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» Je veux convertir un moment de crise en une époque salutaire pour mes sujets;

› Commencer la réformation de l'ordre judiciaire par celle des tribunaux, qui en doit être la base;

› Procurer aux justiciables une justice plus prompte et moins dispendieuse;

› Confier de nouveau à la nation l'exercice de ses droits légitimes, qui doivent toujours se concilier avec les talens.

> Je veux surtout mettre dans toutes les parties de la monarchie cette unité de vues, cet ensemble, sans lesquels un grand royaume est affaibli par le nombre même et l'étendue de ses provinces.

» L'ordre que je veux établir n'est pas nouveau; le parlement était unique, quand Philippe-le-Bel le rendit sédentaire à Paris. Il faut à un grand Etat un seul roi, une seule loi, un seul enregistrement;

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> Des tribunaux d'un ressort peu étendu, chargés de juger le plus grand nombre des procès;

> Des parlemens auxquels les plus importans seront réservés; » Une Cour unique dépositaire des lois communes à tout le royaume, et chargée de leur enregistrement;

› Enfin, des Etats-Généraux assemblés, non une fois, mais toutes les fois que les besoins de l'Etat l'exigeront :

› Telle est la restauration que mon amour pour mes sujets a préparée et consacre aujourd'hui pour leur bonheur.

› Mon unique but sera toujours de les rendre heureux.

› Mon garde des sceaux va vous faire connaître plus en détail mes intentions. ‣

DISCOURS DE M. LE GARDE-DES-SCEAUX POUR ANNONCER L'ORDONNANCE DU ROI SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE.

MESSIEURS,

› Avant d'exercer aujourd'hui dans cette Cour la plénitude de sa puissance, le roi s'est fait représenter dans ses conseils les plus salutaires ordonnances de ses prédécesseurs.

› Sa majesté a reconnu d'abord, par la seule inspection de leur enregistrement, que l'autorité souveraine avait été obligée de se déployer tout entière, pour ordonner aux parlemens de vérifier la plupart des lois qui ont assuré la prospérité de la nation.

› Cet examen a déterminé sa majesté à faire publier en sa présence plusieurs nouveaux édits que sa sagesse a conçus pour le bien de ses peuples.

» Ce n'est en effet, Messieurs, que dans cette forme absolue, ou du très-exprès commandement du roi, que sont inscrites dans vos registres les meilleures lois de cette monarchie.

» L'ordonnance de Charles V, qui fixe la majorité des rois à quatorze ans, de 1375;

L'ordonnance de Charles VIII, sur le fait de justice, de

1493;

» L'ordonnance de Louis XII, donnée à Blois en 1498;

› L'édit de François Ier, portant création d'un lieutenant-criminel dans chaque bailliage et sénéchaussée, de 1523 ;

› L'édit de création et l'édit d'ampliation des présidiaux, d'Henri II, en 1551;

» L'ordonnance d'Orléans, de Charles IX, en 1560;

L'édit de Roussillon, de 1565;

› L'ordonnance de la même année, sur l'abréviation des pro

cès;

› L'édit de Charles IX, sur la juridiction des juges-consuls, de 1565;

> La déclaration sur l'ordonnance de Moulins, en 1566;

» L'ordonnance de Blois, en 1579;

› L'édit d'Henri III, portant établissement des greffes, pour les contrats sujets à retraits lignagers, de 1586;

L'édit d'Henri IV, portant création des greffiers civils et

criminels, en 1597;

» L'ordonnance de Louis XIII, sur les plaintes des Etats-Gé

néraux, en 1614;

» L'édit de Louis XIII, sur le domaine, en 1619;

» L'édit de Louis XIV, contre les duels, en 1651 ;

» L'ordonnance civile de Louis XIV, en 1667;

» L'édit de Louis XIV, portant établissement des greffes pour la conservation des hypothèques, en 1673;

» L'édit pour les épices, vacations et autres frais de justice, de la même année;

› Enfin, l'édit de 1774, qui vous a rétablis dans vos fonctions.

› Ces exemples, Messieurs, avertissent le roi du digne usage qu'il peut faire du pouvoir suprême pour le bieu de la nation.

» Sa majesté doit incontestablement la justice à ses peuples. » Mais jusqu'à présent cette grande protection a été trop lente et trop dispendieuse dans ses Etats.

» Des plaintes universelles avertissent depuis long-temps sa majesté de plusieurs abus importans en ce genre; et toutes les provinces de son royaume lui demandent également d'y pourvoir.

