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du décret de ce premier roi, que tous, sans distinction de rang ni de condition, ont formé l'assemblée législative, qui en a réglé et arrêté les différentes dispositions; mais que le prince étoit plus particulièrement assisté des grands de son royaume (1).. Dans le conseil de Clotaire, il n'est question que des sages. Clotarius ipse... similiter cum regni sui sapientibus invenit.... Ce sont les fonctions de ces sénateurs, de ces viri sagi et nobiles, dont parle Grégoire de Tours.

On croit assez communément que tout étoit barbare dans ces premiers temps de notre histoire. C'est un préjugé de ignorance dont il faut se défaire. Il est vrai que la langue n'étoit pas polie. Les mœurs avoient une écorce rude et grossière, mais sans corruption et sans fard. Les idées, moins approfondies, étoient justes et lumineuses. C'étoit un spectacle bien différent de l'antiquité païenne, où la politesse régnoit dans

(1) In Dei nomine, nos omnes Kal. mar. de quibuscumque conditionibus, unà cum nostris optimatibus pertractavimus. (Decretio Childeb. Lindenb., pag. 346.)

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le style, et la barbarie dans les lois. Il ne faut pas que la pompe de l'éloquence grecque et romaine, si éblouissante pour la jeunesse en impose à notre âge mûr, et nous cache, sous un vernis si brillant, le vice des lois et celui du gouvernement populaire. Il faut moins encore que la rouille innocente d'un idiome informe et sans art nous fasse mépriser nos antiquités nationales. Ce seroit insulter à la foiblesse de notre enfance, avec d'autant moins d'équité, que des yeux attentifs démêleront dans son caractère naissant, bien des traits précoces d'une haute sagesse. Ce n'est pas sans raison que les anciens législateurs parloient du peuple français avec une si haute admiration. Ils lui reconnoissoient autant d'habileté dans les conseils, que d'intrépidité dans les combats. La fidélité dans les alliances, la bonne foi dans les traités, et la pureté de la doctrine, achevoient la peinture d'un si beau caractère ( 1 ).

Ce sont les ennemis de notre nation qui

(1) Gens Francorum inclyta, auctore Deo condita, fortis in armis, profundaque in consilio, firma in pacis fædere.... Immunis quidem ab omni hæresi, etc. (Prol. leg. sal.)

l'accusent

l'accusent d'être légère et frivole. Son enjouement naturel lui en donne l'apparence à leurs yeux. Ils se croient plus profonds, ils ne sont que plus tristes; désespérant d'imiter ses grâces, ils trouvent plus facile de les décrier, et font comme les gens de mauvaise humeur, qui affectent de prendre l'esprit pour un défaut de jugement, et le jugement pour un défaut d'esprit. Le Français, dit M. de Voltaire, est le plus sensé de tous les peuples, la plume à la main. Quel autre, à l'époque de sa gloire, avoit plus de bienséance dans ses mœurs, plus de dignité dans sa magistrature, plus d'appareil dans ses cérémonies, plus de majesté dans ses lois ? et, pour revenir à nos premiers temps, quoi de plus noble et de plus sage que le motif de cette assemblée générale de la nation convoquée pour la rédaction des lois saliques? C'étoit, comme le disent ces anciens législateurs: << dans le dessein de couper la racine » de tous les différends qui troubloient la paix publique, et de fonder sur la sainteté

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» des lois cette prééminence que la nation française avait acquise par la force des » armes (1). ›

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(1) Ut propter servandum inter se pacis studium,

Ce fut la première aurore de cette législa tion nouvelle que le christianisme annonçoit au monde comme le principe de la liberté politique, dans l'Etat, aussi bien que de la délivrance spirituelle dans la religion. Il yenoit affranchir soixante millions d'esclaves sur qui les lois romaines donnoient droit de vie et de mort au caprice de leurs maîtres. Le châtiment de cette tyrannie insolente fut bien assorti au caractère des coupables. Ces maîtres si fiers furent réduits eux-mêmes à la condition servile; et l'on voit encore avec étonnement, dans les termes de notre ancienne jurisprudence, que ce nom de Romain qui faisoit trembler les rois quelques siècles auparavant, étoit devenu, par une étrange décadence, le synonyme d'esclave. Pour comble d'opprobre, le meurtre de ce Romain, de ce descendant des Popilius, étoit puni de la même peine que le vol d'un épagneul ou d'un basset. Il en coûtoit 1800 deniers, qui valoient alors 45 sols. Voilà le

omnia incrementa veterum rixarum resecare deberent, et quia cæteris gentibus juxta se positis fortitudinis brachio præminebant, ità etiam legum auctoritate præcellerent. (Cod. leg. Antiq., pag. 316.)

prix des maîtres du monde. On ne sauroit tomber de plus haut, ni descendre plus bas. Les Francs étoient loués dans tout l'univers, << de ce qu'avec une poignée d'hommes, ils » avoient brisé le joug de ces tyrans, tout >> couverts encore du sang des martyrs (1).:

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Le caractère de ces premiers monumens de notre histoire doit faire sentir aux esprits les plus prévenus, l'autorité légitime de ces lois constitutives de la monarchie, que nous prenons à la source même de l'antiquité; mais, pour en saisir d'un coup d'œil la perpétuité invariable dans le cours des âges, que l'on rapproche maintenant ce premier conseil de la nation, ce corps législatif que présidoit Clovis, d'un de ces lits de justice où nos derniers Rois déployoient toute la majesté du trône. On verra, dans l'un comine dans l'autre, les mêmes principes en vigueur,

(1) Hæc est enim gens, quæ parva dum esset numero, fortis robore et valida, durissimum Romanorum jugum de suis cervicibus excussit pugnando. Atque post agnitionem baptismi, sanctorum martyrum corpora,quæ Romani vel igne concremaverunt, vel ferro truncaverunt, vel bestiis laceranda projecerunt, Franci reperta auro et lapidibus pretiosis ornaverunt. (Tractat. leg. sal.)

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