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nales, qui, par la paix, seraient dans une inaction absolue, et par les conventions du traité, inutiles dans tous les cas aux alliés de la France et de l'Angleterre, le roi s'engage, dès que S. M. Britannique jugera à propos de faire revenir en Angleterre les Anglais qu'il a fait passer à son armée d'Allemagne, de faire rentrer en France le double de ce nombre des troupes françaises qui se trouveront aux armées de S. M. sur le Haut- et Bas-Rhin, de sorte qu'il ne restera plus dans ces parties de troupes appartenantes à la France qu'en proportion de celles que le roi d'Angleterre y

soudoiera.

Art. 11. Si avant la confection du traité, une des deux puissances faisait, dans quelque partie du monde que ce soit, des conquêtes, elles seraient rendues sans difficulté, et sans exiger de compensation.

Art. 12. Les prises faites sur mer par l'Angleterre avant la déclaration de la guerre, sont un objet de restitution légitime, et que le roi veut bien soumettre à la justice du roi d'Angleterre et des tribunaux anglais: en effet, des sujets qui, sous la foi des traités, du droit des gens et de la paix, naviguent et font leur commerce, ne peuvent pas justement souffrir de la mésintelligence établie dans le cabinet des deux cours, avant qu'elle leur soit connue. Les déclarations de guerre ne sont établies par le droit des gens, que pour publier aux peuples les querelles de leurs souverains, et pour les avertir que leur personne, et leur fortune ont un ennemi à craindre; sans cette déclaration convenue il n'y aurait point de sûreté publique, chaque individu serait en danger ou en crainte au moment qu'il sortirait des limites de sa nation. Si ces principes sont incontestables, il reste à examiner la date de la déclaration de guerre des deux couronnes, et la date des prises; tout ce qui est pris antérieurement à la déclaration ne peut être adjugé de bonne prise sans bouleverser les lois les plus saintes; en vain dirait-on que les Français ont commencé les hostilités, et que les prises sont une représaille. Que peuvent avoir de

commun les hostilités prétendues commencées au fort Duquesne, avec la prise des vaisseaux commerçants dans la partie méridionale de l'Amérique? Ces hostilités sont les motifs de la déclaration de la guerre; mais les effets de la déclaration ne peuvent avoir lieu qu'après la publication de la dite déclaration, et il serait injuste de faire souffrir une peine à des particuliers qui ignorent les faits et les circonstances d'une hostilité cachée dans un coin du monde, qui a produit une guerre générale entre deux nations. L'on ne croit pas en France que l'on puisse répondre à cet argument, et c'est d'après lui que le roi réclame le droit des gens, afin qu'il soit convenu dans le traité futur d'un arrangement qui compense les prises faites sur ses sujets antérieurement à la déclaration de guerre, sans entrer dans la discussion de la représaille, qu'il faut oublier quand les deux cours se rapprochent. La France ne demande que le bien des particuliers lésés, et ne prétend pas faire entrer les vaisseaux du roi, pris avant la déclaration, dans l'arrangement des prises, la perte des vaisseaux appartenants à S. M. pouvant être regardée comme une suite des motifs de

la guerre.

Art. 13. Quoique pendant le cours de la guerre présente, l'article des traités antérieurs qui garantit la succession au trône de la Grande-Bretagne, telle qu'elle se trouve établie, n'ait point été enfreint, cependant le roi est trèsdisposé à comprendre cette garantie dans le traité futur, si le roi d'Angleterre le souhaite.

Art. 14. Les prisonniers faits de part et d'autre, tant sur mer que sur terre, seront libres, et renvoyés dans leur pays, sans rançon, immédiatement après la ratification de la paix. S. M. Britannique sentira aisément que ces articles n'ont pas la forme de ceux d'un traité; ils ne lui sont proposés que comme des articles expliqués dans toute leur étendue, qui éclaircissent les sentiments de la France, et mettent les deux couronnes à portée de traiter sur des objets distincts et certains.

No. XVIII.

Mémoire relativement à l'Espagne; du 15 juillet 1761.

Comme il est essentiel, ainsi que la France et l'Angleterre le désirent, que le traité de paix projeté serve de base à une réconciliation solide entre les deux couronnes, qui ne puisse être troublée par les intérêts d'un tiers, et les engagements que l'une ou l'autre cour peuvent avoir pris antérieurement à leur réconciliation, le roi d'Espagne sera invité de garantir le traité de paix future, entre le roi et le roi de la Grande-Bretagne. Cette garantie obviera aux inconvénients présents et futurs, relativement à la solidité de la paix.

