue dans l'état où elle s'est trouvée au temps de la prise, avec l'artillerie, etc. qui appartenait à cette île.

7) La France fera immédiatement la restitution et l'évacuation de ses conquêtes, faites sur les alliés de S. M. en Allemagne; c'est-à-dire, de tous les états et pays appartenants au landgrave de Hesse, au duc de Brunswick et à l'électorat d'Hanovre, comme aussi de Wesel, et de toutes les places et territoires du roi de Prusse, possédés par les armées de la France; la France fera enfin l'évacuation générale de toutes ses conquêtes du côté de la Hesse, de la Westphalie et dans ces contrées.

8) Le roi de la Grande-Bretagne, de son côté, consent à rendre à S. M. Très-Chrétienne. 1. la conquête importante de Belle-Isle. 2. S. M. consent aussi à rendre au roi Très-Chrétien l'ile opulente de la Guadeloupe avec celle de Marie - Galante.

9) Le traité conclu entre MM. Saunders et Godeheu, ne saurait être reçu comme la base du rétablissement de la paix de l'Asie, puisque le dit traité provisionnel n'a jamais eu de suite, et puisque ces conditions ne se trouvent nullement applicables à l'état actuel où se trouvent les affaires des Indes, par la réduction finale des possessions et des établissements de la compagnie française des Indes-Orientales; mais comme le règlement parfait et définitif qui regarde ces pays, ne peut se faire que convenablement à de certains droits qui appartiennent absolument à la compagnie anglaise, et comme le roi ne saurait équitablement disposer de leurs droits sans leur consentement, il faudra nécessairement laisser aux compagnies respectives des deux nations, l'ajustement de ces termes d'accommodement et de réconciliation, justes et raisonnables, que l'état et les circonstances de leurs affaires paraîtra demander, et leur indiquera mutuellement; pourvu qu'en même temps ces conditions ne soient point contraires aux desseins et aux intentions équitables de leurs souverains pour la paix et la réconciliation des deux couronnes.

10) La demande de la restitution des prises sur mer avant la déclaration de guerre ne saurait être reçue; une

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