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Comte qui représentait le Roi, ou, en son absence, un vicaire ou vicomte. Il tenait ce qu'on appelait un plaid, qui rendait la justice, et faisait des règlemens de police. Il ne pouvait agir qu'assisté de ses assessenrs, Scabini, choisis par les citoyens Curiales, ou possesseurs, par l'élection du peuple, et l'assentiment du comte (1). Ce représentant de l'Empereur ne pouvait infirmer la décision des échevins; il n'en était, à ce qu'il paraît que l'exécu

teur.

A l'occasion des cités, nous devons parler d'une classe de fondations royales, dont l'exemple fut donné sous la première race, et qui devinrent très-nombreuses sous la seconde. Nous voulons parler des ville. Elles furent l'origine d'un grand nombre de villages et de villes, ainsi que leur nom même l'indique. Le système d'admininistration de ces villes que les capitulaires d'institution nous font connaître complètement, a été, plus tard, celui d'autant de villes et villages.

Les villa étaient les maisons de campagne qu'habitaient les Rois, villæ capitanea (villes impériales), ou les fermes qu'ils possédaient en propre (ville ou villages). Les princes de la première et de la seconde race séjournaient en effet, rarement dans les cités, où iln'y avait d'autres palais que ceux construits pour l'usage public, et où, très-souvent d'ailleurs, ils n'étaient point les maîtres. L'histoire de la décadence de Clovis nous présente en effet plusieurs détails d'où l'on doit inférer ce dernier fait: ils habitaient donc leurs pro pres domaines. Aix-la-Chapelle fut primitivement une villa capitanea de Charlemagne. L'administration était ainsi réglée : il y avait un Major, Mayeur, Maire, qui gouvernait la communauté; un juge qui administrait la justice; des colons cultivateurs, les ouvriers divisés en plusieurs catégories ou corporations parmi lesquelles on n'oubliait jamais celle des distillateurs-liquoristes; il y avait enfin un gynécée ou manufacture d'étoffes, etc. N'y a-t-il pas là, en effet, selon la population, les élémens complets d'une ville

(1) Baluze, pag. 68, t. 1; page 661, t. 1; alia capitul. XI.

Baluze, t. I, pag. 465, art. XXII.—Ibid.

ou d'un village. Elles durent devenir très-peuplées, parce que leurs habitans était exempts du service militaire et du cens.

Les bénéfices militaires subsistaient. Un grand nombre de ceux qui existaient autrefois, avaient été convertis en biens propres. Dans plusieurs instructions données aux missi dominici, on trouve l'ordre de rechercher les bénéfices qui ont été retirés par fraude du domaine public, pour être convertis en propriétés particulières. Plusieurs désordres s'étaient d'ailleurs introduits dans le régime intérieur de ceux qui avaient conservé leur titre primitif. Mais ces irrégularités avaient acquis la prescription de l'ancienneté; en sorte que la loi les respecta comme des droits. Ainsi, il n'en était plus comme dans les premiers temps, où tout bénéficiaire était possesseur d'un certain territoire. Quelques-uns possédaient plusieurs manoirs ; quelques autres, un seul ; d'autres, seulement des portions de manoir. C'était, sans doute, en grande partie, la conséquence des hasards de l'héritage, que les soldats," à l'exemple des rois leurs chefs, avaient appliqué à leurs domaines. Il était résulté de là, que dans chaque bourg militaire, pagus,' le pouvoir avait choisi pour chefs du corps, les plus riches',' ceux qui possédaient le plus de manoirs, et qui, par suite, avaient le plus d'influence parmi les casati. Ce titre même était devenu presque héréditaire de fait, sans l'être de droit. Ces chefs immédiats des bénéficiaires étaient appelés seigneurs, seniores. On trouve dans les Capitulaires, des dispositions assez précises, pour que l'on y puisse apercevoir les modifications qu'avait subies l'ordonnance militaire, en raison des changemens dont nous venons de parler. Lorsque le ban était publié, tout homme qui paraissait possesseur d'un bénéfice complet, devait marcher à l'ennemi avec des vivres pour toute la durée de la guerre, qui était au moins de quarante jours; et tout équipé, c'est-à-dire monté et couvert d'un bouclier, et accompagné de la suite de serviteurs' qui lui étaient nécessaires. Il en était de même de ceux qui n'avaient que cinq, quatre ou trois manoirs. Lorsqu'on posséda't moins que ce nombre, on se réunissait pour fournir un homme. C'était parmi les pauvres qu'on choisissait les hommes de pied.

Ceux-ci étaient armés de l'épée, de l'arc, et portaient seulement, pour arme défensive un bouclier. Pendant la route, et sans doute aussi dans le camp, les soldats étaient sous la direction, et sous la surveillance de leurs seigneurs (1). Enfin, toute la troupe était commandée par le comte, le chef du comté, comitatus.

Indépendamment du service de l'armée, les bénéficiaires de vaient subir chaque année, trois revues du comte ou des missi dominici. Dans le langage du temps on disait qu'ils devaient se rendre tout armés aux plaids généraux du comté, qui avaient lieu trois fois par an. C'était le moment des admonitions, des plaintes, et des actes de justice militaire. Dans les cités, les juges siégeaient au moins une fois par semaine.

Pour connaître nettement combien pesante était la charge du service de guerre, il faut se rappeler qu'un manoir était composé de douze bonniers de terre (trente-six arpens), d'une maison d'habitation, et d'une famille de colons fermiers qui étaient chargés de la culture. Il paraît qu'un bénéfice complet se composait de six manoirs.