Le roi ne cachera pas à S. M. Britannique que les différends de l'Espagne avec l'Angleterre l'alarment et lui font craindre, s'ils n'étaient pas ajustés, une nouvelle guerre en Europe et en Amérique. Le roi d'Espagne a confié à S. M. les trois points de discussion qui subsistent entre sa couronne et la couronne britannique.

Lesquels sont 1) la restitution de quelques prises faites pendant la guerre présente sur le pavillon espagnol.

2) La liberté à la nation espagnole de la pêche sur le banc de Terre-Neuve.

3) La destruction des établissements anglais sur le territoire espagnol dans la baie d'Honduras.

Ces trois articles peuvent être facilement arrangés selon la justice des deux souverains, et le roi désire vivement que l'on puisse trouver des tempéraments qui contentent sur ces deux points les nations espagnole et anglaise; mais il ne peut pas dissimuler à l'Angleterre le danger qu'il envisage, et qu'il sera forcé de partager, si ces objets qui paraissent affecter sensiblement S. M. Catholique, déterminaient la guerre; c'est pourquoi S. M. regarde comme une considération première pour l'avantage et la solidité de la paix, qu'en même temps que ce bien désiderable sera arrêté entre la France et l'Angleterre, S. M. Britannique termine

ses différends avec l'Espagne, et convienne que le roi Catholique sera invité à garantir le traité qui doit réconcilier (Dieu veuille à jamais) le roi d'Angleterre.

Au reste, S. M. ne confie ses craintes à cet égard à la cour de Londres, qu'avec les intentions les plus droites et les plus franches de prévenir tout ce qui pourrait à l'avenir troubler l'union des nations française, et anglaise, et Elle prie S. M. Britannique, qu'Elle suppose animée du même désir, de lui dire naturellement son sentiment sur un objet aussi essentiel.

No. XIX.

Note de M. de Bussy, adressée à M. Pitt; du 15 juillet 1761.

Depuis que le mémoire de propositions de la France a été formé, et au moment que le courrier allait partir pour Londres, le roi a reçu le consentement de l'impératrice-reine à sa paix particulière avec l'Angleterre, mais à deux conditions.

La première, que l'on conserverait la possession des pays appartenants au roi de Prusse.

La seconde, qu'il soit stipulé que le roi de la GrandeBretagne, tant en sa qualité de roi qu'en celle d'électeur, ne donnera aucun secours ni en troupes, ni de quelqu'autre espèce que ce soit au roi de Prusse, et que S. M. Britannique s'engage à ce que les troupes hanovriennes, hessoises, brunswicoises et autres auxiliaires unies aux Hanovriens ne se joignent point aux troupes du roi de Prusse, de même que la France s'engagera à ne donner aucun secours, d'aucune espèce, à l'impératrice-reine, ni à ses alliés.

Ces deux conditions paraissent si naturelles et si justes par elles-mêmes, que S. M. n'a pû qu'y acquiescer, et qu'Elle espère que le roi de la Grande-Bretagne voudra bien les adopter.

Ces matières si sérieuses, sur lesquelles reposaient les destins de deux grandes nations qui avaient entraîné avec elles une partie de l'Europe, furent discutées dans une conférence que M. de Bussy eut le 23 juillet, avec M. Pitt, et dans laquelle le plénipotentiaire français remit les pièces ci-dessus (1). M. de Choiseul recommandait expressément à M. de Bussy, de mêler adroitement aux diverses propositions de paix qu'il ferait à M. Pitt, des éloges sur ses lumières, et surtout de l'accabler de protestations de confiance dans sa probité; la flatterie étant un des grands moyens de persuasion auprès des esprits vains: ,,et dans ,,tous les cas" observait M. de Choiseul,,,les compli,,ments et les propos même exagérés en politesse, sont ,,utiles." M. de Bussy commença par insister sur la déclaration exigée de l'Angleterre,,que si la négo,,ciation n'était pas couronnée d'un heureux succès, les ,,conditions proposées seraient regardées comme non ,,avenues." Mais l'impatience ne permit pas à M. Pitt d'entendre le développement des raisons de M. Bussy; et il l'interrompit avec vivacité en disant,,,qu'il s'a,,gissait bien de discuter longuement une question si ,,peu intéressante par elle-même, tandis qu'il y en „avait tant d'autres importantes à traiter." Il s'exhala en reproches amers contre les détails étudiés de M. de Choiseul, et finit par faire part à M. de Bussy d'une déclaration arrêtée dans le conseil du roi, il y

(1) Elles avaient été communiquées précédemment à M. Stanley, afin que ce ministre en rendit compte à sa cour, et que M. Pitt pût sans perdre de temps, en conférer avec le plénipotentiaire français.

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