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manité, entre les deux couronnes; et la résolution où est le roi, conjointement avec S. M. Britannique, de terminer, par un traité aussi clair que durable, les différends qui ont occasionné la présente guerre, a déterminé S. M., en conservant l'esprit et la lettre de la déclaration du 26 de mars dernier, relativement aux moyens de procurer la paix, d'expliquer plus expressément par ce mémoire les conditions qui lui paraissent les plus propres pour parvenir au but désirable qui l'anime, ainsi que le roi d'Angleterre.

Mais le roi déclare, en confiant ce projet au roi de la Grande-Bretagne, que s'il n'était pas accepté par S. M. Britannique ou qu'il ne servit pas de fondement à la négociation de la future paix, la cour de Londres, dans aucune position ne pourrait en tirer avantage, le dit projet confié au roi de la Grande-Bretagne, n'ayant pour objet que d'accélérer une négociation qui intéresse autant les deux couronnes. L'uti possidetis, énoncé dans la déclaration du 26 de mars, est adopté des deux parties; il serait difficile qu'il pût être contredit par aucune, car quand il ne serait pas énoncé, ce ne peut être justement que d'après ce que possèdent ou légitimement ou par conquêtes les puissances, qu'Elles négocient entre Elles la paix et les compensations qui deviennent nécessaires à cet objet. Les époques du statu quo, qui forment le second point essentiel de la déclaration du 26 mars, et qui étaient restées en négociation entre les deux cours, n'ont pas encore été fixées. La cour de France a proposé les époques de mai, juillet et septembre; celle d'Angleterre propose les époques de juillet, septembre et novembre. Cette question sera décidée sans plus ample négociation, si le projet du traité ci-après est adopté par la cour de Londres; car alors toutes les époques seront valables, celle de la paix réunissant les avis et les sentiments des deux rois.

Ce sont donc les compensations qui détermineront les époques et la paix, et c'est pour y parvenir, que le roi propose au roi de la Grande-Bretagne les articles ci-joints:

Art. 1. Le roi cède et garantit au roi d'Angleterre le Canada, tel qu'il a été possédé ou dû l'être par la France, sans restriction, et sans qu'il soit libre de revenir, sous aucun prétexte, contre cette cession ou garantie, ni de troubler la couronne d'Angleterre dans la possession entière du Canada.

Art. 2. Le roi, en transportant son plein droit de souveraineté au roi d'Angleterre sur le Canada, y met quatre conditions. La première, que la liberté de la religion catholique romaine y sera conservée, et que le roi d'Angleterre donnera les ordres les plus précis et les plus effectifs pour que ses nouveaux sujets catholiques romains puissent, comme ci-devant, professer publiquement le culte de leur religion, selon le rit de l'église romaine. La seconde, que les habitants français ou autres, qui auraient été sujets du roi en Canada, puissent se retirer dans les colonies françaises avec toute sûreté et liberté; qu'il leur sera permis de vendre leurs biens et de transporter leurs effets, ainsi que leur personne, sans être gênés dans leur émigration, sous quelque prétexte que ce soit (hors celui de dettes); le gouvernement d'Angleterre s'engagera à leur procurer les moyens de transport au moins de frais possible.

La troisième, que les limites du Canada, relativement à la Louisiane, soient fixées immuablement et clairement, ainsi que celles de la Louisiane et de la Virginie, de manière qu'après la confection du traité de paix, il ne puisse plus y avoir de difficultés entre les deux nations sur l'interprétation des limites, relativement à la Louisiane, soit par rapport au Canada, soit par rapport aux autres possessions anglaises.

NB. M. de Bussy a un mémoire sur l'objet des limites

de la Louisiane, qui le met en état de traiter définitivement cet article avec le ministère de S. M. Britannique.

La quatrième condition enfin, est que la liberté de la pêche et de la sécherie de la morue sur le banc de Terre-Neuve

soit assurée aux Français comme ci-devant; et comme cette assurance serait illusoire si les bâtiments français n'avaient pas un abri appartenant à leur nation dans ces contrées, le roi de la Grande-Bretagne, en considération de la garantie de la nouvelle conquête, restituera l'ile Royale ou cap Breton, pour être possédé par la France en toute souveraineté. On conviendra que pour mettre un prix à cette restitution, la France, sous aucune dénomination, n'élevera dans l'ile de fortifications, et se bornera à y entretenir les établissements civils et le port pour la commodité des bàtiments pècheurs qui y aborderont.

Art. 3. La France restituera à l'Angleterre l'ile de Minorque et le fort Saint-Philippe, dans le même état qu'il s'est trouvé lorsqu'il a été conquis par les armes du roi, ainsi que l'artillerie appartenante à l'Angleterre qui était dans le fort lors de la prise de cette île.

Art. 4. En considération de cette restitution, l'Angleterre restituera de son côté à la France l'île de la Guadeloupe et de Marie - Galante, et ces deux îles seront rendues dans le même état où elles se sont trouvées lors de la conquête par les armes d'Angleterre.

