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fois le désir que la paix particulière de la France fut unie à la paix générale. Le roi offrait de convenir que chaque puissance resterait en possession de ce qu'elle se trouverait avoir acquis à certaines époques qu'on déterminerait; sauf à négocier pour l'éloignement et le rapprochement de ces époques, ainsi que sur la compensation des objets que l'une ou l'autre puissance aurait l'intention de reouvrir.

L'Angleterre alors avait conquis sur la France l'île Royale au cap Breton, le Canada en entier, les îles de la Guadeloupe et de Marie - Galante et celle de Gorée en Afrique avec le Sénégal; l'on ignorait en Europe la situation précise des affaires des deux cours en Asie; l'expédition contre Belle – Isle n'était point commencée. La France de son côté avait conquis l'île de Minorque, avait rétabli quelques parties du port de Dunkerque, et possédait en Allemagne le comté de Hanau, le landgraviat de Hesse et la ville de Gottingue dans l'électorat de Hanovre.

N. IV.

Lettre du duc de Choiseul, ministre des affaires étrangères du roi de France, adressée à M. Pitt, secrétaire d'État de S. M. Britannique pour les affaires étrangères.

Monsieur, le roi mon maître, en s'unissant aux sentiments de ses alliés, pour parvenir, s'il est possible, au rétablissement de la paix générale, m'a autorisé d'envoyer à V. Exc. le mémoire ci-joint, qui concerne uniquement les intérêts de la France et de l'Angleterre, relativement à la guerre particulière des deux couronnes. Le roi a lieu d'espérer que la manière franche avec laquelle il propose de

traiter avec S. M. Britannique, ôtera toute méfiance dans le cours de la négociation, si elle a lieu, et engagera S. M. Britannique à faire connaître au roi ses sentiments véritables, soit sur la continuation de la guerre, soit sur la conclusion de la paix, ainsi que sur les principes d'après lesquels on doit opérer pour procurer ce bien aux deux nations. J'ajouterai à V. Exc. que je suis en même temps autorisé à l'assurer que, relativement à la guerre qui concerne le roi de Prusse, les alliés du roi mon maître sont décidés à traiter leurs intérêts, dans le futur congrès, avec la même simplicité et la même franchise que je puis assurer à V. Exc. de la part de la France, et qu'en conservant ce qui est dù à leur dignité, à leurs propositions et à la justice, ils apporteront dans la négociation toutes les facilités que leur humanité leur inspire pour le bonheur général de l'Europe.

Le roi mon maître et ses alliés ne doutent pas qu'ils ne trouvent les mêmes sentiments dans le coeur de S. M. Britannique et de ses alliés. Je regarde comme un bonheur pour mon ministère d'avoir été l'organe de sentiments aussi heureux, qui me fournissent l'occasion d'assurer V. Exc. de la considération distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être, etc.

N. V.

Mémoire du roi Très-Chrétien.

Le roi Très-Chrétien désire que la paix particulière de la France avec l'Angleterre soit unie à la paix générale de l'Europe, pour laquelle S. M. fait les voeux les plus sincères; mais comme la nature des objets qui ont occasionné la guerre entre la France et l'Angleterre, est totalement étrangère aux contestations de l'Allemagne, S. M. TrèsChrétienne a pensé qu'il était nécessaire de convenir avec S. M. Britannique des points principaux qui formeront la base de leurs négociations particulières, pour accélérer d'autant plus la conclusion générale de la paix.

Le meilleur moyen de parvenir au but que l'on se propose, est d'écarter les embarras qui peuvent y mettre obstacle. Dans le cas d'une paix, les discussions des nations sur leurs conquêtes réciproques, les différentes opinions sur l'utilité des conquêtes et les compensations pour les restitutions, forment ordinairement la matière embarrassante d'une négociation pacifique. Comme il est naturel que chaque nation, sur ces différentes parties, cherche à acquérir le plus d'avantages possibles, la méfiance et l'intérêt combattent et produisent des longueurs. Pour éviter ces inconvénients, et prouver la franchise de ses procédés dans le cours de la négociation de la paix avec l'Angleterre, le roi Très-Chrétien propose à S. M. Britannique de convenir que, relativement à la guerre particulière de la France et de l'Angleterre, les deux couronnes resteront en possession de ce qu'Elles ont conquis l'une sur l'autre, et que la situation où Elles se trouveront au 1 de septembre de l'année 1761 aux Indes-Orientales, le 1 de juillet de la dite année aux Indes-Occidentales et en Afrique, et au 1 de mai prochain en Europe, sera la position qui servira de base au traité qui peut être négocié entre les deux puissances. Ce qui veut dire que le roi Très-Chrétien; pour donner un exemple d'humanité, et contribuer au rétablissement de la tranquillité générale, fera sacrifice des restitutions qu'il a lieu de prétendre, en même temps qu'il conservera ce qu'il a acquis sur l'Angleterre pendant le cours de cette guerre. Cependant comme S. M. Britannique pourrait penser que les termes proposés des mois de septembre, juillet et mai seraient ou trop rapprochés, ou trop éloignés pour les avantages de la couronne britannique, ou que S. M. Britannique croirait devoir faire des compensations de la totalité ou d'une partie des conquêtes réciproques des deux couronnes; sur ces deux objets le roi Très-Chrétien entrera volontiers en négociation avec S. M. Britannique, lorsqu'il connaîtra ses intentions, le principal objet de S. M. Très-Chrétienne étant de prouver, non-seulement à l'Angleterre, mais à toute la

