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fenseur de la Sainte-Église, et défenseur universel du Siége Apostolique. Et cette autre: Charles, sérénissime, auguste, couronné par Dieu, grand, pacifique et invincible, empereur, gouvernant l'Empire des Romains, et par la miséricorde de Dieu roi des Francs et des Lombards, salut en Notre-Seigneur, etc.

L'histoire de la race de Pepin se divise naturellement en quatre périodes. La première d'accroissement, pleine de gloire et de magnificence: elle commence avec le règne de Pepin, en 752, et finit en 814; elle dura donc soixante-deux ans. La seconde est un temps de transition qui occupe tout le règne de Louis dit le Débonnaire. C'est là le terme où s'arrête la grandeur de la deuxième race, et c'est là aussi que commence et se prépare sa décadence, époque de passage comprise entre 814 et 840. La troisième période est celle de la décroissance; elle s'étend depuis 840 jusqu'en 888, époque où pour la première fois la succession de Pepin fut rompue, et où l'on vit monter sur le trône et commander royalement, un homme nouveau, étranger au sang de Charlemagne. La quatrième période est encore un temps de transition; elle s'étend depuis l'époque où Eudes fut nommé roi de France, jusqu'à l'intronisation définitive de la troisième race, c'est-à-dire jusqu'en 987: elle fut longue, mais aussi elle conclut à quelque chose de plus grand que l'avènement d'une race royale, car ce fut au milieu des désordres qui signalèrent sa durée, que se prépara la société nouvelle dont Hugues Capet fut le premier représentant.

Dans l'esquisse qui va suivre nous nous servirons de cette division: nous l'adoptons de préférence à celle que nous avons employée dans le chapitre précédent. Les méthodes d'exposition doivent être modifiées, non-seulement en raison du sujet, mais encore en raison du but. Or, l'histoire des Carlovingiens est autrement compliquée d'événemens dynastiques et législatifs que celle dont nous nous sommes précédemment occupés. Il faut, pour qu'elle soit claire, qu'elle soit ramenée à une classification très-simple. En outre, notre but n'est plus ici le même. Nous voulions montrer particulièrement, dans le chapitre précédent,

comment se transmettait le pouvoir. Ici, au contraire, nous nous proposons principalement de faire voir comment l'organisation sociale fut changée; et, comment de militaire et civile qu'elle était, elle devint uniquement civile: il a donc fallu recourir à un nouveau système de narration.'

I.-Nous ne nous arrêterons pas à décrire les événemens militaires du règne de Pepin et de Charlemagne: tout le monde sait quels furent leurs résultats. Les frontières de la France, vers le midi, furent établies en Espagne, sur le cours de l'Ebre; en Italie, aux portes de Naples; vers le nord et le levant, sur la Vistule; enfermant dans leur ligne la Prusse, la Bohême, l'Autriche, une partie de la Hongrie, et la Dalmatie tout entière: en sorte que, pendant plusieurs siècles, on a pu dire que l'histoire de tous les royaumes de l'Europe avait son commencement dans celle des Français. Par ces conquêtes, le nom d'Allemagne, qui était celui d'un étroit territoire situé sur le Haut-Rhin et le HautDanube, fut étendu sur le vaste sol que nous désignons aujourd'hui par ce mot. Le nom d'Austrasie, Auster-Rike, fut importé sur le Danube, et de nombreuses villes furent fondées. Enfin, en l'an 800, Charlemagne fut salué, à Rome, du titre d'Empereur d'Occident, et sacré par le Pape. Nous passons sur les détails de cette grandeur, pour nous occuper à constater l'état de la constitution sociale des Français, et noter les changemens qui y furent introduits.

Pepin, pour assurer la succession de la couronne, suivit encore l'usage de ses prédécesseurs. Il associa ses deux fils aînés à son pouvoir, Charles et Carloman. Le dernier reçut la plus grande partie de l'Empire, mais sa mort ne tarda pas à donner le commandement entier à Charles, qui fut appelé, plus tard, le Grand. Charlemagne lui-même ne sortit point de l'ancienne coutume chef d'une population étendue sur un immense territoire, afin de le garder et de l'étendre encore, il plaça aux extrémités les plus menacées, sous le nom de rois, des lieutenans dont la foi lui était assurée par les liens du sang. Il plaça Louisle-Débonnaire en Aquitaine, et Pepin en Italie; lui-même, afin

