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aucune confiance dans la sincérité des intentions de la France, et qui soupçonnaient le roi de Prusse de faire servir la concurrence de cette cour, de prétexte pour ne point accorder cette garantie. Par les nouveaux ordres du roi, qui étaient les premiers qui parvinrent à M. de Goertz munis des signatures des ministres du cabinet, il fut encore chargé d'assurer le duc de la satisfaction que sa conduite avait donné à S. M.; de lui faire sentir les motifs qui lui faisaient retarder l'expédition de cet acte formel, et qui étaient fondés sur ce que la cour de Versailles lui avait témoigné qu'elle se prêterait à accorder cette garantie. M. de Goertz voyant que les protestations verbales ne rassuraient point les ministres, hasarda de leur donner dans une note écrite, des assurances formelles et dans les termes les plus positifs pour tranquilliser les esprits inquiets. Cette note, qui fut précédée d'une explication vive que M. de Goertz eut avec le ministre du duc, ainsi qu'avec S. A. elle-même, rendit le calme à tous les deux princes.

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Le duc de Deux - Ponts ainsi que ses ministres toujours indécis et défiants, craignaient d'être abandonnés par la France, et par la suite même par roi. Ils avaient de vives inquiétudes pour les duchés de Juliers et de Berg, puisque la cour de Vienne et l'électeur leur faisaient toujours craindre que le roi ne les demandât pour prix de son intervention. C'est pourquoi ils imaginèrent de prévenir ces dangers, demandant à M. de Goertz de proposer au roi,,que ,,dès que S. M. voudrait garantir au duc ses pactes ,,de famille, la succession entière de tous ses états

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,,possédés par l'électeur palatin, y compris Juliers et ,,Berg, toute la Bavière, et les états et les pays pos„sédés par feu l'électeur Maximilien, ce prince s'en,,gagerait dès à présent par un traité solennel, à ne „jamais se séparer de S. M.; à n'écouter ni accep,,ter aucune proposition sans son gracieux agrément; „à agir dès à présent et pour toujours, d'un par,,fait accord dans toutes les délibérations de la diète, ,,et d'assurer enfin au roi un secours de douze mille ,,hommes, pour toute guerre que S. M. aurait à sou,,tenir comme électeur."

M. de Goertz fit part de ces propositions au roi, et dut désirer d'autant plus vivement qu'elles fussent acceptées par S. M., que la réponse de S. M. Très'Chrétienne à la réclamation que le duc lui avait adressée, comme garant de la paix de Westphalie, et pour lui demander la garantie des pactes de famille conjointement avec le roi de Prusse, était très-vague. Ce n'était qu'une communication faite au duc de celle que le roi de France avait donné à S. M. Prussienne portant:,,que le roi de France ne prendrait directe,,ment aucune part à l'affaire de la succession de la ,,Bavière, qu'elle attendait la décision de cette af"faire pour se déclarer sur la garantie que le duc „lui avait demandée des pactes de famille, et que, ,,quant à la conduite du duc, S. M. Très-Chrétienne „voulait bien lui conseiller de continuer à être ferme, ,,et de ne pas se priver des droits qu'il pouvait avoir.” Un langage aussi froid, aussi insignifiant, et si propre à confirmer au duc que sa méfiance n'avait été que trop fondée, causa les plus vives allarmes, et

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obligea M. de Goertz d'user de tous ses moyens pour inspirer de la fermeté et du courage. Il ne manqua pas non plus de s'expliquer énergiquement avec le ministre de France, en ne lui cachant pas qu'une conduite aussi faible était équivalent à une renonciation à la qualité de garant de la paix de Westphalie, laquelle était cependant si précieuse pour S. M. TrèsChrétienne.

A peine cette réponse du cabinet de Versailles futelle parvenue au roi de Prusse, qu'il envoya par un courrier expédié de Berlin le 28 mars à M. de Goertz, un acte formel de garantie au duc de Deux - Ponts, par lequel S. M. s'engageait,,à soutenir de toute sa ,,puissance, les droits de la maison palatine à la suc,,cession des états de Bavière, contre les prétentions ,,injustes de la cour de Vienne." M. de Goertz eut ordre de faire accepter cet acte par le duc, et de l'échanger contre un contre-déclaration de ce prince, par laquelle il s'engagea à ne point souscrire à aucune condition d'accommodement ni d'arrangement avec la cour de Vienne, sans l'aveu du roi. Il fut en outre muni de pleins pouvoirs, pour signer un traité formel, dans le cas que S. A. et ses ministres le désiraient. M. de Goertz croyant plus convenable et plus facile à faire adopter le premier moyen, eut soin de laisser ignorer à la cour de Deux - Ponts les pouvoirs qu'il avait reçus, et se contenta d'envoyer au roi la contre-déclaration signée de S. A.

Dès ce moment, le duc de Deux-Ponts se trouva à jamais lié à S. M. qui se mit alors à la tête de ses

armées, pour défendre les droits de la maison palatine, la constitution de l'Allemagne et sa liberté.

La mission du comte de Goertz se trouvant ainsi terminée, ce ministre quitta Deux-Ponts et se rendit d'après les ordres de Frédéric II, à Berlin, où S. M., en reconnaissance de ses services, le nomma ministre d'État et le revêtit à la fois d'une des grandes charges de cour.

CAUSE QUATRIÈME.

Différends survenus en 1778, entre la Grande-Bretagne et la France, au sujet de la reconnaissance de l'indépendance des colonies anglo-américaines (1).

PEU de temps après la paix qui fut signée à Paris le 5 novembre 1763, entre la France, l'Espagne et l'Angleterre, il s'éleva entre les colonies anglo-américaines et la mère patrie une contestation mémorable, à la suite de laquelle de nouveaux différends prirent naissance entre la France et l'Angleterre, et finirent par allumer une nouvelle guerre non-seulement entre ces deux puissances, mais encore dans les deux mondes.

(1) Cette guerre pour l'indépendance des colonies anglo-américaines, qui doit être considérée comme l'événement le plus important du 18e siècle, et qui a eu, et, qui aura des conséquences dans les âges les plus reculés, a agité en même temps une question du droit des gens, d'une haute importance, savoir: „jusqu'à quel point des „sujets peuvent-ils être considérés comme rebelles, et conséquemment „quand est-il permis ou défendu à une puissance étrangère en temps „de paix, d'embrasser leur cause, sans violer les principes du droit

,,des gens?"

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