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autorisait et encourageait; et pour exprimer la déloyauté de la France en deux mots, il accuse ses ministres d'avoir épuisé tous les moyens d'artifice et de dissimulation, pour endormir la Grande-Bretagne, pour détourner l'effet de son ressentiment depuis la naissance des troubles de l'Amérique jusqu'au moment, où M. le marquis de Noailles remit sa déclaration de guerre..... Il est certain que le roi avait promis de défendre les exportations d'armes pour l'Amérique. Elles furent défendues en effet, et quoiqu'en dise le ministère anglais, on les empêcha autant qu'il était possible sans attenter à la liberté des citoyens, sans mettre dans le commerce une inquisition, qui n'est d'usage dans aucun coin de l'univers, et que les Anglais eux-mêmes nous auraient reprochée comme un acte d'un despotisme insupportable.

Selon lord Stormont la défense du roi était transgressé journellement, publiquement et même du su et à la vue des officiers publics chargés de veiller à son exécution. Il est possible, en effet, que des négociants français aient hasardé, en donnant de fausses désignations, de faire des expéditions d'armes pour l'Amérique. Mais la plupart des dénonciations, faites à l'ambassadeur d'Angleterre, se sont trouvées ou fausses ou destituées de preuves suffisantes; en sorte qu'il était impossible de convaincre et par conséquent de punir les coupables, à moins que l'on n'eût porté, non pas la complaisance, mais l'abus de l'autorité jusqu'à regarder un soupçon ou la dénonciation d'un espion, comme une preuve légale et irréprochable. C'est à la vérité là ce que prétendait le vicomte de Stormont. Mais le roi ne pouvait que rejeter comme l'aurait fait la cour de Londres, une exigence de cette espèce.

Au surplus, quand le roi conviendrait, que le simple soupçon sur la destination des bâtiments français devait suffire pour les arrêter, et que ces mêmes bâtiments se trouvaient dans une contravention manifeste pour avoir des marchandises utiles aux Américains, il n'en serait pas moins cer

tain que tous les jugements, rendus par les vice-amirautés anglaises, sont injustes parce qu'ils sont tous contraires à la teneur des traités. En effet, l'article XXIV du traité d'Utrecht veut, que tout vaisseau de guerre ou armateur se tienne hors de la portée du bâtiment marchand, et qu'il se contente d'envoyer une chaloupe avec deux ou trois hommes pour examiner ses papiers de mer; et selon les articles XX et XXV l'examen de ces papiers, s'ils sont en règle, doit suffire pour la justification du capitaine marchand; et dans ce cas le bâtiment de guerre doit s'abstenir de tout visite ultérieure. Enfin l'article XXVI veut, qu'en cas de contrebande les marchandises seules, indiqués sous ce nom par l'article XIX, puissent être de bonne prise, le surplus de la cargaison doit être renda aussi bien que le bâtiment. Toutes ces stipulations sont d'une précision et d'une clarté, qui n'admettent ni interprétation ni subterfuge: Cependant il est de fait, qu'elles ont toutes été violées, à l'égard des prises conduites dans les ports de la domination anglaise, et que les juges ne les ont pas plus respectées que les capteurs. La cour de Londres ne contredira certainement point cette assertion; ou, si elle pense devoir le faire, on doit présumer qu'elle appuiera son sentiment par des exemples. En résumant tous les détails dans lesquels on a été forcé d'entrer, on voit que, bien loin que la cour de Londres ait un reproche légitime à faire au roi, S. M. peut dire au contraire avec la plus grande vérité, que la conduite de la GrandeBretagne à son égard a été une violation continuée et préméditée du droit des gens, des usages de la mer, des règles prescrites par les traités; que le moindre des faits que le roi a reprochés à la cour de Londres, aurait suffi à un prince moins pacifique que S. M., pour lui déclarer la guerre. En un mot, que la cause pour laquelle S. M. a les armes à la main, n'a d'autre objet que de mettre un terme à la prépotence et aux injustices habituelles et systématiques de la Grande-Bretagne; de faire rentrer toutes les nations dans les droits, que cette avide puissance a usurpés; enfin, de procurer à

l'univers entier une tranquillité, dont la durée ne dépendra plus désormais des caprices et de la cupidité de la cour de Londres.

