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dissement qui l'avait conduite restait tout entier, et les peuples eux-mêmes étaient dressés à une activité militaire qui avait besoin de s'épancher. Alors les Princes conçurent l'idée de reconstruire l'Empire de Charlemagne; la monarchie universelle fut le but de tous les désirs et de tous les efforts de cette époque, et ce fut cette ambition qui mit les armes à la main aux trois principaux monarques de l'Europe. La France ne cessa donc de combattre depuis Charles VIII, soit pour l'établir sous son nom, soit pour l'empêcher sous un autre. Elle sortit victorieuse de ces guerres, car elle rompit les projets de ses adversaires, et conserva sa personnalité souveraine. Sous Charles VIII, elle combattit en Italie; sous Louis XII, elle combattit en Italic encore, et de plus contre les Anglais et les Impériaux en Picardie, et contre les Suisses en Bourgogne; sous François I, il y cut un champ de bataille de plus sur les frontières d'Espagne; enfin, sous Henri II, une trève fut signée à Cateau-Cambresis, en 1559, sous le nom de paix. C'est pendant cet intervalle de repos que commencèrent à paraître en France les premiers symptômes d'une nouvelle crise civile où le peuple lui-même continua ce que Louis XI avait commencé.

Les quelques mots qui précèdent suffisent pour l'histoire des quatre rois que nous venons de nommer. Lorsqu'on ne veut en présenter que la généralité, et qu'on la dépouille de tous ses accessoires dramatiques, il suffit de dire de plus que Louis XII monta sur le trône en 1498, François Ier en 1515, Henri II en 1547.

Pendant la durée de cette guerre, les Etats-généraux ne furent assemblés qu'une seule fois, en 1558, pour combler le déficit du trésor. En effet, ils ne furent occupés que de finances. Leur composition différa de celle des Etats qui les avaient précédés. Au lieu d'être formés de députés élus par des Etats provinciaux, et chargés des cahiers de doléance rédigés par chacune des nations, ils furent composés comme ceux du temps de saint Louis, du haut clergé, de la haute noblesse, des maires et des échevins représentant le tiers. Seulement on y ajouta un quatrième ordre, qu'on nomma Etat de la justice, et auquel on

appela les premiers présidens de tous les parlemens, et les gens du roi. Ainsi, c'était encore une réunion à la manière des anciens plaids, où le roi convoquait qui il voulait.

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Henri II ne jouit pas de la paix que la générosité des Etats l'avait mis en position d'acquérir par quelques victoires; il fut tué la même année, dans un tournois, laissant la couronne à François II, son fils aîné, âgé d'un peu plus de seize ans. Ainsi advint une de ces minorités qui avaient été, sous la troisième race aussi fatales à la France que les guerres de succession sous les deux premières, en donnant carrière à l'ambition de la noblesse, et aux disputes pour la régence. Cette fois les élémens de troubles étaient plus nombreux que jamais. La réforme avait pénétré en France, et avait fondé un parti religieux. Les Protestans formaient dans la nation un peuple et un intérêt à part: il y avait donc une force d'opposition toute préparée pour servir les projets des ambitieux qui seraient vaincus à la Cour. Ajoutez que la minorité commençait avec les précédens les plus fâcheux. Les impôts étaient excessifs, et cependant insuffisans; le commerce et l'agriculture étaient ruinés; le crédit était anéanti; les armées qui avaient été en partie licenciées à la paix, avaient jeté sur la place, et sans occupation, une masse d'hommes de guerre, impatiens d'un repos qui les condamnait à la misère.

Cependant le gouvernement du jeune roi était entre les mains du cardinal de Lorraine et du duc de Guise, que les dernières victoires du règne précédent avaient illustré. Ils s'étaient adjoint la reine-mère, Catherine de Médicis. Les princes du sang, pour s'emparer du pouvoir, conspirèrent d'enlever le roi et d'arrêter les Guises. Ils appelèrent à eux les Protestans qui, depuis le règne de François Ier, étaient l'objet de poursuites irrégulières, plus irritantes qu'une persécution, franche et continue. Ils pensèrent même à l'appui qu'ils pourraient tirer des Protestans d'Allemagne. Cette conspiration manqua; mais les chefs furent épargnés, et tous ceux qui y avaient trempé prirent les armes dans les provinces. Ainsi le protestantisme ne devint en France un parti politique qu'en s'alliant aux prétentions de la noblesse, et parce qu'il le

servit. Or, en avançant cette opinion, nous ne disons rien de neuf: ce fait fut tellement évident que pas un historien n'a manqué de le noter.

Le gouvernement, embarrassé au milieu de ces troubles, invoqua sa ressource ordinaire dans les grandes difficultés : il résolut d'assembler les Etats-Généraux. Quelques jours avant l'ouverture, Francois II vint à mourir, et laissa le trône à Charles IX, son frère, à peine âgé de dix ans.

La première séance des Etats eut lieu le 13 décembre 1560, à Orléans.