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terre, les dispositions heureuses où Elle se trouve, d'écarter toutes les entraves qui pourraient éloigner l'objet salutaire de la paix.

Le roi Très-Chrétien s'attend que les dispositions de S. M. Britannique sont pareilles aux siennes, et qu'Elle répondra avec la même sincérité sur tous les points qui sont contenus dans ce mémoire et qui intéressent si essentiellement les deux puissances.

En réponse à ce mémoire de la France, la cour de Londres dans un mémoire qu'elle fit remettre au prince Galitzin, auquel était jointe une lettre de M. Pitt à M. de Choiseul, reconnut comme établie la distinction des deux guerres, accepta le status quo de l'uti possidetis, mais se réservait à négocier sur les époques qu'elle voulait toutefois ne fixer qu'au jour de la signature du traité de paix (1); en manifestant à la fois le désir de voir arriver un plénipotentiaire à Londres afin que l'on pût entrer en négociation (2).

(1) Cette manière adroite d'opérer, tendait à laisser les Anglais en possession de tout ce qu'ils avaient pris à la France. Quant à l'île de Minorque que la France pouvait seule leur offrir en échange, M. Pitt se proposait, à la faveur des délais de la négociation pour les époques, de tenter une entreprise contre Belle-Isle, qui alors aurait servi de compensation pour Minorque.

(2) M. Pitt, en suggérant cette idée à son maître, avait un double objet en vue. D'abord, la première nouvelle de la négociation avait augmenté les fonds en Angleterre; l'arrivée d'un plénipotentiaire français à Londres ne pouvait que consolider l'opinion d'une paix prochaine, et opérer une hausse considérable dans les fonds et les papiers publics: de plus, les arrangements nécessaires pour l'envoi des plénipotentiaires respectifs consumerait du temps, et M. Pitt se proposait d'en profiter pour effectuer la conquête de la Martinique. Flassan, Hist. de la dipl. française.

N. VI.

Lettre de M. Pitt, adressée au duc de Choiseul.

Londres, le 8 avril 1761.

Monsieur, le roi mon maître m'a autorisé d'envoyer à V. Exc., avec la promptitude qui s'est trouvée possible, le mémoire ci-joint, en réponse de celui du 26 du mois passé, fait par ordre et au nom du roi Très-Chrétien, concernant uniquement les intérêts de l'Angleterre et de la France, relativement à la guerre particulière des deux couronnes, lequel était joint à la lettre de V. Exc. de même date, qui m'a été remise par Mr. le prince Galitzin.

S. M. a fait connaître ses sentiments véritables sur l'ouvrage salutaire de la paix, avec la franchise que S. M. Très-Chrétienne a désirée, et dont Elle a donné l'exemple; le roi mon maître de son côté, ne souhaitant rien plus que d'ôter, par la sincérité de son procédé toute méfiance dans le cours de la négociation.

J'informerai de même V. Exc. que c'est avec grande satisfaction que le roi a appris que V. Exc. est autorisée à assurer que, relativement à la guerre qui concerne le roi de Prusse, les alliés de S. M. Très-Chrétienne sont décidés à traiter avec la même simplicité et franchise que la cour de France, et qu'ils apporteront dans la négociation du futur congrès, toutes les facilités que leur humanité leur inspire pour le bonheur général de l'Europe.

Je dois ajouter ici que, relativement à la guerre qui concerne le roi de Prusse, aussi bien qu'à l'égard des autres alliés du roi mon maître, S. M., toujours constante à remplir avec l'exactitude la plus scrupuleuse, les engagements de sa couronne, ne saurait jamais manquer de soutenir leurs intérêts respectifs, soit dans le cours des négociations (que Dieu veuille rendre heureuses), soit dans la continuation de la guerre (si contre toute espérance tel malheur devenait inévitable) avec la cordialité et l'efficace d'un allié sincère et fidèle.

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