En laissant au lecteur impartial et sincère à juger de la solidité des plaintes, comme de celle de la justification des deux puissances, nous nous bornons à dire, ainsi qu'un auteur moderne s'est exprimé sur la conduite qu'a tenue la France en cette occasion, que le cabinet de Versailles déploya une profonde politique, et une habileté peu commune dans l'exécution du plan, de vouloir servir de guide aux colons anglais, et les conduire ouvertement à l'indépendance. On peut même avancer que dans aucune affaire, quelque importante qu'elle fut ni dans aucun temps, le gouvernement français ne fit preuve d'autant de sagacité et de constance. Il opéra sourdement tant qu'il était périlleux de se découvrir; et il marcha à visage découvert dès que les succès des colons eurent permis de voir en eux des alliés sûrs. Il entra dans la lice, lorsque ses armées, et surtout ses flottes furent prêtes; lorsque tous les peuples se prononçaient en sa faveur, lorsque tout enfin lui promettait la victoire (1).

Ce fut le traité de paix, signé le 3 septembre 1783 à Versailles, entre l'Angleterre, l'Espagne et la France, qui termina enfin cette guerre désastreuse, qui avait embrasé les deux mondes.

(1) Flassan, Hist. gén. de la dipl. franç.

CAUSE CINQUIÈME.

Intervention armée de Frédéric-Guillaume Il, roi de Prusse, dans les troubles éclatés en 1785, dans la république des ProvincesUnies des Pays-Bas.

C'EST

'EST du traité de paix signé à Fontainebleau le 8 novembre 1785, entre l'empereur Joseph II et la république des Provinces-Unies des Pays-Bas, sous la médiation et la garantie de la France, que date l'époque où les deux partis qui divisaient la république, prirent un caractère véritablement hostile, et d'où commence une série d'événements qui finirent par amener la guerre civile, et l'intervention armée du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II.

Les deux partis politiques qui divisaient la république lors des discussions qui s'étaient élevées en 1780, entre la Grande-Bretagne et les Hollandais, au sujet du commerce de bois de construction que ces derniers portaient aux ennemis de cette puissance, et que la France protégeait, se déclarèrent l'un pour la France, l'autre pour l'Angleterre. Le parti antistat

houdérien, qui se nommait patriote, demandait une augmentation des forces maritimes pour protéger le commerce contre les Anglais; le parti de la maison d'Orange crut qu'il fallait en même temps mettre les forces de terre sur un pied respectable, pour pouvoir fournir aux Anglais les secours auxquels ils avaient droit en vertu des traités (1).

La cour de Londres voulant prévenir l'accession de la république à la neutralité armée, à laquelle elle avait été invitée par l'impératrice de Russie, lui déclara la guerre, le 20 décembre 1780.

Pendant ces événements politiques, la faction antistathoudérienne travaillait à l'exécution de ses projets. Un comité directeur, qui ce nommait l'assemblée des régents patriotiques, dressa alors un plan pour la future constitution du pays. Cette faction voulait, diton, conserver la forme du gouvernement, en tant qu'il se composait des états et du stathouder; mais les états qui n'étaient que de simples mandataires devaient jouir d'une indépendance absolue et de la pleine souveraineté; le stathouder devait être exclu de leurs assemblées et par conséquent de toute part au gouvernement. On voulait le dépouiller de la prérogative de nommer à des fonctions publiques. Les dignités de capitaine et d'amiral de l'union devaient être séparées et exercées par deux individus, ou au moins des représentants de l'union devaient assister aux opérations de la flotte, et des députés, contrôler celles de l'armée de terre. Le stathouder devait être dépouillé

(1) La désunion fut cause qu'on ne fit ni l'un ni l'autre.

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