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eut ordre de ne traiter cette matière avec M. Pitt que verbalement et d'une manière vague; et de tirer au contraire du premier ministre une explication catégorique et par écrit (1).

Quant à la demande de la restitution des bâtiments français pris avant la déclaration de la guerre, et qui avait déjà fait échouer plusieurs projets de pacification, M. de Bussy devait proposer d'en faire, au moins, un objet de compensation, avec quelqu'une des restitutions réclamées par la France: attendu qu'il serait injuste de laisser dépouiller des commerçants qui s'étaient reposés sur la foi des traités, et que nulle hostilité n'avait averti de se tenir sur leur garde (2).

Le

de Marie-Galante, de Sainte-Lucie et de Tabago. Les Anglais se chargeaient de solliciter et d'obtenir le désistement du droit de propriété que la cour d'Espagne prétendait sur ces deux dernières îles. Les autres, savoir: Saint-Vincent et la Dominique, demeuraient neutres et restaient sous la possession des Caraïbes; l'Acadie toute entière fut restée aux Anglais; mais on s'efforcerait de compenser le Canada avec le landgraviat de Hesse et le comté de Hanau. duc de Choiseul pressentait une résistance invincible de la part des Anglais sur cet article. Il prévoyait qu'ils ne consentiraient jamais à établir une égalité de valeur entre les conquêtes qu'ils avaient faites en Amérique, et celles que la France avait faites magne; conquêtes incertaines et précaires, contre lesquelles d'ailleurs tout l'empire germanique eût réclamé. Il sentait qu'il ne fallait pas hasarder une proposition qui eût pu paraître inconsidérée, et allarmer la délicatesse des alliés de la France. Flassan, Hist. de la dipl. fr.

en Alle

(1) Il y aura,,disaient les instructions" un raisonnement bien simple à faire à M. Pitt sur cet objet, qui est, que l'Angleterre ayant l'avantage par ses conquêtes maritimes; et S. M. Britannique ayant commencé la guerre, c'est à elle à donner les propositions afin de faire cesser le mal qu'elle a occasionné.

(2) Ce qui rendait difficile le recouvrement de la valeur des prises

Les lumières que le prince Galitzin ainsi que le comte de Fuentes, ambassadeur d'Espagne à Londres, donnèrent au duc de Choiseul, lui faisaient augurer si mal de cette négociation, que par le dernier article des instructions il recommanda expressément à M. de Bussy, que, s'il s'apercevait que M. Pitt n'eût en vue que de jeter des soupçons dans l'esprit des alliés de la France, et de ranimer le crédit des fonds publics anglais par de feintes dispositions pacifiques, il devait revenir en France, sans attendre de nouveaux ordres de sa cour. Tels étaient la substance et l'esprit des instructions données au plénipotentiaire français.

M. Stanley arriva à Marly en même temps que M. de Bussy arrivait à Londres. Dès la première conférence, le plénipotentiaire anglais déclara au nom de sa cour, que le roi son maître soutiendrait ses alliés efficacement et de bonne foi (ce furent les termes dont il se servit); déclaration, à laquelle il lui fut répondu également de la manière la plus précise, que la volonté de S. M. était de remplir de même ses engagements à l'égard des alliés de la France; mais comme la paix entre l'impératrice-reine et le roi de Prusse devait se traiter au congrès d'Augsbourg, indiqué pour la pacification de l'Allemagne, le duc de Choiseul observa que les différends entre l'impératrice-reine et le roi de Prusse n'étaient nullement l'objet de la mission des ministres français et anglais. Comme M. Stanley n'avait point

faites par les Anglais, était la circonstance, que le parlement les avait déclarées légitimes, et que le produit en avait été partagé entre divers armateurs anglais, qui s'obstineraient comme de raison, à ne point vouloir s'en dessaisir.

l'uti

d'instructions pour transiger sur les compensations, il se borna d'après la pensée de M. Pitt, à prétendre que possidetis devait être séparé des époques (1).

M. Pitt de son côté, déclara au plénipotentiaire français, que S. M. Britannique ainsi que son conseil, avaient adopté l'interprétation donnée précédemment au mémoire de la France; et que si la cour de Versailles persistait à vouloir faire dépendre le sort du statu quo de celui des époques, la négociation était rompue (2).

