Page images
PDF
EPUB

terminé sans doute l'ordre de la noblesse à se désister de sa modification. Je suis persuadé que, plus l'ordre du tiers-état me donnera de marques de confiance et d'attachement, et mieux leurs démarches représenteront les sentimens d'un peuple que j'aime, et dont je ferai mon bonheur d'être aimé.

› A Marly, ce 16 juin.

» Signé Louis. ›

Au dos est écrit: A M. Bailly, doyen de l'ordre du tiers-état. Après la lecture de cette lettre, l'on s'occupe de la nomination des commissaires pour la rédaction de l'adresse au roi arrêtée le matin. Le choix en est déféré au bureau, qui nomme les anciens commissaires conciliateurs pour la rédiger. En conséquence, MM. Chapelier, Bergasse et Barnave sont chargés de faire l'adresse projetée.

La séance est levée.

Il n'y eut point de séance le 18, parce que les députés assistèrent à la procession du St-Sacrement. Dans la séance du 19, l'assemblée s'occupa de l'impression de ses arrêtés, et de leur envoi aux provinces. Ensuite elle passa à l'organisation de ses comités. Elle arrêta qu'il serait formé quatre comités: l'un des subsistances; l'autre de vérification et de contentieux; le troisième de rédaction chargée de la correspondance et des impressions; le quatrième, du réglement. A peine ce travail fut-il achevé, que M. Barrère fit une motion pour la nomination de commissaires chargés de rechercher les blés soustraits à la circulation.

Clergé.

Après six jours de délibération, il est enfin arrêté de recueillir les voix sur le parti que l'ordre du clergé doit prendre.

Vérifiera-t-on les pouvoirs en commun dans la salle générale, ou bien les vérifiera-t-on séparément? Telle est la question qui est proposée d'abord, et qui paraît, à une grande partie des membres, devoir être la seule qui puisse être admise,

M. l'archevêque de Paris avance que la matière sur laquelle on discute depuis huit jours, n'est plus la même ; qué la constitution

de Messieurs des communes en chambre nationale a absolument

changé l'état de la question, et propose :

1° De vérifier les pouvoirs dans la chambre du clergé, et de se constituer en chambre active;

2o De persévérer dans l'adhésion pure et simple au plan conciliatoire proposé par les commissaires du roi ;

5° De communiquer la présente délibération aux ordres du Tiers et de la noblesse ;

4o D'envoyer une députation au roi, pour le supplier de s'occuper, dans sa sagesse, des moyens d'établir une correspondance entre les trois ordres des Etats-Généraux.

Une partie de la chambre refuse d'admettre une motion aussi compliquée, et représente qu'on ne doit délibérer que sur la question qui a été discutée.

Un curé observe d'ailleurs que cette motion est opposée au plan de conciliation, en ce qu'elle tend à vérifier séparément, et à se constituer sans délai.

Les partisans de cette motion soutiennent qu'on ne peut se refuser de mettre en délibération une question proposée par un membre de la chambre, surtout lorsqu'elle est appuyée par un grand nombre d'opinans. Elle est mise aux voix conjointement avec la première.

Dans le cours des débats, il s'élève un troisième avis formé des amendemens de ceux qui ne veulent admettre la vérification commune qu'avec certaines modifications; ce troisième avis consiste à demander qu'avant la vérification commune, il soit fait une nouvelle députation aux deux autres ordres, et que la distinction et l'indépendance des ordres soit préalablement re

connue.

Il résulte du recensement des opinions, qu'il y a 155 voix pour le sentiment de M. l'archevêque de Paris, 127 pour la vérification en commun, et 12 voix pour le même avis, avec des modifications.

Les membres qui ont voté pour la vérification en commun, proposent à ceux qui ont adopté le même parti avec amende

ment, de se réunir aux 127 qui avaient opiné purement et simplement. Ils le refusent. Alors les 127 disent unanimement et par acclamation qu'ils acceptent les réserves et par conséquent qu'ils ont la majorité. Cependant le président annonce que la pluralité est acquise pour se constituer en ordre du clergé, et lève la séance sans la clore, et sans prendre un arrêté définitif.

La majorité déclare qu'elle va la continuer; et que, dût-on passer la nuit, elle ne se séparera pas sans avoir constaté le véritable nombre des suffrages, et sans avoir pris un arrété.

MM. les archevêques de Bordeaux, de Vienne, l'évêque de Chartres, et tous ceux qui ont été du même avis, reprennent leurs places. L'appel est recommencé.

L'arrêté suivant est adopté:

› La pluralité du clergé assemblée est d'avis que la vérification: définitive des pouvoirs soit faite dans l'assemblée générale, sous la réserve de la distinction des ordres, réserves de droit. ›

122 membres présens signent cet arrêté avant de se retirer; 22 autres, qui étaient allés dîner, furent signer chez M. l'archevêque de Vienne, comme on en était convenu; 5 autres, du nombre desquels sont MM. les évêques de Rhodèz et de Coutances, ont suivi le même exemple; en sorte que la majorité est de 149 voix.