Art. 5. Les îles appellées neutres sont celles de la Dominique, Saint-Vincent, Sainte-Lucie et Tabago. Les deux premières sont occupées par les Caraibes sous la protection de la France, selon le traité de 1760; elles resteront dans l'état où elles ont été depuis ce traité.

La couronne d'Angleterre n'a présenté jusqu'à présent aucun titre qui lui donnât des droits sur les deux dernières; cependant il sera négocié entre les deux cours, ou que ces quatre îles restent neutres absolument, ou que les deux possédées par les Caraïbes soient seulement déclarées neutres, et que l'Angleterre entre en possession souveraine de l'ile de Tabago, de même que la France de celle de Sainte-Lucie, sauf toutefois le droit d'un tiers avec lequel les deux couronnes s'entendront si ce droit existe.

Art. 6. Il serait avantageux que les compagnies des deux nations aux Indes-Orientales, s'abstinssent à jamais de toutes vues militaires et de conquêtes, pour se restreindre et s'entr'aider dans les vues de commerce qui leur sont propres. L'on ignore en France la situation précise où les deux nations se trouvent aux Indes-Orientales; c'est pourquoi le roi, afin de se renfermer sur cette partie dans l'objet utile pour le présent et pour l'avenir aux deux compagnies, propose au roi d'Angleterre le traité conclu entre les sieurs Godeheu et Saunders, pour base du rétablissement de la paix en Asie.

Art. 7. Les colonies de l'Amérique méridionale possédées par la France, ont besoin nécessairement de nègres pour leur culture; les établissements français dans le Sénégal et Gorée fournissaient aux colonies françaises leurs besoins dans ce genre. L'Angleterre, en conservant ces établissements nuirait à la France, sans se procurer un avantage positif, et l'union que les souverains désirent si véritablement de rétablir entre les deux couronnes, ne permet pas que l'on suppose cette envie de nuire dans la cour de Londres. La France cependant, pour le bien de la paix, offre à l'Angleterre le choix de la possession du Sénégal ou de l'île de Gorée, bien entendu que l'une ou l'autre possession sera rendue et garantie au roi par S. M. Britannique.

Art. 8. L'ile de Belle-Isle et sa forteresse conquise par les armes d'Angleterre, sera restituée à la France avec l'artillerie aux armes du roi, qui s'y est trouvée lors de la prise.

Art. 9. En considération de l'article 8 accordé par l'Angleterre, le roi fera évacuer par ses armées d'Allemagne, le landgraviat de Hesse, le comté de Hanau, ainsi que la ville qui ne sera occupée par aucune des troupes des deux puissances, laissant la navigation du Mein libre, et les parties de l'électorat d'Hanovre occupées par les troupes françaises; et ces évacuations seront précedées d'une suspension d'armes entre les deux couronnes, laquelle

suspension d'armes aura lieu du jour de la ratification des préliminaires ou des articles du traité définitif, non-seulement en Allemagne, mais dans toutes les parties du monde où la France et l'Angleterre font la guerre.

Art. 10. Comme le roi est engagé par un traité avec l'impératrice-reine, de ne rien stipuler dans son traité de paix avec l'Angleterre qui puisse être désavantageux à S. M. Impériale, et que l'on a prévu le cas, où par une suspension d'armes entre les armées françaises et britanniques les troupes allemandes à la solde de l'Angleterre pourraient s'unir à celles du roi de Prusse contre les armées autrichiennes, le roi, fidèle à ses engagements envers ses alliés, et fort éloigné de rien statuer qui puisse leur nuire, propose au roi d'Angleterre qu'il soit convenu, que S. M. Britannique s'engagera qu'aucune partie des troupes qui composent l'armée du prince Ferdinand, sous quelque prétexte que ce puisse être, ni sous aucune dénomination, ne joindra l'armée de S. M. Prussienne, et n'agira offensivement contre les troupes de l'impératrice-reine et de ses alliés, de même qu'aucune troupe française, sous aucun prétexte, ne joindra l'armée impériale, et ne pourra servir contre les alliés de la Grande-Bretagne. Pour constater les positions, il sera de plus arrêté qu'après les évacuations, l'armée du Haut-Rhin commandée par le maréchal de Broglie se retirera sur le Mein, le Nèkre et le Rhin, occupant Francfort; et celle du Bas-Rhin commandée par le maréchal de Soubise se retirera aussi de son côté sur le Rhin, occupant Wesel et la Gueldre.

Les pays du roi de Prusse sur le Bas-Rhin ont été conquis, et sont gouvernés actuellement au nom de l'impératrice-reine; le roi ne voudrait pas s'engager à les évacuer sans le consentement de S. M. Impériale, et avant le succès des négociations du congrès d'Augsbourg, qui doit rétablir la paix entre l'impératrice et le roi de Prusse; mais comme il serait désavantageux aux deux couronnes d'entretenir en Allemagne un corps considérable de troupes natio

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