de surveiller l'Est, séjourna particulièrement sur le Rhin, dans une maison royale, villa capitanea, qui devint plus tard la ville d'Aixla-Chapelle. Enfin, en 813, lorsqu'il voulut assurer la succession de la couronne, dans une assemblée générale tenue à Aix-la-Chapelle, il associa à l'Empire le roi Louis-le-Débonnaire, assura au fils de Pepin, au jeune Bernard, le titre de roi d'Italie, et recommanda ses autres enfans au nouvel Empereur. Ainsi, il est évident que Charlemagne, pour maintenir l'unité de l'Empire, et conserver cependant l'usage de partager le commandement entre les enfans, pensa à constituer un système hiérarchique dans la famille royale, en établissant qu'un seul serait Empereur, que plusieurs pourraient être rois, mais que ce titre serait seulement celui des premiers sujets et des premiers fidèles de l'Empire. Charlemagne mort, sa pensée fut établie comme loi nationale, dans une assemblée qui eut lieu en 817, la quatriène année du règne de Louisle-Débonnaire, qui se trouvait alors seul possesseur de la succession, soit par la mort du jeune Roi d'Italie, soit parce qu'il n'avait pas obéi à la recommandation de son père, en faveur de ses autres frères. Il faut lire dans les chroniques du temps, et dans le préambule même de la Charte qui contient cette loi, combien solennelle fut cette décision. Ce fut sur la demande de l'assemblée générale des Évêques et des Chefs militaires, réunie selon la coutume pour traiter des affaires de l'Église et du royaume, afin que l'Unité de l'Empire que Dieu lui avait donnée à conserver ne fût point rompue par un partage humain, qu'après trois jours de jeûne et de prières, Louis déclara l'unité de succession, ordonnant qu'il n'y aurait à l'avenir qu'un Empereur dont les rois seraient les vassaux. En effet, il associa à l'empire Lothaire, son fils aîné; il revêtit Pepin et Louis du titre de Rois, donnant au premier le commandement de l'Aquitaine, des Pyrénées, de la Marche d'Espagne, etc.; et au second, le commandement de la Bavière, de la Carinthie, de la Bohème, des Avares et des Slaves. Il ordonna que la succession de ces souverains continuerait de mâle en måle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion des Bâtards.

Nous ne pouvons rapporter les détails de cette charte en dixhuit articles, où l'on voulut tout prévoir. Nous ne citerons que l'article relatif aux cas de déchéance : ‹ S'il arrivait (que Dieu détourné ce malheur!), s'il arrivait qu'un de nos successeurs, par cet amour des choses terrestres qui est la source de toutes nos fautes, se laissât entraîner à des actes d'oppression et de dureté contre les églises et les pauvres, ou s'abandonnât aux voluptés de la tyrannie et à ses habitudes cruelles, d'abord que ses fidèles l'avertissent trois fois, en secret, selon le précepte du Seigneur; s'il résiste, qu'il soit cité par son frère devant son frère, afin qu'il soit averti et corrigé par ses conseils; s'il méprise ces avis salutaires, alors qu'il soit décidé de lui par la commune sentence de tous, afin que celui qu'une admonition fraternelle n'a pu retirer de la mauvaise voie soit réprimé par la puissance impériale et le jugement de tous. ›

Cette charte fut jurée par tous les fidèles, afin, dit le préambule, que ce qui avait été fait par la volonté de tous, fùt conservé et rendu inviolable par le dévouement de tous.

Les premières années du règne de Louis-le-Débonnaire furent victorieuses, et laissèrent l'intérieur de l'Empire, obéir, dans un parfait repos, à la législation administrative établie par Charlemagne.

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En 827, Ansegive, abbé par la grâce de Dieu, c'est le titre qu'il se donne, réunit en une seule collection, par l'ordre de l'Empereur, les Capitulaires de Charles-le-Grand et de son fils.

C'est donc ici, selon l'ordre rigoureux de l'histoire, qu'il faut rapporter l'examen de l'état de la France pendant la plus grande splendeur de la deuxième race; car, c'est ici le point extrême où elle cesse de s'accroître, et auquel commence sa décadence. Nous avons à rechercher, dans ce code, si l'organisation sociale a éprouvé quelque changement profond qui puisse la faire considérer comme essentiellement différente de celle qui existait sous les rois de la première race, ou, en d'autres termes, *subi des changemens qui la mettent en dehors des considérations générales que nous avons établies au commencement de ce livre.

En jetant un premier coup d'œil sur cet ensemble de lois, on est assuré que rien n'a été changé à la constitution primitive de la nationalité française. En effet, on ne trouve rien qui ait le caractère de ces réglemens généraux où sont écrits les systèmes de réorganisation sociale. En outre, on aperçoit les noms d'ingénus, de curiales, de possesseurs, de colons qu'on appelle aussi lidi, de serfs, de loi romaine ou Théodosienne, de casati, d› bénéficiaires qu'on appelle aussi vassali, de fidèles ou barons, de ducs, de comtes, de centeniers, de juges que dans les cités on voit désignés sous le nom d'échevins, scabini. Ainsi, il est constaté que ces nombreux Capitulaires ne peuvent avoir eu d'autre but que d'introduire des dispositions relatives au rétablissement et à la solidité de l'ordre administratif, ou à la con→ firmation des devoirs et des droits: s'ils apportent quelques modifications à l'ancien régime, elles ne peuvent être que fort légères.

Nous tenons note de ces considérations, afin que ceux qui voudraient vérifier notre dire puissent acquérir une certitude par un court examen, et ne soient pas obligés à une lecture aussi attentive que celle qui nous était imposée. Le législateur, en effet, s'adressait à des Institutions toutes faites, et ne s'est pas occupé à les décrire; pour nous, au contraire, c'est notre tâche.

Les cités étaient restées constituées, ainsi que nous l'avons vu dans notre premier livre : seulement elles n'avaient plus de Sénat. Il est probable que cette institution, qui n'existait déjà plus chez les Bagaudes du cinquième siècle, avait disparu partout dans les troubles civils de la fin de la première race. Le peuple des cités était encore divisé en plusieurs classes: les curiales, les possesseurs, les hommes qui se livraient au négoce, à la navigation ou au transport des marchandises, et les ouvriers. Les Évêques, et toute cité avait le sien, avaient une grande part dans leur administration; ils tenaient l'état civil de l'époque; ils suspendaient les jugemens, et, souvent, revêtus du titre d'envoyés (missi dominici), ils tenaient des plaids et jugeaient au civil et au criminel, militaires et bourgeois, etc. Chaque cité avait un

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