M. de Bussy objecta que la France avait prétendu asseoir les conditions de la paix sur un état présent et fixe, et qu'il était impossible qu'on lui supposât l'intention extravagante d'avoir voulu les établir sur un état futur et indéterminé; que ç'aurait été se mettre à la discrétion des Anglais, qui pouvaient, en retardant la fixation des époques, accumuler conquêtes sur conquê—

(1) M. de Choiseul écrivit à M. de Bussy: „Je n'ai pas manqué de lui dire (à M. Stanley), que l'uti possidetis était le fond de la question, qui ne pouvait être constaté que par les époques qui en étaient la forme; qu'en proposant le statu quo, le roi ne l'avait entendu que d'après les époques contenues dans mon mémoire; et que, si l'on s'attachait à la lettre du mémoire en Angleterre, il s'ensuivrait, que l'on voudrait négocier les époques; que, le roi ayant fixé les siennes, c'était à l'Angleterre à faire connaître son sentiment. L'Angleterre, en déclarant, que les époques seraient rapportées au jour du traité de paix, et en faisant attaquer Belle-Isle, faisait connaître assez ses intentions ambitieuses; mais l'on devait feindre dans le premier moment de les ignorer. Flassan, Hist. de la dipl. fr.

(2) M. Pitt, comme le mandait M. de Bussy dans une de ses dépêches au duc de Choiseul, déploya dans la première conférence, que ce ministre eut avec lui, toute l'adresse et l'énergic de raisonnement que donne une longue habitude. Il força son caractère ñaturellement dur, et masqua sa mauvaise volonté sous l'apparence de la politesse la plus affectueuse,

tes, et dépouiller la France, en abusant du sens d'une expression; que la preuve que la France avait lié irrévoquablement le statu quo aux époques, résultait du mémoire même où elle en avait proposé de fixes. M. Pitt opposait à ces raisonnements, le passage du mémoire où l'on avait laissé à l'Angleterre la liberté de négocier sur les époques.

Il était évident, après tout ce qui avait été dit et écrit, de part et d'autre sur la proposition de l'uti possidetis, que chaque cour conservant son opinion particulière, la paix s'éloignait plus que jamais. M. de Choiseul tenta encore un dernier effort, pour vaincre la résistance de M. Pitt. Il commença par convenir avoir laissé aux Anglais, la liberté de négocier sur les époques; mais que la France ayant fixé les siennes et l'Angleterre les ayant refusées, c'était à cette dernière puissance à en proposer de nouvelles; et si elles étaient acceptées par la France, la paix était faite. Dans le cas contraire, il n'existait plus d'uti possidetis; car ce serait le comble de l'injustice, que de prétendre profiter des avantages d'une convention, sans en remplir toutes les conditions.

Pour sortir de ce dédale de raisonnements subtils,. qui ne servait qu'à obscurcir la matière, et à ralentir la négociation, M. de Choiseul offrit de signer un acte quelconque qui contiendrait quatre articles préliminaires.

Par le premier, on établirait l'uti possidetis comme base de la négociation.

Par le second, ou l'Angleterre accepterait les époques de la France, ou elle en proposerait dont le terme ne serait pas éloigné de plus de six mois.

Par le troisième, on comprendrait dans l'uti possidetis les conquêtes faites en Allemagne, par la France.

Par le quatrième, les deux cours se garantiraient réciproquement leurs nouvelles possessions.

M. de Bussy ayant communiqué à M. Pitt les nouvelles propositions de M. de Choiseul, toutes les réflexions du ministre anglais portèrent sur la garantie que la France demandait à l'Angleterre, pour ses acquisitions en Allemagne. M. Pitt s'éleva avec chaleur contre cette prétention, disant qu'il n'avait jamais songé que l'uti possidetis dût comprendre l'électorat de Hanovre, le landgraviat de Hesse, Gueldre et Wesel, en assurant à la fois que l'Angleterre voyait d'un oeil fort indifférent les prétentions de la France en Allemagne; puisque cette discussion devait être laissée aux membres de l'Empire, et à ses alliés eux-mêmes, qui ne souffriraient pas que la France conservât un pouce de terrain en Allemagne (1).

Malgré des raisonnements aussi spécieux, M. Pitt marquait la plus forte opposition sur cet article. M. de Bussy pensait cependant que les succès des Français en Allemagne, alarmaient le cabinet britannique.

eux.

(1) En effet, si l'on permettait à la France de se former de ces conquêtes, des objets de compensation, l'Amérique septentrionale échappait aux Anglais, et tout le fruit de la guerre était perdu pour D'un autre côté la Hesse et la Prusse ne devaient pas être considérées seulement comme états d'Empire: stipendiées par l'Angleterre, et ayant combattu pour sa cause, la France avait pu légitimement conquérir sur elles; et c'était à l'Angleterre, à se charger des compensations.

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