Cet arrêté est rendu public sur les six heures du soir.

MM le cardinal de la Rochefoucauld et l'archevêque de Paris sont partis pour Marly, pour rendre compte au roi de ces événemens.

Noblesse.

On soumet à l'examen de la chambre le projet de discours à adresser au roi, relativement à la dernière réponse de sa majesté. La chambre adopte celui qui suit:

Sire, l'ordre de la noblesse peut enfin porter aux pieds du trône l'hommage solennel de son respect et de son amour; la bonté et la justice de votre majesté out restitué à la nation des droits trop long-temps méconnus. Qu'il est doux pour nous d'a

voir à présenter au plus juste et au meilleur des rois, le témoignage éclatant des sentimens dont nous sommes pénétrés!

› Intérprètes en ce moment de la noblesse française, c'est en son nom que nous jurons à votre majesté une reconnaissance, un amour sans bornes, un respect et une fidélité inviolable pour sa personne sacrée, pour son autorité légitime et pour son auguste maison royale.

› Ces sentimens sont et seront éternellement ceux de l'ordre de la noblesse. Pourquoi faut-il que la douleur vienne se mêler aux sentimens dont elle est pénétrée ?

L'esprit d'innovation menace les lois constitutionnelles ; l'ordre de la noblesse réclame les principes: il a suivi la loi et les usages.

› Les ministres de votre majesté ont porté de sa part aux conférences, un plan de conciliation; votre majesté a demandé que ce plan fût adopté, ou un autre, et a permis de prendre les précautions convenables. L'ordre de la noblesse les a prises et suivies conformément aux vrais principes dont il était pénétré ; il a présenté son arrêté à ce sujet à votre majesté, et même il l'a déposé entre ses mains: elle aurait désiré y voir plus de défé

rence.

› Ah! sire, c'est à votre cœur seul que l'ordre de la noblesse en appelle. Sensiblement affectés, mais constamment fidèles, la pureté de nos motifs, la vérité de nos principes, nous donneront toujours des droits à vos bontés: vos vertus personnelles fondèrent toujours nos espérances.

› Les députés de l'ordre du tiers-état ont cru pouvoir concentrer en eux seuls l'autorité des États-Généraux, sans attendre le concours des trois ordres et la sanction de votre majesté; ils ont cru pouvoir convertir leurs décrets en lois; ils en ont ordonné l'impression, la publicité et l'envoi dans les provinces; ils ont détruit les impôts; ils les ont recréés, ils ont pensé sans doute pouvoir s'attribuer les droits du roi et des trois ordres. C'est entre les mains de votre majesté même que nous déposerons nos protestations, et nous n'aurons jamais de désir plus ardent que

de concourir au bien d'un peuple dont sa majesté fait son bonheur d'être aimé.

› Si les droits que nous défendons nous étaient purement personnels, s'ils n'intéressaient que l'ordre de la noblesse, notre zèle à les réclamer, notre constance à les soutenir, auraient moins d'énergie. Ce ne sont pas nos intérêts seuls que nous défendons, sire, ce sont les vôtres, ce sont ceux de l'État, ce sont enfin ceux du peuple français.

› Sire, le patriotisme et l'amour de leur roi forment le caractère distinct des gentilshommes de votre royaume ; les mandats qu'ils nous ont donnés, prouveront qu'ils sont les dignes héritiers des vertus de leurs pères: notre zèle et notre fidélité à les exécuter, leur prouveront aussi que nous étions dignes de leur confiance; et pour la mériter de plus en plus, nous nous occuperons sans relâche des grands objets pour lesquels votre majesté nous a convoqués. »

La séance est levée.

SÉANCE DU SAMEDI 20 JUIN.

Communes.

Le public, prévenu que la pluralité des membres du clergé devait se réunir à l'assemblée nationale, se porta en foule dès le matin à la salle générale; mais l'on entendit publier dans les rues, par des hérauts d'armes, la proclamation suivante:

[ocr errors]

Le roi ayant résolu de tenir une séance royale aux ÉtatsGénéraux, lundi 22 juin, les préparatifs à faire dans les trois salles qui servent aux assemblées des ordres, exigent que ces assemblées soient suspendues jusqu'après la tenue de ladite séance. Sa majesté fera connaître par une nouvelle proclamation, l'heure à laquelle elle se rendra, lundi, à l'assemblée des États. »

Un détachement de Gardes-Françaises s'empare de l'hôtel des États.

Vers les neuf heures, M. le président de l'assemblée et les deux secrétaires se présentent à la porte principale; l'entrée leur en est refusée, ainsi qu'à un grand nombre de députés.

« PreviousContinue »