> En matière criminelle, vous éprouvez souvent, Messieurs, que vos jugemens portent sur des délits commis à cent lieues de la capitale.

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› C'est de la même distance qu'en matière civile les sujets du roi sont obligés de venir solliciter vos arrêts; et ce n'est bien souvent qu'après plusieurs années d'attente, qu'ils parviennent à les obtenir.

> Des contestations, dont le plus grand nombre est de peu d'importance, les asservissent à de longs et ruineux séjours dans la capitale ; et l'art inépuisable de la chicane applique encore à de légers intérêts les formes lentes des discussions les plus épineuses et les plus compliquées.

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Cependant sa majesté ne vous impute point ces lenteurs, et elle se' plaît à rendre aujourd'hui, Messieurs, un témoignage

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solennel de satisfaction à votre activité, à votre zèle, à vos lumières.

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• Quoique cet inconvénient d'un trop long délai soit plus marqué dans cette Cour, à cause de l'immense étendue de son ressort, sa majesté n'ignore pas qu'il se fait encore trop sentir dans le ressort de ses autres parlemens.

> Pour y remedier, le roi s'est vu réduit à l'inévitable alternative, ou de multiplier ses Cours souveraines, ou d'augmenter les pouvoirs des tribunaux du second ordre.

» C'est ce dernier moyen que sa sagesse a préféré.

En conséquence, le roi se détermine à donner une constitution nouvelle à ses bailliages; il les autorise tous à juger définitivement les contestations dont le fond n'excédera pas quatre mille livres.

En même temps, et au-dessus de ce premier ordre de bailliages, sa majesté choisit dans les villes les plus considérables de votre ressort les tribunaux qui y sont établis, pour les élever à une compétence plus considérable; et sous la dénomination de grands bailliages, ils décideront sans appel les affaires criminelles, de même que les procès civils, lorsque la valeur de l'objet contesté ne s'élevera pas au-dessus de 20,000 liv.

» Ainsi sa majesté vous réserve, Messieurs, en matière civile, toutes les contestations qui excéderont cette dernière attribution, et de plus toutes les causes qui de leur nature doivent ressortir à ses Cours; et en matière criminelle, vous connaîtrez, comme par le passé, des causes des privilégiés,

» Par cet ordre qu'elle prescrit, sa majesté vous fixe à vos véritables fonctions.

› Elle conserve aux ecclésiastiques, aux gentilshommes, et à tous ceux de ses sujets qui participent à leurs priviléges, le droit de n'avoir que vous seuls pour juges suprêmes en matière criminelle.

› Elle vous attribue également en matière civile le jugement définitif des grandes affaires, pour lesquelles ses Cours ont été

principalement établies, selon les termes du roi Henri II, dans l'édit de création des présidiaux.

› Le roi regardant comme un sage principe de législation de soumettre à deux jugemens différens les questions d'une certaine importance, assure à tous les sujets deux degrés de juridiction pour les affaires de cette espèce.

› Ainsi sa majesté n'abolit aucun tribunal, n'exerce aucune contrainte, et elle se borne à rapprocher la justice des justiciables, dans les mêmes tribunaux qui la leur rendent depuis long-temps.

› Il en coûtera aux peuples beaucoup moins de peine, de temps et de dépense pour l'obtenir.

Quant aux jugemens criminels, quoique la vie d'un homme soit aux yeux de sa majesté d'un prix incomparablement plus grand que les propriétés les plus importantes, de sages considérations ont pourtant déterminé le roi à accorder le dernier ressort aux grands bailliages, en matière criminelle, en même temps qu'il restreint, en matière civile, leur droit de juger sans appel, à la somme de 20,000 livres.

› Sa majesté m'ordonne de vous faire connaître les motifs qui l'ont décidée et rassurée dans cette disposition de sa loi.

› D'abord, Messieurs, les grandes questions en matière civile sont infiniment plus contentieuses et plus embarrassantes que les causes criminelles. Les artifices de la plaidoirie tiennent encore à les compliquer; et comme il faut plus de lumières et de talent pour les discuter, il faut aussi plus de pénétration et de savoir pour les résoudre.

> Les jurisconsultes que ces questions savantes exigent, se trouvent rarement hors de l'enceinte des Cours.

› Les procès criminels, au contraire, dans lesquels il ne s'agit que d'éclaircir et de constater les faits d'après les témoignages et les preuves, et d'en déterminer l'espèce et le rapport avec la loi, sont beaucoup plus simples de leur nature.

» Or, ce n'est pas tant, Messieurs, à l'importance des raisons qu'à la difficulté de les juger, que le législateur doit avoir égard,

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