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de ses ancêtres? Elle implore son Roi comme un libérateur, et ce qu'elle redemande en lui, ah! ce n'est pas la bonté, vertu si naturelle au sang des Bourbons, c'est l'attribut de la puissance, c'est la force protectrice de la société, c'est le sceptre enfin de Henri IV et de Saint-Louis, et non pas ce frêle roseau dont les législateurs de 89 avoient armé la majesté royale, pour en faire le jouet du peuple souverain.

« Il faut, dit le sénat, que le peuple soit » libre, afin que le Roi soit puissant. » Retournez cette idée, et vous en ferez la pensée la plus vraie, la plus forte, la plus instructive: « Il faut que le Roi soit puissant, afin » que le peuple soit libre. >>

J'ose croire qu'il est un juste tempérament pour unir ces deux choses autrefois incompatibles, comme parle Tacite : Res olim dissociabiles, principatum et libertatem. Ce secret est dans nos ruines; et c'est pour le découvrir à la raison de notre âge, que je vais rechercher les élémens du pouvoir public et de la représentation nationale, questions fondamentales dans toutes nos constitutions. Je prendrai mes principes dans les lois les plus anciennes et les plus inviolables de la monar

chie; et je ne dirai rien qui ne soit appuyé sur la raison et sur l'histoire, deux ordres de vérités qui sont en harmonie, et qui se soutiennent l'un par l'autre.

POUR fonder la constitution politique d'une manière stable et assurée, il ne suffit pas que le pouvoir public soit monarchique et héréditaire : car les premiers législateurs de 89 n'avoient pas méconnu ce principe de l'unité et de l'hérédité par voie légitime; ils l'avoient même établi avec une apparente solidité au chapitre 1 de leur constitution. Mais animés de cette haine secrète du pouvoir, maladie des esprits foibles, qui gagnoit tous les ordres, ils trouvèrent le secret de le détruire en l'établissant. Ce fut un art nouveau de renverser les gouvernemens en leur donnant des lois. Ils y employerent deux principes ouleur génie paroît à découvert : l'un fut de confondre la séparation des fonctions avec la division des pouvoirs, et le combat perpétuel des élémens fut le seul ordre établi dans cette nouvelle création. Ce premier dogme mit la ruine et l'incendie dans les fondations de l'édifice ;

l'édifice; mais l'embrasement partit du faîte. Le principe de la souveraineté du peuple en revendique l'honneur. C'étoit le couronnement de tout l'ouvrage, et la conception favorite de la philosophie. Pour mieux abaisser le pouvoir, ou plutôt pour l'anéantir plus surement, ils imaginèrent de placer audessus de lui ce fantôme hautain d'une souveraineté chimérique dont ils ne laissoient au peuple que l'illusion, s'en réservant à euxmêmes le droit réel et l'exercice permanent. (Chap. III, sect. 1.) Ce qu'il y eut de plus rare et de plus curieux, après ce beau travail, ce fut de les voir se féliciter entr'eux sur la solidité, sur l'immortalité de ce chef-d'œuvre. Quel ravissement, quelle extase en contemplant la perspective infinie de sa durée ! Les siècles n'en verroient pas la fin ; les générations les plus reculées béniroient leur mémoire. Ce n'étoit plus seulement la constitution française; c'étoit celle de l'univers. Le genre humain devoit adorer la philosophie qui lui avoit fait ce beau présent. Insensés ! de tout cet échafaudage d'orgueil, il ne reste que leur tombeau, triste monument d'une folie sans exemple ou d'une hypocrisie sans excuse. Et nous, qui les avons vus ensevelis,

sitôt après, sous les débris de leur immortel édifice, par quel fatal aveuglement, par quelle incurable démence nous obstinerionsnous à bâtir sur ces principes ruineux, sur ce sable mouvant des passions populaires?

Il faut entendre, dans cette question, les paroles mêmes de notre auguste et infortuné Louis XVI, lorsqu'après l'examen de cette constitution qu'il alloit signer, comme l'arrêt de sa mort, il écrivit à l'assemblée constituante, le 13 septembre 1791:

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« Je manquerois à la vérité, si je disois » que j'ai aperçu dans les moyens d'exécu» tion, l'énergie qui seroit nécessaire pour imprimer le mouvement et pour conserver » l'unité dans toutes les parties d'un si vaste >> empire. Mais, puisque les opinions sont di» visées sur ces objets, je consens que l'expérience seule en demeure juge. >> En effet, l'expérience en a décidé, et d'une manière qui ne souffre point de réplique. Mais, qui ne seroit frappé de l'avis d'un prince si modeste et si prévoyant? On ressent, malgré soi, de l'indignation, lorsqu'on voit cette constitution vraiment barbare, réduire le pouvoir suprême à se plaindre de sa foiblesse devant des législateurs aveugles qui

eroient triompher de son impuissance, tandis que la mort seule triomphe de leur ruine com mune. Mais après de si folles erreurs, il est temps d'en venir à une meilleure doctrine, et de montrer le pouvoir public établi sur les principes de la plus haute et de la plus judicieuse antiquité.

C'est une loi fondamentale de la monarchie,

que le pouvoir est un et indivisible : les fonc tions seules sont distinctes et séparées. Les personnes ou les corps qui les exercent, n'ont qu'une autorité empruntée qui dérive du pouvoir suprême, comme de sa source. Cette élévation et cette majesté du pouvoir ne le rendent ni absolu, ni indépendant des lois; car c'est une autre maxime, aussi ancienne et aussi sacrée dans la monarchie, que le pouvoir n'agit que par des lois établies et selon des formes déterminées. Tel est l'objet de la constitution. Elle ne confère pas le pouvoir; elle en règle seulement l'exercice, selon les principes consacrés dans l'Etat. Le premier et le plus important de ces principes, qui remonte au berceau même de notre première enfance, est l'institution d'un conseil national où le peuple intervient par lui-même ou par ses représentans, et dont le concours est

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