La question principale pour les partis qui agitaient le pays, était la désignation du conseil de régence. Ce fut la moindre pour les Etats, et rien ne prouve mieux, selon nous, que les destinées du pays étaient étrangères à toutes les factions qui prenaient prétexte de ses intérêts, aussi bien qu'au triomphe du protestantisme. En effet, cette assemblée fut celle que l'on considéra comme la plus favorable aux Huguenots, et cependant, sauf quelques discours individuels, elle ne manifesta, par ses votes, d'autres opinions que celle de l'intérêt général. Le clergé demanda que les anciens usages fussent rétablis pour l'élection des Évêques, c'est-à-dire que les pasteurs reçussent leur titre par la nomination du peuple et du clergé, et par l'approbation du roi ; il réclama contre la vénalité des charges; il sollicita l'établissement d'écoles dans les bourgs et villages. La noblesse demanda des Etats-Provinciaux tous les cinq ans, et des Etats-Généraux tous les dix ans; de nouveaux réglemens sur le service de l'arrière ban; la réforme de la justice; l'établissement d'écoles gratuites pour les pauvres, d'hôpitaux et d'ateliers de charité ; la suppression des fetes qui nuisaient au travail. Le Tiers-Etat demanda des Etats-Généraux tous les cinq ans, et un décret qui en fixerait, dès ce jour, l'époque et le lieu; la réforme de la justice; la liberté indéfinie du commerce. Il se plaignit des vexations que les seigneurs faisaient éprouver aux habitans des campagnes, Les trois ordres s'accordèrent d'ailleurs à demander l'assemblée d'un concile national, et se réunirent dans les mêmes projets de

réforme financière. Enfin, ils acceptèrent Catherine de Médicis comme régente du royaume.

On avait proposé aux Etats de résoudre l'embarras financier où se trouvait la Cour. Ils répondirent que les corps électoraux des bailliages, leurs commettans, ne leur avaient donné aucune autorisation sur ce sujet. On leur annonça donc qu'une nouvelle assemblée serait convoquée immédiatement, composée, non par bailliages, mais par gouvernemens. De cette manière, en effet, on était certain d'avoir une réunion très-peu nombreuse, et par suite plus facile à manier.

Ainsi, les Etats de 1560 se séparèrent sans avoir rien fait pour aucun parti, et nous mettons la faction de la régente dans ce nombre. La noblesse et le clergé seuls avaient agité quelques questions relatives à la réforme, mais sans qu'elles eussent conduit à aucune conclusion.

Au mois d'août 1561, l'assemblée annoncée par la Cour fut réunie. On isola les ordres: on avait convoqué le clergé à Poissy, la noblesse et le tiers à Pontoise: chaque ordre ne se composait que de treize députés. Le clergé consentit à toutes les mesures financières qu'on proposa, même à celles qui devaient peser sur ses biens; les deux autres ordres votèrent pour la tolérance religieuse, mais ils refusèrent tout ce qui eut atteint les grands propriétaires qu'ils représentaient, et accordèrent seulement un impôt sur les boissons qui ne devait charger que le peuple. Cette assemblée de grands seigneurs ne pouvait avoir aucune influence sur l'opinion publique; et, en effet, elle n'empêcha rien et encouragea le mal.

La Régente qui craignait pour son pouvoir au milieu de deux partis armés, ne pouvant les satisfaire en même temps tous deux, inclinait de l'un à l'autre. Il en résulta enfin une sanglante collision, car chacun sentait que le pouvoir serait à qui le prendrait. D'ailleurs, soit d'un côté, soit de l'autre, les soldats seuls étaient catholiques ou protestans, les chefs n'étaient qu'ambitieux ou mécontens. Le parti des Huguenots ne fut positivement formé qu'en 1572, après la Saint-Barthélemy.

Il n'entre point dans le plan de cette introduction de parler de cette sanglante exécution. Pour en donner une idée exacte, et en présenter l'histoire dépouillée des sophismes de parti qui en ont caché les causes, il nous faudrait entrer dans de trop longs détails. Il suffit de dire que, mettant de côté les motifs de la cour, le sentiment qui poussa le peuple à permettre cette terrible action, était une colère trop justifiée, où il y avait autre chose que du fanatisme religieux. Ce fut la noblesse qui fut frappée, cette noblesse qui depuis si long-temps troublait les destinées du pays. Coligny lui-même, dont les écrivains ont porté și haut le caractère, était, des nobles, le plus indépendant et le plus ambitieux. Il était coupable de plus d'une atteinte à la nationalité : entre autres, il était accusé d'avoir livré le Havre aux Anglais en 1562.

Charles IX mourut en 1574, laissant le trône à Henri III son frère, et la France en proie à la guerre civile. Elle fut suspendue en 1576 par l'édit de pacification. Le Roi accordait le libre exercice de la Religion prétendue réformée, et laissait aux chefs du parti huguenot la possession de leurs villes et de plusieurs provinces: il désavouait la Saint-Barthélemy, en indemnisait les victimes, etc. Il se trouvait donc, par le fait, que les prétentions nobiliaires avaient triomphé, car une partie de la France était divisée en petits états possédés à titre de souverainetés et de concessions légitimes, par les chefs des Huguenots; et il faut remarquer que parmi eux, il y avait le parti des Politiques, composé de personnages qui n'étaient pas seulement sans croyance, mais sans symboles religieux, et qui d'ailleurs ne cachaient nullement leur but personnel d'indépendance.

L'unité française fut sauvée par l'insurrection du sentiment religieux qui était resté, en immense majorité, catholique. Ce fut lui qui engendra, propagea et nourrit la Ligue. Le formulaire de cette association qui fut appelée sainte, est l'acte que nous croyons le plus propre à manifester son véritable esprit. Ses considérans sont ainsi conçus :

« Au nom de la très-sainte Trinité et de la communication du Sacré Corps de Jésus-Christ, avons promis et juré sur les saints

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