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Les cours alliées de la France, sans mettre d'opposition à cette négociation avec la cour de Londres, marquèrent cependant de l'inquiétude sur la mission réciproque des deux ministres. Elles furent toutefois rassurées par la promesse que le roi leur fit, de leur communiquer avec la confiance la plus entière les détails des objets qui seraient traités soit à Londres soit à Versailles.

Les instructions données à M. de Bussy portaient en substance, que le roi avait proposé à ses alliés, l'établissement de deux congrès qui correspondit l'un avec l'autre, savoir: le premier à Paris, et le second à Londres; mais que ,,disaient les instructions, „l'impératrice – reine, quoiqu'il lui fût impossible de ,,ne pas sentir que des alliés subsidiés sont tenus, à ,,la paix, de suivre l'influence des alliés qui payent, „avait refusé avec opiniâtreté, d'adopter les vues du ,,roi; ... Croyant que sa dignité serait compro,,mise, si elle n'avait pas au moins l'apparence de ,,jouer le principal rôle dans la pacification d'Al,,lemagne."

,,Que le roi, malgré la résistance de la cour de ,,Vienne, toujours résolu à la paix, avait été forcé ,,de changer la forme des moyens qu'il espérait em„ployer pour y parvenir; et fondant son nouveau ,,système sur la distinction qui existait réellement ,,entre ses intérêts particuliers avec l'Angleterre, et ,,ceux des princes d'Allemagne, il avait déclaré qu'il ,,traiterait personnellement avec l'Angleterre.“

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,,Quels que soient les mécontentements" disaient les instructions,,qu'ayent donné au roi, les procédés

,,impérieux de ses alliés, il est trop esclave de ses ,,engagements pour abandonner leur cause. C'est le ,,principe, d'après lequel M. de Bussy concertera tou,,tes ses opérations. Il confiera avec franchise aux ,,ministres des cours alliées, résidants à Londres, les ,,progrès de la négociation."

,,Le roi désire s'épargner tout reproche de du,,plicité; mais il ne veut pas en même temps, sacri„fier les intérêts de sa couronne aux vues ambitieu,,ses et souvent chimériques des deux cours impéria,,les. Pour triompher de leur obstination, le roi n'a ,,pas trouvé d'expédient plus sage, et qui lui ait ,,mieux réussi, que de communiquer ses projets aux ,,deux impératrices; et lorsqu'après les avoir débat„tus, elles refusent d'y concourir, de n'en poursuivre ,,pas moins l'exécution avec la plus inébranlable con,,stance."

„Le roi, en effet n'a qu'un intérêt très-subordonné ,,à celui de l'impératrice - reine dans la guerre d'Al,,lemagne. Aucun traité ne le lie directement avec „le roi de Pologne et l'impératrice de Russie. L'al,,liance contractée par M. le Dauphin avec la maison ,,de Saxe, est le seul motif des secours que le roi ,,lui donne, et des efforts qu'il fera dans le congrès, ,,pour lui obtenir un dédommagement. La politique ,,insidieuse du comte de Brühl n'a point échappé au ,,ministère français. On a surpris son attachement ,,pour la cour de Londres, et on a pénétré l'in,,tention dans laquelle il est de faire servir la Po„logne de noeud aux liaisons de la Russie et de l'Ang,,leterre. Le seul titre, en vertu duquel l'impératrice

,,de Russie puisse réclamer l'assistance et le concours ,,du roi, est son accession au traité conclu le 1 mai ,,1756, entre les cours de Vienne et de Versailles. ,,Depuis, par un traité subséquent du 30 septembre ,,1758, les deux puissances sont convenues de ne „faire ni paix ni trêve, que du consentement général ,,des alliés. M. de Bussy satisfera pleinement à l'exé,,cution du traité, en ne dérobant rien de ce qui se „traitera entre lui et M. Pitt au prince de Galitzin: ,,mais il ne se laissera point arrêter par les obser,,vations de l'ambassadeur russe; et il n'en suivra pas „avec moins d'ardeur son objet principal, qui est la ,,conciliation des différends de la France avec l'An„gleterre; matière absolument étrangère aux cours de ,,Vienne et de Pétersbourg."