Les conquêtes de Charlemagne firent une grande consommation d'hommes, non pas tant par suite des pertes faites sur les champs de bataille, que par la nécessité d'établir un grand nombre de garnisons. En effet, ces garnisons, à cette époque, consistaient dans l'établissement des comtés de bénéficiaires, composés d'un certain nombre de bourgs. On avait puisé ces soldats dans la vieille France, et on en avait peuplé la Marche, c'est-à-dire la frontière d'Espagne; on en avait semé l'Italie, la Saxe, et même les bords du Danube. Les Capitulaires contiennent une ordonnance pour l'établissement d'un comté militaire en Saxe. Il arriva qu'après avoir fourni à tant de garnisons, la population militaire de France fut très - diminuée; alors, dans les pressans besoins, on appela à marcher même les colons (lidi) des bénéfices.

Le mode d'établissement des garnisons varia. Ainsi, on voit Charlemagne, assigner, en Saxe, à un Évêque un certain nombre

(1) Cap. Lud. Pii.; anno 822. Recueil des Bénédictins de Saint-Maur, lome 6, page 433, art. XV...

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de cantons, non-seulement pour l'entretien de l'Église, mais pour l'entretien d'un corps de troupes destiné à la garder. Il fit la même chose pour la défense de plusieurs frontières.

Indépendamment de ces troupes, les rois avaient avec eux un corps de capitaines et de soldats attachés à leur personne, et vivant de leurs largesses. C'était parmi ceux-là qu'on choisissait les commandans de province. C'était pour eux qu'était établie l'école du Palais. Le titre de soldat, miles caballerus, ne pouvait être acquis qu'après un certain apprentissage, dont les conditions rappellent, l'usage suivi par les Romains dans leurs camps des frontières, et ce qu'on nomma plus tard Chevalerie. Ainsi, comme chez les Romains, pour être reçu novice, tiro, il fallait prêter le serment militaire. Alors on avait le droit de porter le baudrier militaire. Ce n'était qu'après avoir fait ses preuves que l'on pouvait recevoir le titre de miles ou de chevalier, car c'est par ce dernier mot que l'on a traduit celui de miles qui se trouve dans les chroniques latines des onzième et douzième siècles. Au reste, ainsi que les rois, les ducs et les comtes étaient accompagnés d'un certain nombre de ces novices d'armes. Il en existait, en effet, également dans les bourgs; aussi on trouve les mots erronei tirones, opposés à ceux de casati tirones.

On appelait encore bénéfices, les terres de l'Église, et comme il avait été reconnu qu'elle avait reçu en don, dans les temps de désordre, des terres qui appartenaient au domaine militaire, à cause de cela, il arriva que quelques Églises et plusieurs Couvens furent tenus de fournir un certain nombre d'hommes d'armes. Autrement, l'Église jouissait d'une grande indépendance, et d'une grande richesse. Elle recevait la dîme; il est vrai qu'elle devait en donner un quart aux pauvres, et en consacrer un quart aux frais matériels du culte.

Ainsi, il y avait encore trois classes d'hommes libres; les habitans des cités, qui avaient leurs lois et leur justice à part, et payaient le cens; les habitans des bourgs militaires soumis au service de guerre; les hommes de l'Église, divisés en prêtres et en clercs qui étaient régis souverainement par les Évêques et les

canons. Il y avait encore deux classes de serfs : les colons fermiers ou ouvriers de l'Église, du roi, ou des autres domaines ; et les serfs de corps. Ceux-ci avaient déjà acquis quelque amélioration dans leur condition. Car ce n'était déjà plus pour personne une mésalliance, que le mariage avec un individu de condition servile.

L'ordre fut maintenu dans cette vaste machine par la régularité des plaids de tous les degrés. L'Empereur tenait annuellement une assemblée générale, où devaient se rendre tous les grands officiers, les rois, les ducs, les comtes, les principaux évêques, et ses missi dominici; en langue ecclésiastique, c'était un vrai Concile. Dans toutes les divisions du territoire, et sur tous les degrés de la hiérarchie sociale, les mêmes plaids devaient se répéter, et là on publiait les décisions prises dans l'assemblée générale. On appelait synodes les assemblées provinciales du Clergé. Chaque député de l'Empereur, en d'autres termes, chaque missus dominicus se rendait annuellement de l'assemblée générale dans la division de territoire soumise à sa souveraine juridiction; il y faisait exécuter ses ordres, qu'on appelait capitulaires parce qu'ils représentaient l'unité nationale, et il revenait ensuite rapporter des extrémités au centre, les besoins, les exigences du peuple. Il faut dire que ces envoyés étaient le plus souvent des ecclésiastiques, et que lorsqu'une mission était confiée à un laïc, on lui adjoignait toujours un homme d'Église."

Les habitans des cités ne pouvaient être jugés que par leurs pairs, les échevins; ceux des villes, par les juges préposés par le roi; ceux des bourgs militaires par leurs centeniers, leurs comtes; les comtés, les ducs, ne pouvaient l'être que dans le plaid impérial, c'est-à-dire par leurs pairs.

Tel était,en abrégé, dans les premières années du règne de Louisle-Débonnaire, l'état de l'Empire français. Il nous eût été facile de nous étendre davantage, et, certainement, en ajoutant des détails à cet exposé, nous l'eussions rendu plus intéressant. Mais nous nous sommes renfermés dans des limites déterminées. Nous avons hâte d'arriver à l'histoire qui est le but spécial de cet ouvrage. Nous devons cependant dire encore quelques mots sur le carac

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