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de Leipsick rappellent bientôt les bords de la Berezina; et après quatorze siècles de gloire, la France toute entière vient expirer sur les rives de la Saale.

Des défaites si multipliées ne peuvent abattre l'orgueil de Bonaparte; le démon des conquêtes l'agite et le tourmente encore; il ne rêve que victoires, que succès. En vain l'ennemi lui propose la paix: sa gloire passée lui défend de l'accepter; il veut démembrer le grand Empire, et donner des lois à celui de qui relèvent les trônes et les couronnes. Quel projet insensé ! N'avons-nous pas deux millions de Français prêts à verser leur sang, plutôt que de supporter l'idée seule d'esclavage.... Voilà ce que le Sénat ne cesse de répéter à Bonaparte. Mais l'ennemi s'est mis en marche, déjà même il a envahi le territoire français. Il était temps de songer à se défendre. Des divers points de l'Empire on fait partir en toute hâte le peu de troupes qui restent encore à la France; on en forme une armée; mais quelle armée ? Point de cavalerie, point d'artillerie, les fusils même manquent aux soldats; c'est avec ces faibles phalanges que Bonaparte veut aller brûler Munich, et signer la paix à Vienne. Il a juré de chasser dans trois mois l'ennemi du sol français, et fût-il sur les hauteurs de Montmartre, il ne céderait aucun village! Les trois mois expirent... et tandis que pour remonter l'esprit public, nous remplissons les journaux de mensonges absurdes, de déclamations furibondes, d'adresses incendiaires; tandis que nous faisons retentir la capitale du bruit des victoires de Bonaparte, l'ennemi vainqueur est aux portes de Paris.... Le Sénat épouvanté ne sait que

résoudre, il veut fuir... Les troupes alliées inondent déjà la capitale le Sénat s'assemble aussitôt, et rédige en deux jours une constitution qui eût demandé six mois de travail et de méditations profondes; jamais le délire de l'égoïsme ne fut poussé si loin; sur plus de trente articles dont cette charte constitutionnelle se compose, dix sont consacrés à nos intérêts les plus chers! Non, sans doute, une pareille constitution ne saurait convenir aux Français; tôt ou tard elle les précipiterait dans cet abîme de maux qui signalèrent l'époque déplorable dont le souvenir glace encore d'effroi.... Mais je sens que mes forces m'abandonnent... Puisse le Français oublier que je fus coupable! Que j'expie cruellement mes erreurs passées! Puisse la vengeance céleste.... »

Pagniodès n'acheva pas, ses yeux se fermèrent; il me serra la main, et mourut.

DE LA

CONSTITUTION,

ET DES

LOIS FONDAMENTALES

DE LA

MONARCHIE FRANÇAISE.

AVANT-PROPOS.

CET écrit paroît un peu tard : ce n'est pas la faute de l'auteur, mais de son siècle. Depuis vingt-cinq ans, les constitutions naissent et meurent, avant qu'on ait eu le loisir d'y penser. Celle qui se prépare sera fondée sans doute sur des principes qui lui assureront une plus longue vie. L'espoir d'y contribuer a seul inspiré ce qu'on va lire, et sa publication eût été moins tardive, si l'auteur eût pensé que le défaut de temps pût faire excuser celui de méditation. Mais avec le dessein de remettre en honneur des lois éternelles, il semble pouvoir se promettre un intérêt plus durable que les circonstances présentes.

Les vérités que l'auteur y soutient ont été pour lui des vérités de tous les temps. Il doit lui être permis de le dire,

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