,,M. de Bussy trouvera à Londres M. le comte ,,de Fuentès, ambassadeur d'Espagne. Cet ambassa„deur, irrité des lenteurs de M. Pitt, ne respire que „la guerre. Son maître animé du même esprit de ven"geance, a proposé au roi un traité défensif et of,,fensif. Dans l'incertitude du succès de la négocia– ,,tion actuelle avec l'Angleterre, le roi réduit ce traité ,,à une alliance purement défensive. Si M. Pitt té,,moigne trop de roideur dans les conditions de la paix, ,,alors M. de Bussy échauffera le ressentiment de M. ,,de Fuentes, parce que la crainte que les Anglais ,,concevraient d'une déclaration de guerre de l'Es,,pagne, les porteraient à modérer leurs prétentions à „l'égard de la France. Cet objet est très-délicat. Il „ne perdra pas de vue," ajoutent les instructions,,,que

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,,le premier objet de sa mission est de parvenir à ,,une paix raisonnable, et que ce ne peut être que ,,lorsque nous en perdrons l'espérance, que nous se,,rons obligés de nous livrer aux idées de l'Espagne, ,,dans tous les cas très-embarrassantes."

„La réversion du Plaisantin au roi de Sardaigne, ,,formera nécessairement un point de discussion au con,,grès d'Augsbourg (1). M. de Bussy a ordre d'in,,former M. Pitt de la conduite du roi. Il a promis ,,par une lettre écrite de sa main au roi de Sardaigne, ,,que le Plaisantin lui serait restitué. Il est déterminé ,,à remplir ses engagements. Le roi d'Espagne verra „avec regret le démembrement des États de son frère; ,,mais si l'on ne peut convenir d'une indemnité rai,,sonnable, le roi fera ses efforts pour obtenir de l'im,,pératrice-reine, en faveur de l'infant, le duché de ,,Luxembourg et le comté de Namur, en échange des „duchés de Parme et de Guastalle, et de la portion „du Plaisantin appartenant au roi de Sardaigne. M. ,,de Bussy appuyera sur la volonté immuable du roi „de terminer à la fois les deux guerres.

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„M. Pitt a déjà tenté de pacifier l'Allemagne, en ,,laissant subsister la guerre (de l'Angleterre) avec la ,,France. Peut-être cherchera-t-il à ressusciter le ,,même plan; mais M. de Bussy lui fermera la bouche, ,,en prenant son projet dans le sens contraire, c'est„à-dire, en offrant de conclure la paix particulière

(1) On avait indiqué, ainsi qu'il a été dit, un congrès à Augsbourg, dans lequel devaient être discutés les intérêts de toutes les puissances d'Allemagne qui étaient en guerre.

,,de la France (avec l'Angleterre) indépendamment de ,,celle de l'Allemagne."

Il existe un moyen bien simple de rétablir la ,,tranquillité dans cette partie de l'Europe. L'An„gleterre et la France stipendiant leurs alliés, ont cer„tainement acquis le droit d'arrêter entre elles un plan „de pacification générale. Elles les forceraient à l'a,,dopter, en cessant d'alimenter la guerre par les sub,,sides qu'elles leur donnent réciproquement; mais M. ,,de Bussy ne mettra en oeuvre cette idée qu'avec la „plus grande précaution. M. Pitt en abuserait pour en,,lever à la France ses alliés."

,,Le point épineux de la négociation est l'accepta,,tion faite par l'Angleterre de l'uti possidetis, indépen,,damment des époques proposées par la France. (M. „Pitt voulait ainsi se ménager le temps de conquérir ,,Belle-Isle, afin d'avoir un échange à offrir pour l'île ,,de Minorque) mais ni Belle-Isle," portent les instruc„tions,,,ni ce que les Anglais pourraient conquérir de "plus sur nos côtes, ne pourront entrer en compensa,,tion, que vis-à-vis la démolition de Dunkerque tout „au plus. Au reste, avant de laisser échapper ce „mot, il faudra soutenir très-longtemps, que les con„quêtes sur nos côtes, seront restituées pour rien, dans ,,l'arrangement qui se fera de paix maritime."

Les instructions ne traitaient que d'une manière très-superficielle les compensations ('). M. de Bussy

(1) En effet l'uti possidetis assurait aux Anglais toutes leurs conquêtes. Celles de la France se bornaient à la seule île de Minorque, qui devait être le prix de la restitution de la Guadeloupe,

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